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Spécial « infrasons »
On se situe encore, jusqu’à une centaine de kilomètres
pour les avions, dans le domaine de l’audible, puis par le
biais de l’absorption atmosphérique, il ne subsiste que les
fréquences les plus basses - on entend par infrasons les
perturbations acoustiques dont la fréquence est inférieure
à 16 ou 20 Hz. A noter qu’un front de choc comme celui
du bang sonique peut être comparé localement à une
onde plane, en aucun cas à une onde sphérique malgré
l’usage fréquent et “pédagogique” de cette image : en
effet, l’onde de pression locale se propage exclusivement
dans la direction perpendiculaire au cône de Mach.
Fig. 1 : Projectile animé d’une vitesse voisine de 1 000 m/s.
Extrait de la Réf. [1]
Rifle bullet with a speed close to 1 000 m/s. From Ref. [1]
Sur la photographie de la figure 1 qui représente le sillage
d’un projectile supersonique [1], on distingue bien d’une
part les deux fronts de choc et une zone «lisse» intermé-
diaire où règnent les effets non-linéaires (forts gradients
de pression et de température), et d’autre part la zone
arrière qui est le siège de phénomènes aéroacousti-
ques plus classiques (turbulence et ondes sphériques).
À noter que l’ouverture du cône de Mach est d’autant
plus grande que la vitesse est faible : elle tend vers 90°
quand le nombre de Mach tend vers un, d’où la notion de
«mur du son». Par ailleurs, le front avant a en réalité une
forme ogivale due au fait que le choc a en tout point une
vitesse normale de propagation supersonique, sa vitesse
à la pointe du mobile étant nécessairement égale à celle
du mobile lui-même.
Fig. 2 : Avion “Concorde” en vol,
bangs soniques enregistrés au sol à 19 km
“Concorde” in flight. Sonic booms recorded
on the ground at a distance of 19 km
La figure 2 représente le supersonique “Concorde” (photo :
Armée de l’Air) et le bang sonique enregistré au sol par
deux des capteurs situés hors de la trace de la trajec-
toire, l’avion volant à Mach 1,3 à 12 000 m d’altitude [2].
La distance de ces capteurs au couloir de vol est d’en-
viron 19 km. La forme de l’onde en N est bien visible, à
noter que, sur l’échelle des temps, l’avant du bang soni-
que correspond au front gauche de la courbe. La durée
totale de l’alternance, liée à la forme de l’appareil, à sa
vitesse et à la distance de propagation, est ici de 0,2 s.
La valeur de la surpression maximale est de l’ordre de
0,5 mbar, ce qui correspond à un niveau sonore d’envi-
ron 128 dB. Notons qu’à vitesse égale mais en accéléra-
tion ou en virage, cette amplitude pourrait être fortement
augmentée par le phénomène de focalisation.
Fig. 3 : Bangs soniques du “Concorde” enregistrés à 30 km et
105 km de l’avion
Sonic booms of “Concorde” recorded at 30 km
and 105 km away from the aircraft
En cours de propagation, l’énergie des chocs se dissipe
et les fréquences les plus hautes associées aux discon-
tinuités de pression tendent à disparaître, ce qui a pour
effet d’arrondir le profil de l’onde en N à 30 km de l’avion
comme on le voit sur la figure 3 en haut. A une centaine
de kilomètres, un autre phénomène apparaît, à savoir une
duplication du signal due à ce que l’on pourrait nommer la
réponse impulsionnelle de l’atmosphère, notamment liée
à des effets de diffraction et de réfraction sonore, qui va
progressivement donner au signal une structure d’échos
multiples : le même phénomène - dit de rumble [3] -
est en cause quand la détonation de la foudre est trans-
formée à distance en grondement de tonnerre. Sur le
signal de la figure 3 en bas, enregistré à Lannion alors
que le “Concorde” New York-Paris est en décélération à
l’approche de Guernesey, on peut voir que la durée appa-
rente de l’oscillation principale apparentée à l’onde en N
initiale est d’environ 0,7 s. Bien que l’énergie du spectre
soit majoritairement située dans la bande de fréquence
infrasonore, le bang sonique est encore audible à plus de
cent kilomètres, tout comme à Saint-Malo situé cent kilo-
mètres plus à l’Est.