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Acoustique et défense
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Le son 3D comme interface homme/machine en milieu aéronautique
d’une sphère imaginaire dont la surface est recouverte
de microphones uniformément répartis [19]. Il suffit alors
d’émettre un seul signal pour mesurer les HRTFs corres-
pondant aux emplacements des microphones. Grâce à
cette méthode très rapide, une production «de masse»
d’HRTFs personnalisées serait envisageable.
Les capacités de localisation des auditeurs varient selon
que les sources sont virtuelles ou réelles. L’élévation des
sources virtuelles est généralement moins bien perçue
que celle des sources réelles. Par ailleurs, il arrive quel-
quefois que l’auditeur perçoive la source sonore derrière
lui alors qu’elle est en réalité devant (ou, plus rare-
ment, le contraire), on parle d’inversion avant/arrière.
Ce phénomène est fréquent avec des sources virtuelles.
La baisse de l’acuité en élévation et la survenue d’in-
versions avant/arrière sont plus marquées avec des
HRTFs non personnalisées qu’avec des HRTFs person-
nalisées. Il faut enfin signaler une variabilité inter-indivi-
duelle dans les capacités de localisation. Cette variabi-
lité inter-individuelle est plus élevée avec des sources
virtuelles (surtout en HRTFs non personnalisées) qu’avec
des sources réelles [20].
Comme en condition d’écoute naturelle, la perception en
son 3D est facilitée par la présence d’indices dynamiques.
La mesure des HRTFs étant statique, les indices dynami-
ques doivent être introduits a posteriori. L’incorporation
des indices dynamiques est rendu possible par un suivi
des mouvements de la tête du sujet à l’aide d’un appareil
approprié (Polhemus Fastrack par exemple). Le gain est
très appréciable en termes de réalisme et de réduction
des inversions avant/arrière si le temps de latence lors
l’actualisation des signaux pendant le mouvement de la
tête est suffisamment court (inférieur à 250ms) [21].
Applications de la technologie son 3D en
aéronautique
Le son 3D redonne à l’opérateur la possibilité d’utiliser
pleinement son audition spatiale pour l’aider à localiser
des cibles, réagir à des alarmes, gérer les systèmes
de communication voire lutter contre la désorientation
spatiale. Le son 3D peut participer ainsi à améliorer la
sécurité de l’opérateur.
Les études présentées ci-après ont été réalisées dans un
contexte aéronautique militaire ou civil [22].
Localiser des cibles
D’un point de vue écologique, une des fonctions de l’audi-
tion est d’orienter le regard («les oreilles guident les
yeux»). Dans le cockpit, associer un son spatialisé à une
cible visuelle réduit son temps d’acquisition particuliè-
rement si la cible est en dehors du champ visuel [23].
Le fait de localiser une cible peut être vital en cas de
risque de collision. Lorsqu’il cherche à éviter une collision,
le pilote s’aide d’un écran du cockpit sur lequel figure la
position du danger. A plusieurs reprises, il doit regarder à
l’extérieur et vers cet écran pour actualiser la position de
son avion par rapport à l’autre avion. Il ne dispose que de
quelques secondes pour manœuvrer. Grâce au son 3D,
le temps nécessaire à localiser l’avion à éviter est signi-
ficativement diminué (d’environ 20%) [24].
Réagir à des alarmes
D’après une étude en simulateur d’hélicoptère de combat,
le temps de réaction à des alarmes est significativement
réduit lorsque le son 3D est utilisé en complément d’une
information visuelle [25]. Les résultats sont équivalents
que le son 3D soit utilisé pour spatialiser une alarme
sonore vocale («feu dans le moteur gauche») ou non vocale
(simple signal sonore).
Gestion de systèmes de communication multi
canaux
Au sein du cockpit, le pilote gère plusieurs canaux de
communication radio au travers d’une écoute monopho-
nique au casque. Il doit interagir avec de nombreux inter-
locuteurs situés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’aéronef :
personnel en soute, ailiers, tour de contrôle, centre de
commandement. Le son 3D permet de séparer spatialement
ces différents canaux
3
. L’avantage est double : d’une part,
le pilote identifie sans erreur son interlocuteur grâce à la
localisation [26] et d’autre part, il peut focaliser son atten-
tion sur un canal radio parmi d’autres et ainsi en améliorer
l’intelligibilité [27] (recréant une situation dite de «cock-
tail party» [28] où lorsque plusieurs personnes parlent
en même temps, le fait de se focaliser sur un locuteur
en particulier facilite la compréhension de son discours).
Dans les AWACS (Airborne Warning and Control System),
avion radar utilisé comme tour de contrôle embarquée,
le son 3D pourrait améliorer non seulement l’intelligibilité
mais surtout le temps de réaction des contrôleurs aériens
aux messages urgents et critiques [29].
Par ailleurs, actuellement pour différencier les canaux
radios entre eux, les opérateurs utilisent un pré réglage
du volume (S. Hourlier, 2008). La gamme de volume
étant réduite, il arrive souvent que des niveaux poten-
tiellement dangereux pour l’oreille soient atteints.
Le son 3D apporte une alternative qui ne menace pas
la fonction auditive.
Contremesure à la désorientation spatiale
La désorientation spatiale est la cause d’un nombre élevé
d’accidents aériens. La recherche de contremesures est
un enjeu de sécurité. Le son 3D pourrait aider le pilote à
conserver une représentation correcte de son orientation
dans l’espace, par exemple en le renseignant sur l’angle
de roulis de son avion [30]. L’angle de roulis serait indi-
qué par la différence interaurale d’intensité : si le signal
est plus intense à gauche, l’avion est incliné sur la gauche
et il est d’autant plus incliné que la différence interaurale
est élevée.
Plus largement, la pertinence de l’utilisation du son 3D
est renforcée dans des conditions où la vision du pilote
est mise à mal ou sollicitée par une autre tâche (limi-
tation du champ visuel par le cockpit, éblouissement,
vol de nuit, consultation des instruments de vol, haute
charge de travail visuelle, hypoxie, accélération +Gz) [31].
Enfin, plus qu’une amélioration de l’efficacité pour une tâche
particulière, les opérateurs militaires ou civils évoquent
surtout une réduction de l’effort mental ressenti grâce
au son 3D [32,33].
3-Cette application du son 3D est déjà utilisée dans les avions de chasse (F-16)
de l’armée de l’air danoise.
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