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Spécial « Congrès Acoustics 2012 »
Caractérisation physique et perceptive de bruits routiers urbains pour une meilleure évaluation de la gêne sonore
Catégorie 2: intensité, spécificités spectrales
et enveloppe temporelle
Les résultats de l’ANOVA menée sur les réponses de gêne
due aux bruits de passage de la catégorie 2 nous amènent
à chercher des indices qui sont capables de prendre en
compte les effets des facteurs expérimentaux.
Parmi l’ensemble des indices considérés, deux sont à
même d’expliquer de manière adéquate les variations
constatées dans les réponses de gêne : N
15-18
(la sonie de
Zwicker intégrée entre 15 et 18 Barks), et F (la force de
fluctuation moyenne). Le premier indice permet de pren-
dre en compte l’intensité, en particulier le contenu spectral
encore important en hautes fréquences, caractéristique
des deux-roues. Le second indice est lié à une sensation
produite par des variations temporelles rapides et pério-
diques [26], qui sont liées au bruit du moteur prédominant
en zone urbaine, surtout à vitesse modérée et en accélé-
ration. L’indicateur proposé associe ces deux indices et
résulte en un R² élevé (cf. Tableau 2).
Catégorie 3: Intensité et évolution temporelle
Dans le but d’expliquer l’effet du facteur «Niveau Sonore»,
la sonie de Zwicker N apparaît supérieure à l’indice L
Aeq,T
(respectivement r=0,98 ; p<0,001 et r=0,93 ; p<0,001).
Le facteur «Source de Bruit» est expliqué par un indice
décrivant l’évolution temporelle globale. Cet indice, noté
Δ
N-, est le taux de décroissance de la sonie en fonction
du temps. Il représente la pente de la droite de régression
calculée entre le temps et les valeurs temporelles de la
sonie, après que la valeur maximum soit atteinte.
L’indicateur proposé lie ces indices aux réponses de gêne
moyennes et résulte en un coefficient de détermination R²
élevé (cf. Tableau 2). Pour les bruits de passage de cette
catégorie, pour une même intensité perçue, les sujets ont
trouvé plus gênants des bruits de passage de véhicules
qui mettent plus de temps à partir.
Catégories 4, 5, 7: Intensité et enveloppe temporelle
Pour ces catégories, la sonie de Zwicker N est mieux corré-
lée aux réponses moyennes de gêne que l’indice L
Aeq,T
, elle
est donc choisie pour expliquer le facteur «Niveau Sonore».
Le facteur «Source de Bruit» est, quant à lui, principalement
expliqué par des indices décrivant le bruit du moteur : R
max
(rugosité maximum) pour la catégorie 4, F
max
(force de fluc-
tuation maximum) pour la catégorie 5 et F pour la catégo-
rie 7. La rugosité et la force de fluctuation sont définies de
manière similaire, la différence résidant dans la fréquence de
modulation en amplitude de l’enveloppe temporelle.
Pour ces catégories, les indicateurs proposés permettent
une bonne prédiction des réponses moyennes de gêne (cf.
Tableau 2). Les indicateurs proposés traduisent qu’à une
intensité perçue égale, les sujets ont jugé plus gênants
les bruits de passage produisant une plus forte sensation
de rugosité ou de force de fluctuation.
Catégorie 6: intensité et spécificités spectrales
Pour cette catégorie, c’est l’indice L
MF
(niveau de pression
sonore équivalent pondéré A en moyennes fréquences
[10]) qui montre la plus haute corrélation avec les répon-
ses moyennes de gêne due aux bruits de passage de la
catégorie 6 (r=0,97 ; p<0,001). Cet indice est à même
de prendre en compte l’influence de l’énergie acoustique
liée au facteur «Niveau Sonore», et l’influence du contenu
spectral lié au facteur «Source de Bruit».
Pour les bruits de passage de la catégorie 6, plus le contenu
spectral en moyennes fréquences est élevé, plus les sujets
ont jugé les bruits de passage gênants.
Discussion
Les indicateurs proposés pour caractériser la gêne due
aux bruits de passage de chaque catégorie de la typo-
logie perceptive et cognitive sont en accord avec les
descriptions verbales données par les sujets au cours de
la tâche de verbalisation libre [11]. Par exemple, les bruits
de passage de la catégorie 2 ont été jugés «plus stridents»
et «beaucoup plus aigus» que les bruits de passage des
autres catégories. L’indicateur proposé pour la catégorie
2 inclut l’indice N
15-18
, qui prend en compte le contenu en
hautes fréquences spécifique aux deux-roues.
Nous avons constaté pour l’ensemble des catégories un
fort effet du facteur «Niveau Sonore» sur les réponses de
gêne. Cet effet est ensuite généralement mieux traduit
par la sonie de Zwicker N (ou un indice construit à partir
de N) que par l’indice L
Aeq,T
. Cela est cohérent avec les
résultats exposés par Nilsson [9] et suggère d’examiner
l’opportunité d’utiliser la sonie pour caractériser les bruits
de l’environnement.
Dans ce papier, la gêne sonore est étudiée séparément
pour les différentes catégories perceptives. Morel et al.
[11] ont fait l’hypothèse qu’en zone urbaine, un trafic routier
quelconque peut être composé d’un certain nombre de
bruits de passage impliqués dans les différentes catégo-
ries. Dans une prochaine étape, il conviendrait donc d’étu-
dier la gêne due à un tel trafic reconstitué et, en consé-
quence, d’évaluer l’efficacité des indicateurs proposés. En
effet, Berglund et Nilsson [27] ont trouvé que les réponses
de gêne due à un trafic routier global, et récoltées in situ,
dépendent de la composition du trafic et du pourcentage
de présence des différents types de véhicules.
Conclusion
L’objectif principal du travail présenté dans ce papier était
de contribuer à l’amélioration des cartes de bruit par la
proposition d’indicateurs de gêne sonore qui soient perti-
nents du point de vue de l’individu. Pour cela, la gêne due
à chacune des 7 catégories perceptives et cognitives de
bruits de passage de véhicules routiers, proposées dans
un précédent papier, a été évaluée en laboratoire. Les
principales conclusions sont les suivantes :
- Le niveau sonore, de même que les différences entre
bruits de passage à l’intérieur d’une même catégorie ont des
effets significatifs sur les réponses de gêne recueillies ;
- Les indicateurs de gêne proposés associent un indice
basé sur la sonie de Zwicker N à un indice décrivant des
aspects temporels, qui ne peuvent être pris en compte
par l’indice L
Aeq,T
. Pour la catégorie 6, le contenu spec-
tral en moyennes fréquences est pertinent pour prédire
la gêne ;
- Les indices temporels sont liés à différents aspects :
soit l’évolution temporelle globale (catégorie 3), soit les
variations périodiques de l’enveloppe temporelle (caté-
gories 2, 4, 5, 7).
Dans une prochaine étape, il serait intéressant de tester
ces indicateurs de gêne dans le cas d’un trafic routier
reconstitué.