Echo Bruit
n° 132
03.2011
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Dossier :
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assises nationales de
la qualité de l’environnement sonore
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le magazine de l’environnement sonore
Ces sixièmes assises nationales de la qualité de
l’environnement sonore ont été conçues pour marquer un
tournant dans la manière de percevoir les diverses nuisances
liées aux bruits et donc d’y remédier. Selon-vous ce message
a-t-il été compris à sa juste mesure ?
Dominique Bidou
Nous sommes effectivement partis d’un
constat. Il y a maintenant une trentaine d’années que la
France à mis en œuvre une politique d’envergure pour tenter
d’améliorer l’environnement sonore. Une politique qui porte
à la fois sur les aspects techniques, juridiques, sanitaires, etc.
A cette occasion, je veux d’ailleurs rendre hommage à Yves
Martin, récemment décédé, qui fut le premier Monsieur Bruit,
avant notamment de présider la mission effet de serre.
Ainsi, des efforts importants ont été accomplis pour traiter
le problème à la source, que ce soit en s’attaquant aux
points noirs des infrastructures de transports, à la mauvaise
isolation des logements et des bâtiments d’activité, etc. Ces
préoccupations se retrouvent évidemment dans la loi bruit.
Le bruit au travail, lui non plus, n’a pas été négligé dans les
divers textes de lois sociales. Tout cela traduit un engagement
politique fort dont les objectifs sont partagés à droite comme
à gauche. Cela a justifié des investissements importants de la
puissance publique.
Or, les enquêtes d’opinion sont unanimes pour constater que
le bruit reste considéré, aujourd’hui encore, comme un des
grands fléaux de notre société moderne, le phénomène étant
évidemment ressenti avec une acuité particulière en milieu
urbain. Si ce constat peut sembler paradoxal, il n’est pas pour
autant incohérent.
On constate, en effet, que si les progrès techniques sont
indiscutables, leur impact bénéfique est souvent compensé
par un accroissement des usages. C’est le cas, par exemple,
pour les transports aériens. Les avions de la nouvelle
génération sont nettement moins bruyants que leurs
prédécesseurs, mais, dans le même temps, le trafic ne cesse
d’augmenter. La remarque est aussi valable pour les voitures
et pour le chemin de fer, dans une société où la mobilité est
devenue une impérieuse nécessité.
Plus fondamentalement, la question du bruit renvoie à celle
de son acceptation et donc à nos comportements en société.
Nous sommes passés inéluctablement d’une société rurale,
celle de village, à une société urbaine. Mais cette mutation
s’accompagne également d’une tendance à l’isolement, au
repliement sur soi. Parce que nous ignorons bien souvent qui
sont nos voisins même proches, nous supportons de plus en
plus difficilement les manifestations dérangeantes de leur
simple présence, dont le bruit est une des plus évidentes. Les
difficultés économiques ne sont pas de nature à améliorer
notre sociabilisation. Et elles nous incitent à considérer
comme une agression ce qui nous dérange.
Si l’on vous comprend bien, c’est donc une toute autre manière
de traiter la question du bruit qu’il faut maintenant envisager.
Dominique Bidou
On ne devrait déjà pas parler du bruit
mais des bruits. Parce que le bruit n’est pas une espèce de
redoutable abstraction et parce que les bruits, même s’ils
sont plus ou moins plaisants, sont aussi le signe de la vie.
S’employer à remédier aux excès et aux abus reste nécessaire,
bien entendu et le CIDB y apportera sa contribution comme
avant. Mais cela ne suffit pas, il nous faut dépasser une
approche strictement défensive, technique et sectorielle.
Un point de vue qui mérite d’être précisé…
Dominique Bidou
La question est : comment nous
organisons-nous pour vivre ensemble ? Et donc quel est ce
nouveau modèle urbain qui s’impose au plus grand nombre
d’entre nous ? Ce que l’expérience nous apprend, c’est que
Entretien avec Dominique Bidou
“Dépasser une approche strictement
défensive, technique et sectorielle”