Prévision des ambiances sonores :
l’apport de l’auralisation
Dans le domaine de la prévision des ambiances sonores, l’aura-
lisation est la principale nouveauté ayant émergé ces dernières
années. L’auralisation regroupe l’ensemble des techniques néces-
saires à la simulation auditive d’un environnement sonore. Tradi-
tionnellement, l’évaluation de l’ambiance acoustique d’un lieu est
réalisée de manière quantitative à partir d’indicateurs de niveaux
de bruit. Ces niveaux sont issus de mesures ou bien de modèles
numériques dans le cas d’études prévisionnelles. L’auralisation
vient compléter les outils quantitatifs en offrant la possibilité
d’évaluer par l’écoute l’environnement.
L’évaluation perceptive fournit ainsi une estimation directe du
confort acoustique, grandeur subjective parfois délicate à caracté-
riser à l’aide des seuls indicateurs de niveaux. Appliquée à la fois
aux environnements intérieurs (confort acoustique des logements,
des bureaux, des lieux publics) et aux environnements extérieurs
(évaluation de l’environnement sonore des espaces urbains), la
technique de l’auralisation a récemment fait de nets progrès et
connaît un intérêt grandissant. Elle fournit aujourd’hui un rendu
sonore 3D d’un environnement virtuel basé sur des modèles nu-
mériques avancés et garantit, d’une part, l’exactitude des niveaux
restitués et, d’autre part, le réalisme de la scène sonore.
MithraSON, un outil de simulation du bruit de trafic routier
Les travaux de recherche et développement menés au CSTB depuis
de nombreuses années ont débouché sur plusieurs outils d’aurali-
sation opérationnels. En particulier, le logiciel MithraSON permet
aujourd’hui la prévision des niveaux sonores et la simulation audi-
tive des bruits extérieurs en milieu urbain. Conçu à l’origine pour
les bruits de chantier, cet outil intègre désormais l’auralisation
du bruit de trafic routier. Couplé à un moteur de trafic simulant
le déplacement individuel des véhicules, MithraSON intègre une
nouvelle technique de synthèse granulaire du bruit moteur et
pneumatique issue d’une thèse CSTB/INPG.
L’approche permet d’auraliser le déplacement de véhicules à vi-
tesse variable avec un niveau de réalisme très proche d’enregis-
trements de véhicules réels. Le bruit dynamique urbain lié en
particulier aux accélérations et décélérations de véhicules peut
ainsi être évalué de manière perceptive dès la phase de concep-
tion d’un projet d’aménagement. Par ailleurs, les algorithmes de
synthèse des sources, de simulation des effets de propagation et
de rendu sonore spatialisé s’exécutent en temps réel. Ceci permet
de manière interactive la navigation sur une zone du site modélisé
ainsi que la configuration des sources de bruit (modification des
paramètres de trafic, du type de chaussée, etc.).
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La problématique des basses fréquences :
le débat reste entier
Interview de Marc Rehfeld,
expert en acoustique du bâtiment et président du CEN/TC 126.
«
Selon le comité technique européen chargé de la normalisation
dans le domaine de l’acoustique du bâtiment - la question de la
normalisation donc de la règlementation en matière d’isolement
des bâtiments contre les basses fréquences est loin d’être réglée.
«Avec la tendance actuelle d’utiliser des matériaux de construction
de plus en plus légers et l’utilisation croissante d’équipements
électroniques capables de générer des basses fréquences, comme
par exemple les systèmes audio, la question d’une normalisation
acoustique par rapport aux basses fréquences s’est posée déjà
il y a quelques années.
En effet, certains matériaux ou systèmes constructifs
nouvellement utilisés n’ont pas les mêmes propriétés d’isolation
acoustique que le béton si bien que certains bruits tels que la
musique amplifiée, les trains, les véhicules routiers ou encore
certains bruits de voisinage sont plus audibles qu’autrefois. En
réponse à ce problème, la communauté internationale a cherché à
introduire dans la normalisation acoustique un indice de qualité
par rapport aux basses fréquences mais personne n’a vraiment
pu y parvenir. Le débat reste donc entier d’autant que les basses
fréquences sont difficiles à mesurer. De plus, personne n’est
vraiment d’accord sur l’indice à rechercher. Faut-il en effet utiliser
un seul indice qui serait un compromis entre les hautes, moyennes
et basses fréquences ? Ou vaut-il mieux utiliser deux indices, l’un
pour les moyennes et hautes fréquences et l’autre pour les basses
fréquences, quitte à établir deux classifications différentes ?
Et ce n’est pas tout. Cet indice doit être mis en corrélation avec le
sentiment de gêne que les habitants ressentent vis-à-vis des bruits.
Mais alors quels sont les bruits les plus gênants et dont il faut se
protéger en priorité ? Beaucoup de questions auxquelles personne
n’a encore trouvé de réponses consensuelles. Pourtant ce n’est pas
faute de volonté !
Tout le monde s’accorde à reconnaître l’isolation acoustique
contre les basses fréquences comme un problème majeur mais
tant que nous n’avons pas les moyens techniques de faire des
mesures précises, nous n’avançons pas. Il faut donc continuer
à mener des études et des recherches sur le sujet. C’est ce à
quoi s’attèlent certains industriels et laboratoires de recherche
mais faute de financement, on piétine. Il faut dire qu’en période
de restrictions budgétaires, la lutte contre les nuisances
sonores suscite moins d’intérêt que celle contre la pollution
atmosphérique ou l’économie d’énergie à travers l’isolation
thermique. Une aberration lorsque l’on sait que le bruit tue autant
que la pollution de l’air !
Lueur d’espoir cependant, la préoccupation actuelle pour
l’isolation thermique pourrait servir de locomotive, la
problématique acoustique faisant partie de la qualité
environnementale vers laquelle on tend.
»
Echo Bruit
Innovations technologiques
Numéro spécial
État de l’environnement sonore 2014