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Spécial « infrasons »
Les fronts des perturbations météorologiques et les
systèmes convectifs sont également à l’origine d’ondes
de gravité de plus grande échelle (Figure 9).
Un suivi des ondes de gravité, de période égale à plusieurs
minutes, à l’échelle globale sur une grande durée présente
un intérêt pour l’étude de l’évolution du climat. Ces ondes
de grande échelle (appelées aussi ondes planétaires), géné-
rées principalement sous les tropiques dans la troposphère
aux altitudes météorologiques, pénètrent dans la stratos-
phère. Un mouvement de circulation globale s’établit alors
vers les pôles perturbant les vortex
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polaires.
Le réchauffement climatique actuel à proximité de la surface
sous l’effet de l’augmentation de concentration des gaz à
effet de serre pourrait affaiblir le mouvement des ondes
planétaires, en suscitant un renforcement des vortex et un
appauvrissement de l’ozone au-dessus des pôles.
Certaines stations du SSI situées dans les régions polaires
enregistrent en permanence ces ondes, dont les caracté-
ristiques présentent des fluctuations saisonnières cycli-
ques mais aussi sur des plus courtes échelles de temps.
À plus long terme, la mesure permanente et globale de
ces systèmes d’onde permettra de mieux comprendre la
dynamique des grands courants de circulation atmosphé-
riques et leurs perturbations en relation avec le climat.
Fig. 9 : Signature des ondes de gravité sur les nuages
noctilucents (brillant la nuit) observés par avion à des
altitudes de l’ordre de 90 km. Ces ondes affectent
l’atmosphère dans son ensemble, du sol où elles sont
enregistrées avec les stations infrasons du réseau
SSI, jusqu’à des altitudes d’environ 200 à 300 km
où elles sont détectées par radar ionosphérique.
Élargir les potentialités du SSI
Plus de 10 ans d’enregistrements continus du SSI sont
maintenant disponibles. Ces données sont uniques grâce
à leur qualité et leur continuité. De nombreuses études
démontrent le potentiel de ce réseau pour détecter, loca-
liser et caractériser des sources d’origine naturelles à
des échelles continentale et globale. En particulier, les
volcans constituent des sources explosives d’intérêt car
elles peuvent rejeter des quantités importantes de cendres
dans l’atmosphère perturbant le trafic aérien. La couverture
du réseau sismique ne permettant pas une surveillance
des volcans dans certaines régions, en complément de
l’imagerie satellite, les stations infrasons représentent
un moyen d’observation efficace pour en améliorer la
surveillance. Les études en cours permettent de quanti-
fier les performances de ce réseau en termes de capacité
de détection en fonction du bruit ambiant et des condi-
tions de propagation. De tels travaux aideront à la défini-
tion d’un réseau infrason optimal pour surveiller à grande
distance une région volcanique donnée.
Associé à la mise au point d’outils performants d’analyse
et de modélisation, ce réseau ouvre aussi de nouveaux
horizons pour la surveillance de l’environnement mais
aussi pour l’étude de l’atmosphère. Parce que les ondes
mesurées traversent les couches hautes de l’atmosphère
et se propagent sur de grandes distances, leur suivi en
continu offre des perspectives prometteuses pour la
mesure des caractéristiques des vents en altitude qui,
jusqu’à présent, n’étaient connues qu’à travers des mesu-
res ponctuelles locales. La description des conditions de
génération des ondes de gravité et leur interaction avec
les mouvements convectifs globaux présentent égale-
ment un grand intérêt, surtout dans un objectif à plus long
terme d’utilisation de ces mesures pour mieux décrire
la dynamique atmosphérique globale et ses effets sur
l’évolution du climat. Les études liées au climat pourront
alors bénéficier d’un apport conséquent, par exemple en
mettant en évidence des anomalies de propagation liées
aux réchauffements stratosphériques. L’exploitation de
la synergie avec les autres technologies du TICE et des
systèmes de mesure complémentaires (ballon, satellite,
stations de mesure radar et lidar
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…) élargira encore les
potentialités de ce réseau.
Références bibliographiques
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[6] Le Pichon, A., and E. Blanc, How can infrasound listen to high-altitude winds?,
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5- Vortex : système de vents stratosphériques circulant autour des pôles pendant l’hiver,
lorsque la mise en place de la nuit polaire accentue les différences de température
entre l’air stratosphérique des latitudes moyennes et celui des hautes latitudes.
6- Radar et lidar : basés sur un principe de fonctionnement identique, ils travaillent
dans des domaines spectraux différents : les ondes radio (2,7 mm– 100 m) pour
le radar et le visible, l’ultraviolet et l’infrarouge pour le lidar.