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Acoustique et défense
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Les équipements de protection individuelle contre le bruit en milieu opérationnel militaire. Partie 1
La perte auditive temporaire et la perte auditive
permanente
Les dysfonctionnements auditifs peuvent être réversi-
bles, on parle alors de fatigue auditive caractérisée par
une élévation temporaire des seuils d’audition, ou irré-
versibles, on parle alors de perte auditive permanente.
Elle dépend essentiellement de la dose acoustique reçue.
La réversibilité concerne également l’acouphène. Plus
l’acouphène persiste, moins bonne est la récupération des
seuils auditifs. L’importance de la perte auditive consta-
tée lors du premier examen est toujours à interpréter en
fonction du délai écoulé depuis le TSA, car l’amplitude
de récupération diminue à mesure que l’on s’éloigne de
l’accident initial. En moyenne l’essentiel de la récupé-
ration s’effectue dans les 4 jours suivants l’accident,
sur une oreille jeune et saine, cette récupération spon-
tanée est souvent observée d’une vingtaine de dB [9].
C’est l’altération de la touffe ciliaire, implantée au sommet
des cellules cillées, qui semble être à l’origine de la perte
auditive irréversible.
Les facteurs de susceptibilité au bruit
La résistance de notre oreille au bruit ne dépend pas
exclusivement de la protection portée, certaines oreilles
sont particulièrement vulnérables. On sait que les otites
à répétition dans l’enfance, les traumatismes crâniens,
l’âge, les malformations héréditaires peuvent diminuer la
résistance de l’oreille au bruit. Aussi des facteurs environ-
nementaux comme l’exposition à des agents chimiques
(pesticides, styrène, toluène etc.) et la prise de certains
médicaments (quinine, cisplatine etc.) sont ototoxiques et
peuvent aggraver les effets délétères du bruit [10].
Évaluation physiologique de la bonne mise en
place des protections auriculaires
L’évaluation de la qualité des protecteurs acoustiques
peut être réalisée de manière objective dans des labo-
ratoires d’ingénierie. Cependant, hormis la bonne qualité
d’atténuation acoustique (effet protecteur) des bouchons
auriculaires deux autres paramètres sont primordiaux,
facteurs clés de la prévention des TSA : la formation à la
manipulation des bouchons pour leur bonne mise en place
et l’accès à une taille de bouchons adaptée au conduit
auditif de chacun.
Nous disposons à l’heure actuelle d’une nouvelle méthode
non invasive et objective d’exploration fonctionnelle de
l’audition qui permet d’évaluer la fatigabilité de l’oreille
en particulier des cellules sensorielles à l’exposition au
bruit ainsi que la probabilité de persistance des acouphè-
nes. Cette méthode de mesure de la réactivité cochléaire
devrait être, à l’avenir, utilisée dans des études d’évalua-
tion in vivo de l’efficacité des protections. La méthode
repose sur les propriétés non linéaires de la cochlée et
la capacité contractile des CCE qui, lors d’une stimula-
tion acoustique, renvoient de manière rétrograde dans le
conduit auditif, une onde sonore de faible intensité capta-
ble par un microphone ultrasensible. Ce sont les otoémis-
sions acoustiques (OEA). Une diminution de l’intensité des
OEA après exposition au bruit avec le port des protec-
tions pourrait signifier une faiblesse dans le processus
de protection. (Figure 5).
Fig. 5 :Méthodes de mesure des otoémissions acoustiques.
Les otoémissions reflètent l’état fonctionnel des
cellules ciliées externes (CCE) de la cochlée ainsi que
l’état de l’appareil de transmission. Les propriétés
contractiles des CCE après stimulation permettent
la récupération par voie rétrograde dans le conduit
auditif d’une partie onde sonore mesurable
Prévention : l’éducation au port des protections
L’argument essentiel rapporté pour le non port des protec-
tions est le fait que l’environnement sonore est plus feutré
à cause des protections, ce qui limiterait la détection d’une
menace potentielle surtout dans le cadre d’opérations exté-
rieures (OPEX). De ce fait on observe un pourcentage non
négligeable de traumatismes sonores en OPEX, cepen-
dant il a été constaté, qu’en métropole, l’armée de terre
est également largement pourvoyeuse de TSA.
Un comité multidisciplinaire constitué d’opérationnels,
d’ergonomes, d’ingénieurs, de médecins d’unité, de méde-
cins ORL, d’audioprothésistes et de chercheurs en audi-
tion travaille à l’élaboration d’un outil de prévention/éduca-
tion plus efficace incluant la formation non seulement des
utilisateurs mais des instructeurs au tir et des médecins
d’unité sur le choix et sur le bon usage des protections.
Le comité tentera de répondre aux questions essentielles,
de qui et comment doit être choisie la taille du bouchon de
protection et quels types de bouchons pour quel usage.
En effet, les TSA constatés sont dans 33% des cas liés
à une chute des bouchons auriculaires. La question de la
mauvaise adaptation au conduit auditif ou de la mauvaise
mise en place du bouchon peut être posée. Les deux
causes peuvent être liées et seront prises en compte.
Un pourcentage important de militaires interrogés sur la
question rapporte avoir connu la chute de leurs bouchons
en cours d’exercice de terrain (45%).
Dans le futur, une place plus grande devrait être faite à
la diffusion de l’information, pour la bonne mise en place
des protections, la procédure pourrait s’inscrire dans le
futur dans le livret d’instruction au tir. Enfin un logiciel de
simulation du traumatisme sonore devrait voir le jour pour
développer une plus grande prise de conscience de l’im-
portance de la protection de l’ouïe au bruit impulsionnel
pour la population militaire.