Echo Bruit n°134 - page 23

Echo Bruit
n° 134
g
Dossier :
Colloque qualité sonore 2011
confort auditif pour tous dans le secteur tertiaire
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le magazine de l’environnement sonore
une chaîne de production. Dans un article intitulé « Espace,
identité et organisation » publié en 1990, Fischer évoque
« [les] bureaux serrés en rangs compacts, [la] standardisation
des équipements, [la] concentration du personnel dans un
espace totalement banalisé et transparent » (p. 174) et la
volonté de surveillance et de contrôle des employés qui est
clairement associée à cette disposition spatiale.
Quelles étaient les professions concernées par ces espaces de
travail ? Chez Renault, par exemple, ce sont essentiellement
les dactylographes, les employées du courrier, du magasin
des pièces de rechange ou de la comptabilité, tous les
employés dont le travail s’apparentait à celui des ouvriers
et pouvait donc se concevoir dans de grands espaces
décloisonnés. En fait l’essentiel des tâches administratives
paraît donc avoir été concerné, même si la hiérarchie y a très
probablement échappé.
C’est après la deuxième guerre mondiale que sont nés les
bureaux paysagers (aussi appelé landscape offices), même
s’ils ne se sont multipliés qu’après les années soixante.
Le principe managérial de ces aménagements est basé sur
l’idée d’une communication possible associant ouverture
de l’espace, productivité et disparition des indicateurs de
hiérarchie.
Selon les auteurs et leurs convictions managériales, le bureau
paysager a pu être perçu comme une amélioration du bureau
ouvert ou comme une détérioration du bureau fermé.
Amélioration du bureau ouvert, en permettant notamment
une meilleure appropriation du lieu de travail et une meilleure
communication. L’appropriation de l’espace de travail
passe ici par le marquage de l’espace avec notamment ces
fameuses plantes vertes! La communication est améliorée par
notamment la possibilité de se déplacer contrairement aux
espaces de bureaux ouverts dans lesquels les déplacements
étaient prohibés. Ainsi, dans le bureau paysager, il s’agit
de faciliter les déplacements des personnes alors que,
dans le bureau ouvert, il s’agit de faire passer un document
de bureaux en bureaux. Le bureau paysager peut aussi
être perçu comme une détérioration de la qualité de vie au
travail dans un bureau fermé. Ainsi il induit un sentiment
de désappropriation de l’espace de travail, de manque
d’intimité, ce qui provoque bien souvent le sentiment d’être
contrôlé dans son travail et un « mal-aise » dans l’espace de
travail. Il peut également induire un sentiment de manque de
reconnaissance professionnelle : le « Je n’ai même pas droit à
un bureau à moi ! », bureau fermé qui depuis toujours, en tout
cas dans la culture française, est synomyme de considération
de la part de l’entreprise. L’arrivée de l’ordinateur a augmenté
le sentiment d’isolement de la personne car la plupart des
interactions entre collègues sont désormais virtuelles.
Ce nouveau « mal-être » a conforté les architectes dans leurs
recherches de nouveaux espaces de rencontre ayant pour
but de favoriser les rapports entre les personnes. À partir de
ces idéaux-types (bureaux individuels, bureaux paysagers,
bureaux ouverts), chaque entreprise construit l’open-space
qui lui correspond. Que ce soit le modèle nord-américain
qu’on appelle « atrium » ou les modèles suédois de la rue
intérieure ou du combi-office, tous ces modèles ont l’objectif
affiché de prendre davantage en compte les aspirations
des salariés et paraissent ainsi se ranger plutôt du côté de
l’École des Relations Humaines que de celle du Taylorisme.
Une autre lecture, plus critique, pourrait analyser les open-
spaces, comme la réinvention réaménagée des bureaux
ouverts. Avec ses nuisances dont l’une des plus prégnantes
est probablement la pollution sonore.
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