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Acoustique et défense
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Le son 3D comme interface homme/machine en milieu aéronautique
Travaux récents dans la recherche de défense
en France
Pour profiter pleinement du gain en termes d’efficacité
et de sécurité qu’apporte le son 3D, il est nécessaire
de prendre en compte l’existence de contraintes liées à
l’auditeur comme ses capacités de localisation auditive,
et sa faculté à s’adapter au son 3D [34]. L’étude de ces
contraintes figure parmi les thématiques de l’Institut de
recherche biomédicale des Armées (IRBA) à Brétigny
sur Orge (Essonne). Plusieurs équipements très spéci-
fiques permettant de mener des expérimentations sur
le son 3D sont réunis à l’IRBA dont une chambre semi-
anéchoïque (152 m
3
) avec un automate de mesure des
HRTFs, une chambre réverbérante (204 m
3
) permet-
tant de recréer des ambiances sonores réalistes, et
un environnement de présentation de sources sono-
res virtuelles. En 2005, l’IRBA (alors IMASSA, Institut
de médecine aérospatiale du Service de santé des
Armées) a participé au programme PERTIA lancé par
la DGA sous la coordination de Didier Bazalgette. Ce
programme a été conduit en collaboration avec l’orga-
nisme australien de défense DSTO dans l’objectif d’étu-
dier, entre autres, l’usage et la génération de son 3D à
bord d’hélicoptères de combat. Le programme PERTIA
a comporté une phase d’essai en vol sur NH-90 (héli-
coptère de transport) avec des pilotes militaires. Cette
étape très importante sur le chemin d’une utilisation
à grande échelle du son 3D, a permis de confirmer
plusieurs résultats obtenus précédemment en labora-
toire, notamment l’efficacité du son 3D pour l’aide à la
gestion de systèmes de communication multicanaux et
des alarmes. Le programme PERTIA comportait égale-
ment une étude en laboratoire qui visait à évaluer les
capacités de localisation de sources sonores virtuelles
chez des auditeurs néophytes. L’étude comparait les
performances en HRTFs personnalisées et non person-
nalisées, dans le silence et dans une ambiance sonore
reproduisant celle à bord d’un hélicoptère de combat
(Figure 3). Les auditeurs portaient des équipements
opérationnels (casque, tenue).
Cette étude a confirmé une grande variabilité inter-
individuelle dans les performances de localisation,
c’est-à-dire que l’erreur de localisation était faible pour
certains auditeurs et élevée pour d’autres [36]. Cette
étude a également mis en évidence le faible impact du
bruit ou du type d’HRTF sur les performances des audi-
teurs. Ce dernier résultat, peu attendu, est probable-
ment à mettre en lien avec le caractère néophyte des
auditeurs. D’autres investigations sont en cours pour
compléter cette première explication. Les résultats de
PERTIA ont conduit à s’intéresser aux aspects d’entraî-
nement à la localisation de sources sonores virtuelles
et aux origines de la variabilité inter-individuelle. Des
travaux menés à l’IRBA, et soutenus par la DGA, tentent
de mettre à profit la plasticité de la localisation auditive
[37,38] pour entraîner les futurs utilisateurs du son 3D.
Ces travaux ont déjà montré le rôle d’une structure des
voies auditives descendantes dans la variabilité inter-
individuelle en localisation auditive dans le bruit : le
faisceau olivo-cochléaire efférent médian [39]. D’autres
travaux sont en cours pour explorer différents protoco-
les d’entraînement.
Fig. 3 : Auditeur participant à la phase du
programme PERTIA portant sur la localisation
auditive dans un bruit d’hélicoptère
Conclusion
En restituant sous casque le plein usage de l’audition
spatiale, le son 3D apporte à l’opérateur un gain sensible
pour l’efficacité, la sécurité, et le confort de sa mission.
Les atouts de cette technologie sont accessibles au prix
de précautions méthodologiques et métrologiques qui ne
doivent pas être négligées. Du fait d’une réelle variabilité
inter-individuelle dans les capacités de localisation audi-
tive, un usage optimal du son 3D nécessite une phase de
familiarisation voire d’entraînement. Au sein de l’IRBA,
des travaux sont en cours de développement pour d’une
part identifier les sources de cette variabilité inter-indivi-
duelle et d’autre part définir au mieux les caractéristiques
des entraînements à proposer.
Références bibliographiques
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