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Spécial « infrasons »
Les chercheurs du Centralny Instytut Ochrony Pracy (CIOP,
Pologne) dans une publication [27] font un point relative-
ment complet sur les différentes recommandations interna-
tionales et sur la bibliographie disponible. Cette publication
conclut qu’il est souhaitable que les niveaux d’exposition
aux infrasons ne dépassent pas 102 dB(G) en niveau moyen
pondéré G intégré sur la gamme de 2 Hz à 50 Hz, et pour
8 heures de travail. Pour les bruits impulsionnels dans
ces gammes de fréquences infrasonores, cette publica-
tion recommande une limite de 145 dB(Lin).
Synthèse et recommandation de l’INRS
Les indications du paragraphe précédent ne sont pas
comparables entre elles immédiatement, à cause de l’usage
de différentes pondérations, des bornes d’intégration en
fréquence ou de la diversité de la prise en compte de la
durée d’exposition.
Pourtant, quand les niveaux sont donnés en dB(Lin), l’INRS,
l’ACGIH ou le NZOSHS donnent des recommandations relative-
ment proches : il est indiqué que les expositions de plusieurs
heures à des niveaux inférieurs aux seuils de 120 à 150
dB(Lin) ne conduiraient qu’à des troubles passagers.
Quand les niveaux sont donnés en dB(G), il est indiqué par
la norme ISO 7196:1995 ou par le DEPA que les niveaux
inférieurs à 85 ou 90 dB(G) seraient toujours en deçà des
seuils de sensation ou de gêne. Sur toute la gamme de
fréquence de 2 à 50 Hz, le CIOP recommande un niveau
moyen maximal de 102 dB(G).
On a montré plus haut que la pondération G était bien adap-
tée aux seuils d’audition des sujets moyens dans la gamme
de fréquence de 1 à 20 Hz, et que ce seuil était de l’ordre
de 102 dB(G) (il reste identique de 1 à 100 Hz).
La valeur maximale d’une exposition à des bruits infraso-
nores (de 1 Hz à 20 Hz) et basse fréquence (de 20 Hz
à 100 Hz) continue pendant 8 heures pourrait donc être
estimée à la limite du seuil d’audition pour la plupart des
sujets, c’est-à-dire 102 dB (G).
L’exposition à des bruits impulsionnels inférieurs à 145 dB
(Lin) semblerait aussi être une limite prudente
3
.
Pour les bruits continus, une diminution de la durée de
l’exposition permettrait d’augmenter ces seuils de 3 dB
par diminution de la durée d’un facteur 2, comme les
principes d’énergie équivalente le permettent pour le
bruit audible.
Le tableau 1 résume les valeurs limites proposées.
INFRASONS CONTINUS
Calcul de l’exposition
- Utilisation de la pondération (G)
- Sommation des énergies reçues
entre les tiers d’octave compris
entre 1 Hz et 100 Hz
Valeur limite d’exposition
en dB(G) sur une durée de
8 heures
102 dB(G)
Si la durée d’exposition est
diminuée d’un facteur 2
Augmentation de la valeur limite
de +3 dB
INFRASONS IMPULSIONNELS
Calcul de l’exposition
Pas de pondération
Valeur limite d’exposition
145 dB(Lin)
Tabl. 1 : Valeurs limites proposées par l’INRS pour
l’exposition aux infrasons aériens
Cas particulier de la femme enceinte. Au cours des
trois derniers mois de vie fœtale, l’oreille interne du
fœtus est particulièrement sensible à certains bruits
[32]. Même si la plupart des bruits sont atténués par
les parois abdominale et utérine, par le placenta et le
liquide amniotique avant de parvenir à l’oreille du fœtus,
les bruits riches en basses fréquences (<250 Hz) passent
aisément ces barrières et restent donc potentiellement
dangereux pour l’audition du fœtus. Les carences de
la réglementation professionnelle sont connues malgré
la parution d’une directive européenne adaptée au cas
particulier de la femme enceinte [33]. Le lecteur inté-
ressé par ce problème est encouragé à lire la publica-
tion de l’INRS citée en [32] et en particulier le chapi-
tre sur le bruit.
Dans l’environnement
Un rapport de l’AFSSET [9] détaille différents critères
d’acceptabilité des nuisances provoquées par les bruits
de basses fréquences. Ces critères proviennent géné-
ralement de courbes d’audibilité (méthodes répandues
dans différents pays européens). Les niveaux acceptables
dans une habitation sont ainsi cohérents avec les limites
de l’audition : autour de 100 dB(A) à quelques Hertz (80
à 105 dB(A), 10 Hz), jusque vers 35 dB(A) à 100 Hz (10
à 30 dB(A) à 200 Hz).
D’autres spécifications [9] existent dans certaines régle-
mentations nationales, ainsi que dans les recommanda-
tions d’organismes internationaux :
- Organisation mondiale de la santé (OMS) : 30 dB(A) à
35 dB(A) en niveau équivalent intérieur 16 heures, et maxi-
mum (niveau équivalent intégré sur 1 seconde) compris
entre 45 dB(A) à 60 dB(A). Il s’agit des valeurs recen-
sées à partir desquelles des effets gênants ou nuisibles
sont constatés.
- Courbes limites définies par les points (110 dB, 4 Hz) et
(40 dB, 125 Hz)
- l’American National Standards Institute (ANSI) dans sa
norme B 133.8 annexe B recommande, d’une façon géné-
rale pour les basses fréquences, de ne pas dépasser 75
à 80 dB(C).
- La norme DIN 45680 comporte des valeurs dési-
gnées par «Night Reference Curve» qui donneraient
satisfaction à 90 % dans le cas des basses fréquen-
ces en général.
Remarque
Il faut noter la difficulté, du moins apparente, de l’inter-
prétation cohérente (et de l’applicabilité) de ces différents
chiffres : bandes de fréquences différentes, pondération
temporelle longue ou courte, pondération en fréquence
en A ou en C. Toutes ces recommandations, si on les
ajoute à la grande variabilité interindividuelle de la sensa-
tion de gêne et de ses conséquences, font que le légis-
lateur serait en difficulté s’il devait s’intéresser vraiment
aux infrasons et très basses fréquences. C’est pourquoi,
les textes réglementaires nationaux ou européens sur la
nuisance environnementale [34] ou au travail [35] se limi-
tent aux bruits audibles (souvent seulement à partir de
l’octave 125 Hz) et à des estimations en dB(A).
3- En dB(Lin) ou dB(C), ce qui serait presque équivalent en moyenne fréquence
ne l’est plus tout à fait en très basse fréquence. D’autre part, cette limite est sans
doute obtenue par un principe d’énergie équivalente des doses.