Echo Bruit
n° 134
g
Dossier :
Colloque qualité sonore 2011
confort auditif pour tous dans le secteur tertiaire
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le magazine de l’environnement sonore
Puis le bureau-meuble est apparu progressivement dans le
commerce. Jusqu’au
xvi
e
siècle, les espaces commerciaux
étaient des comptoirs familiaux qui se trouvaient dans
l’espace même de la maison familiale. Dans ce contexte, il n’y
avait pas de séparation entre l’espace de travail et l’espace
personnel, entre le temps de travail et le temps privé, puisque
tout était regroupé dans un même lieu et que toute la famille
y participait. Les commerçants utilisaient une simple table
autour de laquelle les négociants se réunissaient pour
rédiger les documents. À la différence de celle des moines,
cette table avait une hauteur de 75 cm environ et un grand
plan horizontal. Elle a donné naissance à un meuble que l’on
nomma « secrétaire » et qui regroupait rangement et espace
d’écriture. Au fil du temps, le secrétaire a été plus ou moins
décoré afin de refléter le statut social de son propriétaire.
Progressivement, ce système a évolué, avec l’apparition
d’espaces spécifiques pour l’écriture dans la maison. Puis on
a engagé du personnel afin de pouvoir déléguer une partie
du travail. C’est à partir de ce moment qu’est apparue une
hiérarchie entre patron et employé au sein des comptoirs
familiaux. Toutes les conditions étaient alors réunies pour que
les négociations commerciales se traitent dans des espaces
spécifiques qui progressivement ont été expulsés en dehors
de la sphère familiale. Maison et commerce sont devenus
deux lieux séparés qui vivaient à des rythmes différents.
À compter de cette époque, il y a eu une séparation très nette
entre espace personnel et espace de travail et entre-temps
privé et temps de travail. Les premiers bureaux-espaces
étaient nés.
De la même manière, vers la fin du
xviii
e
siècle, sont apparues
les premières banques dans des maisons privées. En général,
les espaces de travail se trouvaient au rez-de-chaussée et
les espaces d’habitation du patron à l’étage. Mais au milieu
du
xix
e
siècle, les banques ont eu besoin de s’agrandir
et ont trouvé plus pratique de construire des bâtiments
spécifiques, qui avaient leur propre architecture et qui ont
progressivement reflété l’opulence et la solvabilité de leur
propriétaire. On peut citer le premier immeuble de bureaux
du Crédit Lyonnais dont la création date de 1876-1878 ou
celui de la Société Générale en 1905-1911. Précisons que ces
nouveaux immeubles ont été construits dans les centres-
villes, donc très loin des espaces de production. On peut dire
que les premiers véritables espaces dédiés aux activités de
bureaux étaient nés.
L’apparition des espaces de travail collectif dédiés aux
tâches administratives est indissociable de l’émergence de
la grande entreprise capitaliste aux États-Unis et en Europe
à la fin du
xix
e
et au début du
xx
e
siècle.
Aux États-Unis, le prix élevé du terrain a induit des
avancées technologiques qui ont eu un impact important
sur l’architecture extérieure des espaces de bureaux et
par voie de conséquence sur l’architecture intérieure de ces
espaces. Citons à titre illustratif, les premières constructions
métalliques de James Bogardus, en 1847, constructions qui
préfigureront les gratte-ciel et nos tours de La Défense, par
exemple ; l’apparition des premiers ascenseurs en 1859 ou en
1879, le premier immeuble avec des planchers indépendants
des murs extérieurs préfigurant les murs rideaux.
Parallèlement, la promotion immobilière s’est développée aux
États-Unis, les espaces des tours étant le plus souvent loués
à des entreprises qui n’étaient pas les commanditaires du
projet, ce qui a conduit très logiquement à une banalisation
des espaces pour augmenter le nombre de clients potentiels.
Il a fallu attendre les travaux des architectes (avec notamment
la distinction entre structure portante et simple partition) et
ceux des psychologues de l’école des relations humaines pour
que l’espace intérieur puisse être aménagé en tenant compte
des besoins des occupants.
En Europe, et notamment en France, un double phénomène a
contribué à l’apparition des bureaux ouverts:
• d’une part, l’augmentation de la taille des entreprises
impliquant, par voie de conséquence à l’époque, une hausse
du nombre d’employés de bureau.
• d’autre part, le développement de nouvelles technologies
(téléphones, télégraphes, machines à écrirre…).
Ces deux facteurs posent la question de l’organisation de
l’espace administratif et de la managérialisation des employés
de bureaux. La réponse nous est venue d’outre-atlantique avec
le taylorisme et la création des espaces de bureaux ouverts.
Il s’agit de concevoir le travail d’une dactylographe comme
celui d’un ouvrier dont on doit optimiser le rendement sur