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Spécial « infrasons »
Il est intéressant de constater que le spectre de l’onde en N
est formé d’arches dont la courbe tangente a une décrois-
sance en 1/f
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lui donnant une pente de − 6 dB par octave
ou − 20 dB par décade (figure 4 en haut), pente qui est
aussi celle de la fonction porte incluant un signal de courte
durée. La pseudo-période des arches est reliée à la durée
totale T de l’onde, elle va donc varier avec celle-ci, par exem-
ple quand on s’éloigne de la source. On peut ainsi faire coïn-
cider le spectre d’une onde en N théorique avec le spectre
du signal enregistré. Sur la figure 4 en bas, il est proba-
ble que le spectre du signal serait plus proche du spectre
théorique sans la dégradation due au report graphique du
signal de la figure 3 droite, mais le premier minimum du
spectre vers 6 Hz est clairement identifié. On peut donc
supposer que le spectre du bang sonique est peu dégradé
par la duplication du signal par l’atmosphère.
Fig. 4 : Spectres de l’onde en N théorique, spectre du signal
à 105 km de l’avion
Spectra of theoretical N-wave, signal spectrum
at 105 km away from the aircraft
Bang sonique et propagation atmosphérique
Pour calculer la propagation du bang sonique, on considère
que l’émission sonore est perpendiculaire au cône de Mach
local qui se propage ensuite parallèlement à lui-même.
Fig. 5 : Emission par le cône de Mach, calcul de rayons sonores.
Extrait de la Réf. [4]
Sound emission by the Mach cone, calculation of sound rays. From Ref. [4]
Ainsi, sur la figure 5 gauche, la trace du cône de Mach
dans le plan de la figure est toujours perpendiculaire au
rayon sonore AB émis en A. La courbure du front n’est pas
due ici aux effets non-linéaires, mais à la décélération du
mobile (vitesse proche de Mach 2 en A, de Mach 1 en O).
Dans la référence [4], on a en effet tenu compte de façon
précise des données de vol du “Concorde” au-dessus de
la Manche [5] pour calculer les trajectoires des rayons
sonores susceptibles d’atteindre la station d’enregistre-
ment du CEA de Flers (figure 5 droite).
Bien entendu, la propagation sujette aux effets de réfrac-
tion dus aux gradients de vent et de température ne s’ef-
fectue pas en ligne droite. Le calcul de rayons tridimen-
sionnel est effectué à l’aide du code de l’Onera SIMOUN,
compte tenu des données Mach-altitude-cap-inclinaison,
de la météorologie du jour (ou saisonnière statistique en
haute altitude) et de la rotondité de la Terre – abstrac-
tion faite des effets des vents latéraux, les projections
des rayons sur la surface de la mer seraient des ortho-
dromies. On trouve quatre trajectoires de rayons possi-
bles, deux dites stratosphériques qui culminent vers 30
ou 50 km d’altitude, deux dites thermosphériques qui
montent à plus de 100 km. À noter que ce sont les vents
en altitude qui sont responsables de la réflexion vers le
sol des ondes stratosphériques, alors que les trajets ther-
mosphériques sont surtout liés au effet des gradients de
température.
On remarque que trois des trajets sont sujets à une
réflexion sur la surface de la mer, réflexion qui donne
lieu, par effet de diffraction, à des «ondes rampantes»
susceptibles de se propager au loin en restant près de
la mer et du sol [6]. Ce phénomène est une des causes
pour lesquelles le bang sonique est souvent enregistré
dans des zones de silence théoriques, au-delà des trajets
limite (caustiques) donnés par le calcul de rayons sono-
res. La démarche consistant à viser un point comme la
station de Flers à partir de la trajectoire de l’avion est un
exercice difficile compte tenu des contraintes aérodyna-
miques et météorologiques, mais il permet d’avoir une
idée des temps de propagation et des décalages prévi-
sibles des arrivées réelles des trains d’ondes. On peut
retenir que très peu de points de la trajectoire répondent
au problème posé et qu’il faut s’attendre à des arrivées
à intervalles discrets.
La figure 6 en haut montre qu’en effet les arrivées des
trains d’ondes à Flers s’étalent sur près de cinq minutes.
Le groupe de signaux S1-S2-S3 (arrivée principale) corres-
pond à un trajet stratosphérique bas, le groupe S4-S5 à
un trajet stratosphérique haut, le groupe S6 à un trajet
thermosphérique. Notons la présence de signaux parasi-
tes qui n’apparaissent pas sur tous les capteurs, ce qui
permet de les identifier comme tels. L’ensemble des trajets
(ou phases) détectés est correctement représenté sur la
figure 5 en bas, mais le timing des arrivées est sensible-
ment différent de celui qui a été calculé compte tenu du
plan de vol de l’avion et de la météorologie du jour. Ceci
suggère que les paramètres en jeu sont nombreux et
complexes : il est par exemple probable que les hypothè-
ses de l’acoustique géométrique sur laquelle est basé le
calcul de rayons ne s’appliquent que de façon imparfaite
au domaine infrasonore.