Echo Bruit n°136 - page 10

Echo Bruit
n° 136
g
Dossier :
Eco-quartiers et
environnement sonore
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le magazine de l’environnement sonore
Nous
baignons en permanence dans
un environnement sonore et
nous avons rarement l’occasion
de lui accorder une vraie attention. Souvent considéré
comme une conséquence inévitable des fonctionnalités
modernes (transports et industries notamment) ou assujetti
passivement à la conception visuelle du construit, le sonore
n’a été traditionnellement que peu pris en compte par
l’aménagement, en dehors des monuments dévolus au
pouvoir ou au spectacle. L’augmentation des plaintes l’a
introduit dans le champ des préoccupations contemporaines
majeures. Mais ces modalités d’émergence du problème ont
lourdement conditionné les réflexions à son sujet. En effet,
dans l’urgence, les phénomènes sonores liés au bruit ont
dominé les approches au point de masquer les autres aspects
du sonore. L’idée de nuisance sonore a ainsi focalisé autour
d’elle la quasi-totalité des préoccupations des gestionnaires
de l’espace aménagé et aussi une partie des recherches sur
l’environnement.
Pendant un temps l’équation réglant la gestion de
l’environnement sonore a été posée très simplement : un
bruit nuisible venant perturber le silence doit être éradiqué
ou isolé. Cette approche, en grande partie quantitative, a
démontré clairement ses limites : les outils métrologiques
non relativisés par les usages conduisent souvent à des
normes techniques qui ont la tentation de devenir des normes
sociales. Et là où l’on croyait clarifier une situation, se crée un
nœud de complications inextricables. Une bonne harmonie,
au sens sonore et social, ne se décrète ni techniquement, ni
juridiquement. S’est répandue progressivement l’évidence de
la nécessité de sortir de la seule logique de la nuisance, y
compris pour régler les problèmes de la nuisance. Les progrès
de l’acoustique comme discipline et l’efficacité des avancées
techniques ont paradoxalement contribué à cette évolution
car on a constaté que le traitement d’une nuisance n’est pas
synonyme de réduction des plaintes, et qu’un bruit dominant
pouvait en masquer d’autres aussi gênants, qui s’empressent
d’émerger après l’atténuation du premier.
Par le champ des interactions sociales, des conflits de
voisinages, des aménagements paysagers, le thème de
l’environnement sonore s’est progressivement enrichi,
gagnant en nuances dans la conscience contemporaine : de
plus en plus l’usager est considéré à la fois comme auditeur
et comme producteur de sons, l’architecture est perçue
comme donnant à entendre autant qu’elle donne à voir et l’on
comprend peu à peu que la qualité de la vie passe aussi par
l’esthétique sonore. À l’impasse du bruit-objet, assimilé à une
tumeur localisée et amputable chirurgicalement, se substitue
peu à peu une autre définition qui approche le bruit comme
un son qualifié, soulignant la dimension relationnelle dont il
est porteur. C’est donc la gêne découlant d’un son qui le range
dans la catégorie du bruit, état relatif entre les personnes et
évolutif dans le temps car la musique des uns peut être aussi
le bruit des autres.
Bruit urbain : nuisance
ou ambiance ?
Henry TORGUE*,
directeur de l’UMR Ambiances Architecturales et urbaines,
CRESSON
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