festivals ou des rave parties, sorties en discothèques où les basses
fréquences sont tellement fortes qu’elles font vibrer les vitres aux
alentours, la musique n’est plus seulement une expérience audi-
tive, comme c’était le cas pour la génération précédente, mais
devient le vecteur de nouvelles expériences sensorielles, corpo-
relles et collectives.
Pas étonnant alors que les musiciens professionnels aient pour
la grande majorité des problèmes d’audition arrivés à l’âge de la
cinquantaine. Ils se sont en effet habitués à jouer de la musique
à un niveau sonore bien plus élevé qu’autrefois.
Du côté des jeunes, les risques de déficit auditif sont aussi en
nette augmentation, comme en témoignent de nombreuses
études :
•
Sur plus de 5000 lycéens de classe de seconde, 1 jeune sur 7 a
déjà entamé son capital auditif de 20 décibels à l’âge de 17 ans :
autrement dit, son oreille a vieilli prématurément, son capital
auditif est celui d’une personne de 50 ans (source : Institut
universitaire de médecine du travail de Lyon).
•
Sur un total de 2056 lycéens interrogés (actions de sensibilisa-
tion menées par le CIDB en 2009), 85% des élèves écoutent leur
baladeur tous les jours ou plusieurs fois par semaine et 79% le
font plus d’une heure par jour (dont 27% plus de 4 heures). Ils
sont 37% à avoir ressenti des acouphènes après une exposition
aux musiques amplifiées.
•
Selon la mutualité des étudiants (enquête auprès de 8500 étu-
diants en 2011), 61% des jeunes qui écoutent de la musique à
un niveau sonore important ne protègent pas leur audition bien
que 34% d’entre eux aient déjà ressenti des bourdonnements
d’oreille.
Attention danger !
Le niveau imposé dans les lieux diffusant de la musique
amplifiée est fixé à 105 dB(A). La réglementation sur le bruit au
travail, quant à elle, a fixé le niveau de danger à 85 dB(A) et le
seuil d’alerte à 80 dB(A).
Il faut plus de 16 heures de repos à nos oreilles pour récupérer
de 2 heures passées à écouter de la musique à un niveau
sonore de 105 dB(A). Or, qui repose ses oreilles plus de 16
heures après avoir passé une partie de la nuit en discothèque ?
Alerte rouge sur les basses fréquences
en musique
Interview de David Rousseau,
électro-acousticien et ingénieur système.
David Rousseau est un pro du « gros son ». Fort de son
expérience de plus de 10 ans à concevoir la sono de concerts
au Stade de France et ailleurs, il soulève le problème
potentiel des basses fréquences sur la santé.
« Aujourd’hui, ce qui motive les jeunes à assister à des
concerts, c’est la recherche de sensations physiques
générées par les basses et les infrabasses. Car ce qu’on
appelle « le gros son », c’est-à-dire le son très charpenté
avec énormément de basses, permet de ressentir de forte
compressions, surtout au niveau de la cage thoracique et
de l’abdomen, sensations qu’ils n’ont pas et qu’ils n’auront
jamais avec leurs écouteurs, leur casque ou leur chaîne HIFI.
Le problème, c’est qu’on ne sait rien de l’impact des basses et
des infrabasses.
Ce qui est normal puisque cela fait seulement 5 ans qu’on est
capables techniquement d’en générer.
Il faut savoir que, dans les basses, on a d’une part le coup de
pied, c’est-à-dire le toum toumde la grosse caisse qui se situe
entre 50 et 63 Hz et d’autre part la nappe de graves en continu
qui se situe entre 30 et 40 Hz, ce qui, d’ailleurs, n’est pas perçu
par le système auditif.
L’autre problème, c’est qu’il y a vingt ans, on envoyait 20
décibels de moins qu’aujourd’hui. Quand on sait qu’un
DJ diffuse systématiquement du 140 dB(C) – le dB(C) tient
compte des basses fréquences –, cela laisse perplexe !
On atteint donc de très forts niveaux sonores.
Et le phénomène ne va pas en s’améliorant, le public en
redemande ! D’ici trois ou quatre ans, on sera certainement
capables de générer 3 dB (ce qui équivaut à un doublement
de l’énergie sonore) de plus en infrabasses, et en l’absence
de réglementation, on continuera à monter ! Même si on ne
sait rien sur le danger des basses et des infrabasses, on sait
en revanche que les professionnels du son qui se trouvent
sur scène peuvent avoir des nausées et faire des malaises
à la fin des concerts sous l’effet de la pression qu’ils ont
subie. De plus, il n’y a pas un seul sonorisateur de 50 ans qui
n’ait pas de problème auditif ! Ça fait peur !
Peut-être que dans dix ans, on ne s’inquiétera plus des
basses fréquences parce qu’avec le temps, on aura vu que
ça ne génère pas de séquelles mais, dans le doute, il faut
s’en inquiéter.
Et selon moi, le plus grave problème, ce sont les
rave-
parties
car cela dure plusieurs jours et ce n’est ni organisé
ni surveillé. Les jeunes défoncés qui dorment la tête posée
contre des subs (ces haut-parleurs dédiés aux basses
fréquences), ça existe !
»
12
Echo Bruit
Coût du bruit
Numéro spécial
État de l’environnement sonore 2014