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Spécial « infrasons »
A titre d’exemple, le volcan Sarychev, situé à Ostrov Matua,
dans les îles Kouriles, est rentré dans une phase éruptive
majeure en juin 2009. Les îles Kouriles sont situées dans
un couloir aérien très fréquenté reliant l’Europe, l’Amé-
rique du Nord et l’Asie septentrionale. Cette éruption a
engendré des panaches de cendres, annulant 65 vols et
déroutant plus de 20 trajectoires. Une surveillance effi-
cace du volcanisme dans cette région est donc essentielle
pour la sécurité aérienne. Aucune station sismique n’a pu
enregistrer des signaux, alors que des ondes infrasono-
res ont été détectées à plus de 6 400 km de distance
(Figure 3). À cette période de l’année, les vents stratos-
phériques (entre 40 et 50 km d’altitude) soufflent d’Est
en Ouest favorisant la propagation des ondes à l’Ouest
de la source. Les détections observées sont compatibles
avec une propagation d’ondes dans un guide stratosphé-
rique (entre 0-45 km d’altitude environ). L’analyse de ces
signaux a été utile pour déduire la chronologie des explo-
sions, mieux comprendre le processus des phases d’injec-
tion de cendres dans l’atmosphère et améliorer la prévision
de transport et la dispersion de ces cendres [5].
Fig. 3 : En haut, localisation du volcan (triangle rouge) et des
stations ayant enregistré des signaux (triangles bleus).
En bas, azimuts des signaux détectés sur 10 stations
+/-15 ° autour de la direction de propagation attendue.
Les détections sont alignées sur une même base de
temps pour en faciliter l’association. Le décalage
temporel appliqué correspond à la distance horizontale
entre la source et chaque station divisée par une
vitesse moyenne de propagation fixée à 0,33 km/s
Imagerie par infrasons de phénomènes naturels
Les séismes de magnitude en général supérieure à 6 sur
l’échelle de Richter, survenant dans des régions monta-
gneuses, sont des sources d’infrasons, dont les périodes
peuvent atteindre la dizaine de secondes. Un des mécanis-
mes de formation d’ondes est le couplage avec l’atmosphère
des ondes sismiques lors de leur propagation. Les valeurs
des vitesses de passage des signaux (plusieurs km/s) sont
alors compatibles avec les caractéristiques des différentes
phases sismiques mesurées qui parviennent à la station.
La propagation des ondes sismiques depuis l’épicentre à
travers des régions montagneuses contribue aussi de façon
efficace à la génération d’infrasons lorsqu’elles sont mises en
vibration. Une fois émises, les ondes produites sont guidées
dans les différentes couches de l’atmosphère et peuvent
être détectées à plusieurs milliers de kilomètres de l’épicen-
tre, quand les conditions de propagation sont favorables.
Les caractéristiques de ces ondes peuvent être utilisées
pour reconstruire l’étendue spatiale des zones de couplage
entre les déplacements verticaux du sol et l’atmosphère.
Connaissant l’heure origine et les coordonnées de l’épi-
centre, la mesure des temps d’arrivée et de la direction
de propagation des ondes sur une unique station conduit
à cette localisation. L’azimut
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détecté donne la direction
de la source et les vitesses de propagation des ondes
sismiques et des infrasons permettent de contraindre la
distance. Compte tenu des incertitudes liées aux mesu-
res et aux modèles atmosphériques employés, la préci-
sion de localisation est de l’ordre de quelques dizaines
de kilomètres.
Le séisme de magnitude 9 qui s’est produit le 3 novem-
bre 2011 a généré des infrasons qui ont été enregistrés à
plus de 5 000 km de l’épicentre (Figure 4 ). L’inversion des
mesures a permis de retrouver la distribution spatiale des
zones de couplage sur une étendue dépassant 1 000 km.
Des études complémentaires portant sur une dizaine de
séismes récents de magnitude supérieure à 7, parfois
enregistrés par plusieurs stations, mettent en évidence
une relation claire entre l’amplitude des signaux mesu-
rés et la magnitude sismique, et de façon systématique,
un étalement de la durée des signaux infrasons associé
à l’environnement topographique local et régional autour
de l’épicentre. De tels événements permettent d’amélio-
rer notre compréhension des mécanismes de couplage
sismo-acoustique, en fournissant l’occasion de valider
des modèles de vitesse de propagation dans l’atmos-
phère par juxtaposition des localisations avec les zones
de couplage attendues. La synergie entre les réseaux
sismiques et les infrasons du SSI trouve ici un intérêt,
puisqu’elle peut conduire à une cartographie étendue
des régions où les mouvements sismiques sont les plus
importants, et ceci d’autant plus que la région surveillée
est peu instrumentée.
Fig. 4 : À gauche, localisation des stations du SSI ayant détecté
des signaux infrasons générés par le séisme de Tohoku-oki
au Japon (M9, 3 novembre 2011).
À droite, localisation des zones de couplage entre les
déplacements verticaux du sol et l’atmosphère à partir
des enregistrements de la station IS44 (triangle rouge)
située à plus de 2 000 km de l’épicentre (étoile jaune).
Les densités de localisation sont représentées sur une
échelle de couleurs normalisée allant du bleu au rouge.
1-Azimut : angle horizontal entre la direction d’un objet et la direction du Nord
géographique. Il est mesuré depuis le Nord en degrés dans le sens des aiguilles
d’une montre.