Echo Bruit n°132 - page 32

Echo Bruit
n° 132
03.2011
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Dossier :
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assises nationales de
la qualité de l’environnement sonore
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le magazine de l’environnement sonore
l’acoustique aux autres mutations majeures en cours,
notamment cet aspect thermique du bâtiment. »
Mais c’est surtout sur le champ des pratiques que beaucoup
reste à faire. Pour affirmer sa juste place dans le processus
de construction, l’acousticien doit davantage compter
sur sa capacité à faire la démonstration de la nécessité
de son intervention que sur la contrainte administrative.
Autrement dit, faire partager ses préoccupations par d’autres
intervenants. Au demeurant, les professionnels concernés
sont généralement disposés à entendre ces arguments,
comme l’affirme Jacques Daliphard, de la direction des études
thermiques et acoustiques de Bouygues Bâtiment IDF:
« Qu’il
y ait l’acousticien au départ du chantier et puis une mesure de
réception, j’en suis d’accord. En revanche, je suis un petit peu
plus perplexe pour le suivi en habitat. »
Une préoccupation
qui est partagée par Philippe Guignouard, le président du
GIAC. Selon lui, en effet,
« il faudrait au moins qu’il y ait la
présence d’un maître d’œuvre acoustique sur la réalisation
des travaux pour que l’entreprise, quand elle se pose des
questions, puisse avoir un interlocuteur. »
Cela étant, si l’on en croit Maurice Auffret, ancien responsable
formation en acoustique au Centre des Formations
Industrielles d’Andrésy, il y a encore une différence importante
entre les intentions et la réalité.
« Je suis surpris,
indique-t-il,
par le décalage qui progressivement s’est installé entre le
niveau de connaissance théorique des ingénieurs acousticiens
ou des bureaux d’études et la dégradation des conditions de
mise en œuvre sur le chantier. Cette dégradation a plusieurs
explications. Des raisons économiques et d’accélération de
vitesse des plannings. Il y a aussi des raisons qui tiennent à la
sous-traitance et au rôle des entreprises générales. Beaucoup
de non-conformités acoustiques viennent d’approximations
ou d’erreurs dans la mise en œuvre. »
Intervenir sur le chantier
Au-delà de la place de l’acousticien, c’est donc bien la place
de l’acoustique qu’il importe de défendre, et d’abord en
sensibilisant l’ensemble de ceux qui ont vocation à intervenir
sur le chantier. Ce que Jean-Baptiste Chéné appelle
« percoler
nos connaissances vers les autres acteurs de la construction. »
« Le problème n’est pas toujours dans la mise en œuvre d’un
corps d’état »,
souligne ainsi Jacques Daliphard.
Il est très
souvent à la jonction entre plusieurs corps d’état. Il faut donc
expliquer à celui qui met la gaine, au plombier ou au poseur
de VMC, que le plâtrier passe après lui et expliquer à chaque
corps d’état que d’autres sont à côté d’eux. Il faut surtout
qu’il y ait une coordination efficace. »
D’autres propositions
vont dans le même sens. Celle de Jean-Baptiste Chéné qui se
demande
« Comment faire pour qu’un jeune avec un CAP de
menuiserie ait quand même un peu de sensibilité acoustique
quand il arrive chez son patron ? »
. Certaines initiatives
s’inscrivent dans cette perspective.
« En ce qui concerne les
aspects rénovation durable, en région Nord-Pas-de-Calais, un
travail a été engagé avec plusieurs partenaires pour mettre
en place des formations professionnelles »
, raconte Nolwenn
Masson*.
Cela concerne peut-être moins l’acoustique, pour
l’instant, et plus la thermique et la qualité de l’air par le choix
des matériaux. Mais on pourrait peut-être envisager qu’il y ait
des modules pour structurer les filières et permettre d’avoir
au moins une sensibilité des acteurs qui interviennent chez
les particuliers sur ces points-là. »
Philippe Guignouard, va plus loin en lançant :
« Il faudrait
un nouveau métier : « thermo-acousticien » ou « acoustico-
thermicien » ! »
Tout cela ne devant certes pas inciter à négliger le rôle clé
qui revient à l’architecte.
« Il y a un chef d’orchestre dans la
conception d’un bâtiment: c’est l’architecte »,
rappelle Cécile
Regnault du Cresson, elle-même architecte.
Il est peut-être le
plus à même de coordonner les différents corps de métiers
de la maîtrise d’œuvre. Il faut donc se poser la question de la
formation des architectes en matière d’acoustique. »
Or, Christine Simonin-Adam, enseignante à l’École Spéciale
d’architecture, le constate amèrement :
« Les architectes
portent peu d’attention à l’acoustique. Cela vient sans doute
de leur formation initiale. »
Au final, les préconisations de Jean-Baptiste Chéne restent
cependant positives.
« Nous acousticiens n’avons pas vocation forcément à devenir
thermiciens, mécaniciens, ingénieurs, etc. mais nous avons
à nous imprégner un minimum des contraintes que peuvent
avoir les autres corps de métier dans le bâtiment. Nous devons
chercher à simplifier notre message. Il y a un travail européen
à l’ISO TC 43 pour avoir des indicateurs plus simples et plus
abordables afin de faciliter la communication. Nous avons trop
voulu dire, y compris au CSTB, que l’acoustique, c’était très
compliqué et donc qu’il n’y avait que les initiés qui pouvaient
en parler, qui pouvaient en faire. Chacun à notre niveau,
nous devons pouvoir acquérir un minimum de bagages pour
dialoguer, être sensibilisés au quotidien et avoir une action
un peu plus efficace sur les aspects acoustiques dans la
construction. »
* Chargé de mission à la ville de Lille.
Dossier réalisé par Stéphane Bugat
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