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Spécial « infrasons »
Imagerie locale de l’atmosphère
Les sources connues ponctuelles et répétitives d’infrasons,
d’origine artificielle ou naturelle comme certains volcans,
peuvent être utilisées pour l’évaluation des capacités de
détection et de localisation du SSI et pour étudier la dyna-
mique de la haute atmosphère. Les volcans offrent en parti-
culier une opportunité unique pour évaluer les variations
temporelles des champs de vents dans les hautes couches
de l’atmosphère. Le développement d’outils d’inversion des
mesures permet en effet de sonder continûment les vents
dans des régions inaccessibles aux moyens actuels d’ob-
servation (stratosphère-mésosphère). La connaissance de
la localisation exacte de ces sources associée à leur régu-
larité permet d’étudier plus précisément la variabilité du
milieu dans lequel les ondes se propagent, et ainsi de vali-
der, voire d’améliorer, les modèles atmosphériques empi-
riques. Toutefois, compte tenu des distances de propaga-
tion relativement limitées de ces ondes (en général moins
de 1 000 km), ces études ne peuvent être menées qu’à
partir d’un nombre réduit de stations et ne concernent,
par conséquent, qu’une région limitée du globe.
Des études récentes ont été conduites sur les volcans actifs
du Vanuatu (anciennement Nouvelles-Hébrides), dont les
principales phases effusives et éruptives sont détectées
en permanence à plus de 600 km par la station IS22 instal-
lée en Nouvelle-Calédonie (Figure 5). Ces enregistrements
indiquent que les infrasons subissent, au cours de l’année,
des déviations importantes d’azimut. Les variations sont
de type quasi sinusoïdal, de période une année, avec des
écarts d’azimut par rapport à l’axe initial de propagation
atteignant jusqu’à 10°.
La simulation de la propagation a révélé que les modèles
atmosphériques les plus précis restituent les variations
saisonnières cycliques de l’azimut mais sous-estiment
leur amplitude de plusieurs degrés. La mise au point de
procédures d’inversion offre la possibilité de franchir un
pas vers la tomographie de la haute atmosphère
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.
En effet, un ajustement itératif de la structure verticale des
champs de vents, guidé par la minimisation d’erreurs entre
les observations et les résultats des simulations, permet
d’évaluer les erreurs des modèles atmosphériques.
Les résultats des inversions montrent que dans la mésos-
phère, la vitesse des vents transverses à la propagation qui
contrôle la déviation d’azimut est sous-estimée de 20 m/s
en moyenne, et que pour expliquer les observations, il est
nécessaire d’introduire une variabilité stochastique des
vents à partir de 60 km d’altitude (Figure 6).
Ces mesures se révèlent importantes pour décrire la dyna-
mique des jets
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et les ondes de gravité qui se superposent
dans la haute stratosphère et la mésosphère, sur des pério-
des de temps de quelques heures à plusieurs jours.
Fig. 6 : Tomographie des vents zonaux dans la mésosphère et
basse thermosphère à partir des enregistrements continus
des signaux générés par les volcans actifs du Vanuatu
[6]. La vitesse des vents est positive vers l’Est. À gauche,
modèle de vent original (G2S, Naval Research Laboratory);
à droite, modèle de vent corrigé après inversion. Le
rectangle rouge délimite la région étudiée où les vents sont
méconnus. Bornée entre 60 et 100 km d’altitude, cette
région est à l’origine caractérisée par le modèle HWM.
Études des grands courants de circulation
atmosphérique
La houle océanique et les ondes de montagnes sont égale-
ment des sources intéressantes, car les infrasons géné-
rés sont détectés en permanence en tout point du globe
par un grand nombre de stations. Leur suivi en continu
est donc particulièrement adapté à l’étude des perturba-
tions des grands courants atmosphériques sur lesquels
elles se superposent.
2- Tomographie de la haute atmosphère : cette technique d’imagerie
permet, à partir de l’enregistrement et du traitement des infrasons,
de remonter à certains paramètres du milieu atmosphérique.
3-Jet : type d’écoulement cisaillé qui domine dans la stratosphère pouvant atteindre
des vitesses de 100-150 m/s.
Fig. 5 : À gauche, carte montrant le positionnement de la station IS22 (au milieu) installée en Nouvelle-
Calédonie par rapport aux volcans actifs du Vanuatu détectés en permanence. À droite, le volcan Yasur.
Un microbaromètre est placé sur la bouche du cratère pour mesurer le terme source