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Spécial « infrasons »
La première vise au préalable à démontrer que les basses
fréquences sont une catégorie acoustique pertinente,
aussi bien sur le plan de la propagation des sons que de
leur perception. La deuxième partie donne quelques indi-
cations concernant l’émission sonore des véhicules en
stationnement moteur tournant. La troisième aborde le
cas des véhicules en circulation.
Les basses fréquences, une catégorie spectrale
pertinente
Aux limites de la perception des sons
Il est d’usage de considérer que l’oreille humaine ne perçoit
pas les sons en dessous d’une fréquence voisine de 20 Hz.
Pour les sons de fréquence inférieure, on parle générale-
ment d’«infrasons». La fréquence 20 Hz fixe d’ailleurs la
limite supérieure des infrasons dans la norme ISO 7196
[2]. Il faut toutefois garder à l’esprit que cette limite est
conventionnelle, comme celle de la bande passante d’un
filtre. En dessous de 20 Hz, la sensibilité de l’oreille humaine
décroît très rapidement à mesure que la fréquence dimi-
nue. Pour autant, la pente de cette décroissance n’est
pas infinie, et il est établi scientifiquement que l’oreille
humaine est capable de percevoir les sons dès quelques
Hertz, si tant est que leur intensité soit suffisamment
élevée, comme l’illustre la figure 1 [3].
Ainsi, la limite supérieure du domaine des infrasons se
situerait-elle plutôt autour de 1 Hz. Certains auteurs consi-
dèrent que la limite de 20 Hz est celle de la perception
de la hauteur des sons, plutôt que de la perception des
sons «tout court» [4].
Conséquence de la pente très raide de ce qu’il faut peut-
être appeler un «perceptogramme» plutôt qu’un audio-
gramme, les courbes d’iso-sonie sont très reserrées, si bien
qu’une faible variation de niveau de pression à fréquence
constante aboutit à une augmentation très importante de
la sonie. Nous sommes loin de la règle des 10 dB d’aug-
mentation du niveau sonore pour un doublement de la
sonie. Autre particularité, la dispersion interindividuelle du
perceptogramme dans les basses fréquences est beau-
coup plus large qu’aux fréquences plus usuelles [5]. Ceci
impose donc la prudence quand il s’agit de déterminer
l’audibilité d’un son dans cette gamme.
Fig. 1 : Seuil d’audition / perception pour les
fréquences inférieures à 100 Hz [3]
D’autre part, il faut se garder de considérer l’oreille comme
le seul mode de perception des sons. Pour des ondes
aériennes de fréquence suffisamment basse, certains
organes et parties du corps peuvent être mis en vibra-
tion, cette vibration étant répercutée ou non au cerveau
par le système nerveux. Par exemple, la résonance de la
cage thoracique pour des sons entretenus se manifeste
entre 30 et 90 Hz environ chez l’adulte (Figure 2). Une
étude britannique sur 61 sujets situe la médiane de cette
résonance à 74 Hz chez les hommes et à 64 Hz chez les
femmes [6]. Il est démontré que cette résonance est
bien celle de la cage thoracique et non celle de l’air qui
se trouve à l’intérieur.
Pour des compléments à propos des effets sur l’homme
du bruit basse fréquence, le lecteur pourra consulter [5]
et [6].
Fig. 2 : Résonance de la cage thoracique chez
un sujet de sexe masculin [6]
Dans le cas du trafic routier, il est assez improbable que
des fréquences inférieures à 20 Hz issues d’un véhicule
soient effectivement perceptibles. Il suffit de comparer
les spectres à l’audiogramme dans les basses fréquen-
ces pour s’en convaincre.
Des ondes aériennes que rien n’arrête ou presque
S’agissant de décrire les phénomènes propagatifs à basse
fréquence, on peut dire que la propagation en milieu exté-
rieur a les caractéristiques d’un filtre passe-bas. En d’autres
termes, les ondes sont très peu atténuées par rapport à
la situation de champ libre.
L’atténuation atmosphérique est inférieure à 1 dB/km,
donc négligeable [7]. A ces fréquences, les sols de l’en-
vironnement sont en général assimilables à des surfaces
rigides. Pour une source proche du sol la différence de
marche est trop faible pour faire apparaître la moindre
interférence. L’atténuation due au sol est donc voisine
de - 6 dB [8].
La transmission à l’intérieur des bâtiments a tendance
à renforcer ce comportement passe-bas. Les envelop-
pes des bâtiments sont peu efficaces contre les basses
fréquences [5,9]. Un recensement récent [10] des données
disponibles sur plusieurs pays montre des isolements
bruts qui évoluent en moyenne entre 10 et 20 dB quand
la fréquence augmente de 10 Hz à 100 Hz comme l’illus-
tre la figure 3.