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Acoustique et défense
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Les équipements de protection individuelle contre le bruit en milieu opérationnel militaire. Partie 1
Enfin, les opérations durant parfois plus de 24 heures, il
est nécessaire de pouvoir supporter le port des protec-
tions auditives dans la durée. Ces dernières doivent donc
être d’une dimension compatible avec celle du conduit
auditif externe (idéalement moulées, malgré les incon-
vénients que cela peut représenter [6]) et dans un maté-
riau souple, résistant aux agressions de l’environnement
(«poussières», etc.), tout en ne provoquant pas de trans-
piration excessive, entre autres.
Physiopathologie liée au bruit impulsionnel et
protections auditives
Une pression acoustique excessive, comme celle générée
lors d’un tir avec une arme à feu peut endommager les
structures anatomiques de l’appareil auditif. Il en résulte ce
qu’on appelle le Traumatisme Sonore Aigu (TSA). Les lésions
engendrées par ces ondes acoustiques particulièrement
puissantes dans la chaîne de transmission auditive sont
surtout d’ordre mécanique, mais aussi métabolique.
Les atteintes mécaniques directes sont les mieux connues
et constituent l’effet pathologique majeur des bruits, notam-
ment impulsionnels, sur la transduction sensorielle.
En réponse à de fortes pressions acoustiques, la chaîne
de transmission tympano-ossiculaire est fortement solli-
citée et entraîne une fatigabilité du réflexe protecteur
de l’oreille, aussi des mouvements de cisaillement et de
tiraillement s’exercent sur les structures ciliaires cellu-
laires de l’organe de Corti situé dans la cochlée (l’or-
gane sensoriel de l’audition). Le TSA altère les cellules
externes (CCE) d’une part et les cellules internes (CCI)
d’autre part ; les CCE étant de loin les plus fragiles. Les
déplacements subis allant au-delà des limites d’élasti-
cité tolérées, peuvent provoquer des ruptures ciliaires
et membranaires [7]. Cependant, les bruits agissent
également sur le métabolisme de la cochlée, les altéra-
tions (vacuolisations et gonflements des organites à la
base des cellules) apparaissent de manière plus progres-
sive, ce qui expliquerait l’évolution de la perte auditive
plusieurs heures après la fin d’une exposition sonore. Ces
altérations pourraient être en rapport avec une surcharge
cytotoxique de glutamate, un neurotransmetteur excita-
teur [8]. (Figure 3)
Fig. 3 : Schéma de l’appareil auditif (oreilles externe,
moyenne et interne). (Image libre de droit : Originale
de Dan Pickard, traduction française par B. Guillot)
Conséquences fonctionnelles auditives du bruit
impulsionnel
La symptomatologie clinique du TSA est assez typée :
elle associe acouphènes, hypoacousie et hyperacousie
douloureuse.
L’hypoacousie
C’est une baisse de l’acuité auditive, elle est objectivée
par la mesure des seuils d’audibilité dans la gamme de
fréquences testée en audiométrie, généralement de 125 Hz
à 8 KHz. L’effet délétère du bruit impulsionnel, diffère
finalement peu de l’effet du bruit continu à la lecture d’un
audiogramme. Les pertes séquellaires se situent généra-
lement sur les hautes fréquences de 4 à 6 KHz formant
parfois un véritable V caractéristique des TSA (Figure 4).
Cependant dans les premières heures suivant le trauma-
tisme, la perte de l’acuité auditive peut se faire sur l’en-
semble des fréquences audibles.
Fig. 4 : Audiogrammes de Békésy à fréquences glissantes
permettant une description fine par pas de 2,5dB
des altérations des seuils d’audition
Les acouphènes
Sifflements ou bourdonnements d’oreilles avec sensa-
tion de plénitude de l’oreille (oreille «cotonneuse»)
accompagnent quasi-systématiquement le TSA. Ce
symptôme est en général temporaire après un premier
traumatisme, mais peut se chroniciser au cours du
temps par micro-traumatismes répétés. L’acouphène
est le symptôme d’appel majeur.
Sans déclaration avérée d’un TSA, environ 30% des
militaires rapportent des sifflements d’oreilles fugaces
après les séances de tir. Quand l’acouphène persiste,
ce symptôme peut être très invalidant sur le plan
psychologique et opérationnel, il entraîne un masquage
des messages sonores et ainsi un surcroît de fatigue
liée à la nécessité d’une plus grande concentration et
parfois, on le trouve associé à une anxiété pouvant
aller jusqu’à la dépression. Ces dernières conséquen-
ces sont alimentées par le fait que le mécanisme de
l’acouphène n’est pas totalement élucidé et qu’aucun
traitement n’est totalement efficace.
Un consensus néanmoins existe dans la communauté
scientifique quant à l’existence d’une activité aber-
rante observée au niveau du noyau cochléaire dorsal
se transmettant dans la voie auditive jusqu’au cortex
auditif.