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Acoustique et défense
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Le son 3D comme interface homme/machine en milieu aéronautique
L’auditeur reste cependant capable de localiser des sons
de basses fréquences en utilisant le délai temporel entre
l’arrivée de l’onde sonore à chaque oreille, appelée diffé-
rence interaurale de temps (DIT). Lord Rayleigh propose
dès 1907 [2] que l’azimut soit codé par la DII pour les
sons de hautes fréquences et par la DIT pour les sons
de basses fréquences (Duplex Theory). Pour les sons
complexes comportant des hautes et basses fréquen-
ces, la DIT serait l’indice dominant [3]. Il faut mentionner
qu’à une DIT ou une DII donnée correspondent une infinité
de points dans l’espace. Ces points dessinent un cône
centré sur l’axe interaural, appelé «cône de confusion»
[4]. Localiser la source sonore au sein du cône de confu-
sion requiert d’autres indices que les indices binauraux :
les indices spectraux et les indices dynamiques.
Les indices spectraux
Avant de parvenir au tympan, le spectre d’une onde
sonore est modifié par les reliefs anatomiques de la
partie supérieure du corps (principalement les oreilles
externes, mais également la tête et le torse) qui agis-
sent à la manière d’un filtre spectral en haussant ou dimi-
nuant l’intensité de certaines fréquences. Cette modifi-
cation spectrale est directement fonction de l’élévation
de la source et de sa position avant/arrière ; elle four-
nit ainsi des indices au cerveau sur la localisation de la
source (Figure 1). Du fait de leurs dimensions, les oreilles
externes n’interagissent qu’avec des ondes de fréquen-
ces supérieures à 3-4 kHz. Le spectre d’une source
sonore doit donc s’étendre au-delà de 3-4kHz, et idéale-
ment au-delà de 10 kHz pour que la source soit localisée
correctement. Pour des sources situées en arrière, le
pavillon des oreilles agirait comme un obstacle acousti-
que provoquant une sorte d’entaille dans le spectre autour
de 3-6kHz [5]. Dans la vie courante, il est possible de
mettre en évidence le rôle des indices spectraux sur la
détermination de la position avant/arrière ; face à une
source sonore émettant une large gamme de fréquences
(par exemple un ventilateur), le fait de former avec ses
mains posées devant ses oreilles une coquille ouverte
vers l’arrière modifie la position perçue de la source qui
semble «sauter» derrière soi [6].
Les indices dynamiques
En condition naturelle, les positions relatives de la tête
et de la source sont rarement figées, l’auditeur, comme
la source, se déplacent plus ou moins librement. Du fait
de ces déplacements, les indices binauraux et spectraux
sont modifiés en permanence. Des indices dynamiques
peuvent être extraits des variations des indices binauraux
et sont susceptibles d’être utilisés par le système audi-
tif pour déterminer la position avant/arrière d’une source
sonore [8,9]. L’utilisation des indices dynamiques impose
que le stimulus dure au minimum 150 ms environ et idéa-
lement plusieurs secondes.
La fonction de transfert liée à la tête
Le son spatialisé ou son 3D est une technologie visant
à présenter sous casque une stimulation acoustique
de telle façon que l’auditeur la perçoive comme issue
d’un point précis de l’espace. Il s’agit d’une technique
beaucoup plus écologique que la stéréophonie classi-
que pour laquelle lors d’une écoute au casque, le son,
bien que latéralisé, semble provenir de l’intérieur de la
tête. Le son 3D repose sur la reproduction des modi-
fications acoustiques (incluant les indices de localisa-
tion, spectraux et binauraux) entre une source sonore
située à un endroit précis de l’espace et le tympan de
l’auditeur (pour une revue récente voir Nicol [10]). Ces
modifications acoustiques sont décrites par une fonc-
tion mathématique appelée fonction de transfert liée
à la tête ou HRTF (Head Related Transfert Function).
Deux principales méthodes de mesure des HRTFs ont
été développées, la méthode «conduit ouvert» et la
méthode «conduit bloqué» :
- la méthode conduit ouvert : Cette méthode est la première
à avoir été mise au point [11]. Elle consiste à introduire
dans le conduit auditif externe (CAE) un tube souple d’en-
viron 1 mm de diamètre dont une extrémité est placée
au plus près du tympan (1 à 2 mm) tandis que l’autre
extrémité, arrivant au niveau de la joue, est reliée à un
microphone.
Fig. 1 : Modification de l’intensité des fréquences du spectre de l’onde sonore incidente induites par le relief de l’oreille
externe pour trois sources sonores situées à différentes élévations (-30°, 0°, +30°), (adapté de [7]).