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Spécial « infrasons »
Parallèlement, le contenu fréquentiel des signaux sonores
reproduits a également évolué, sollicitant, aujourd’hui, plus
largement les très basses fréquences. Ainsi, les bandes-
son des films d’actions, les musiques électroniques et rock
exploitent largement l’extrême grave. La figure 2 repré-
sente les spectres en tiers d’octaves de différents titres
musicaux. Le spectre en haut à gauche a été calculé sur la
totalité du titre « Back in the USSR » des Beatles, on remar-
que qu’à partir de 80 Hz le niveau chute assez rapidement
vers les graves. Sur les deux spectres suivants calculés sur
un morceau de musique techno (2 Unlimited - No Limits) et
sur un morceau folk-rock (Feist – A Commotion), on note
que les niveaux sur les premiers tiers d’octaves sont bien
plus élevés que pour le titre des Beatles. Ces deux titres
sont assez représentatifs de l’équilibre spectral utilisé
sur les productions actuelles – il est donc possible d’en
trouver de plus extrêmes. Le dernier spectre correspond
à une séquence de tirs de canon extraite du canal LFE
du Blu-Ray du film Master and Commander. Le maximum
énergétique se situe dans la bande centrée sur 12,5 Hz,
avec des niveaux très importants dans les bandes adja-
centes. Dans cet exemple, les extrêmes graves sont donc
particulièrement représentés !
Fig. 2 : Spectres tiers d’octave (dB, référence arbitraire) de
différents titres musicaux ; haut-gauche : Beatles –
Back in the USSR, haut-droit : 2 Unlimited - No limits,
bas gauche : Feist – A commotion, bas droit : tirs de
canons, bande son du film Master and commander.
One-third octave spectra of various songs; up-left:
Beatles – Back in the USSR, up-right: 2 Unlimited - No
limits, down-left: Feist – A commotion, down right:
cannonade from Master and Commander movie.
Conséquences
L’extension vers les graves de la bande passante apporte
de nouvelles difficultés tant au niveau de la qualité du
champ acoustique restitué que des nuisances sonores
de voisinage. En ce qui concerne les nuisances sonores,
la chute de la sensibilité de l’oreille aux basses fréquen-
ces contribue, certes, à limiter la gêne. Cependant, l’ab-
sorption négligeable de l’air (0,1 dB par kilomètre à 10 Hz)
et les faibles isolements des parois dans cette gamme
de fréquence participent à limiter les effets de l’aug-
mentation du seuil auditif. De plus, la balance spectrale
généralement utilisée pour la sonorisation de la musique
amplifiée avantage fortement les basses fréquences.
Tous ces effets, lorsqu’ils sont cumulés peuvent occa-
sionner, en basse fréquence, la gêne des voisins de salles
de spectacles ou de salons équipés d’un home-cinema.
La figure 3 illustre les différents phénomènes précités.
On remarque que la partie haute du spectre est générale
bien atténuée par les parois tandis qu’en basse fréquence,
le niveau perçu par un voisin peut, dans certains cas, être
supérieur au seuil d’audition.
On notera aussi que la perception des graves peut être
renforcée par le caractère pulsé des rythmes associés à
ces fréquences. De plus, la perception des sons de basses
fréquences peut s’effectuer par d’autres organes que
l’oreille. Ainsi, la mise en vibration de l’estomac, la cage
thoracique, etc. peut renforcer la gêne ressentie.
Fig. 3 : Spectres 1/3 d’octave (dB) du seuil auditif (rouge), de
balances spectrales utilisées pour les concerts de musique
amplifiée (bleu) et de l’indice d’isolement typique d’une
salle de spectacle. (vert)
Spectra (dB) : Auditory threshold (red), amplified music
frequency balances used live(blue) typical SRI of a music
hall wall)
Pour les ingénieurs système, responsables des dispositifs de
sonorisation, les difficultés qui apparaissant à ces fréquences
sont essentiellement dues, en extérieur, aux interférences
constructives ou destructives entre sources et, en intérieur,
au caractère modal des salles en basse fréquence responsa-
ble de réponses spatiales et fréquentielles très contrastées.
Ces différentes contraintes ont conduit les sonorisateurs
à rechercher des solutions innovantes permettant d’allier
qualité de restitution et respect du voisinage.
Sonorisation extérieure
Sur leur bande passante, les longueurs d’ondes générées
par les caissons de graves varient de 34 m (10 Hz) à 4,3
m (80 Hz). Dans le cas de sonorisation stéréophonique,
les interférences constructives entre les deux (ensem-
bles de) caissons vont générer un couloir médian sur
l’auditoire où le niveau des graves sera très élevé alors
que les interférences destructives vont fortement limiter
le niveau sonore ailleurs. Ce phénomène de filtrage en
peigne est dénommé, en anglais, Power Alley. Il est illus-
tré sur la figure 4 pour différentes fréquences et pour
deux caissons de basses dont les positions sont symbo-
lisées par les croix.