Echo Bruit
n° 126
09.2009
g
Dossier :
“Centres d’appels”
21
le magazine de l’environnement sonore
C
ompte tenu des contraintes fortes s’exerçant dans
certains types de centres d’appels (faible autonomie,
forte demande de productivité, pression temporelle,
contrôle hiérarchique et informatique permanent, écoute des
conversations, prescription de l’expression verbale et des
émotions), on s’attend à ce que les plaintes physiques et
psychologiques s’expriment en fonction inverse de la qualité
des conditions de travail. Les plaintes somatiques se porteront
logiquement sur les appareils les plus sollicités : la pénibilité
des postures et des gestes répétitifs engendrant des troubles
musculo-squelettiques, la forte astreinte de l’appareil oculaire
étant cause de fatigue visuelle.
Dans une enquête en cours d’exploitation (INRS) portant
sur 4 200 opérateurs, ce sont les problèmes audiologiques
qui ont été les plus fréquemment cités lors des propositions
d’expression libre des salariés répondants. Les résultats des
questionnaires montrent que 17 % des salariés ont signalé
avoir des bourdonnements ou des sifflements d’oreille souvent
ou très souvent, et 16 % d’entre eux faisaient répéter leurs
interlocuteurs souvent ou très souvent, sans qu’il soit possible
à ce stade de faire la part de pathologies préexistantes ou de
pathologies acquises durant un travail en centre d’appel, ou
du rôle de la qualité technique de la communication ou d’un
environnement trop bruyant.
Nous ne passerons ici en revue que les plaintes et les risques
concernant l’appareil auditif ou liés au bruit.
La fatigue auditive
Comme toute fatigue, la fatigue auditive est un phénomène
réversible. Il s’agit d’une baisse discrète de l’acuité auditive,
mesurable par des audiogrammes immédiatement après
une période d’exposition au bruit, et localisée sur certaines
fréquences. Les audiogrammes réalisés ultérieurement
montrent un retour en quelques heures à l’état précédent.
Ce phénomène ne se produit que pour une intensité et une
durée d’exposition notables, rarement rencontrées lors du
travail au téléphone. Par contre, une expression subjective
de fatigue auditive peut se voir en l’absence d’altération de
l’audiogramme, ainsi qu’une sensation d’oreilles bouchées,
et de chaleur de l’oreille. Ces sensations se rencontrent
surtout en cas de conditions de travail difficiles comme décrit
ci-dessus, et sont plus à considérer comme une exposition à
des facteurs de risque psychosociaux : pénibilité du travail,
objectifs de productivité, faible autonomie et faible support
social.
La fatigue générale et les difficultés
de concentration
Un niveau de bruit excessif est également cause de fatigue
générale, et d’altération des performances intellectuelles. Ce
phénomène a été modélisé par Wisner qui décrit des niveaux
de bruit ambiants pour lesquels différents types de travail,
du plus simple au plus compliqué, sont rendus de plus en
plus difficiles ou pénibles en fonction de l’intensité du bruit
(voir encadré p.22). Des études ont montré que dans certains
centres d’appels, le travail pouvait être gêné, difficile voire
pénible. Outre la fatigue générale, les effets se porteront sur la
santé mentale : dans ce contexte de travail où prédominent les
facteurs de risques psychosociaux, le travail dans des niveaux
de bruit excessifs augmentera la fréquence de pathologies
déjà présentes : troubles de l’humeur, anxiété, irritabilité,
scores de détresse psychologique parfois élevés, troubles du
sommeil, consommation de psychotropes…
Acoustique des centres d’appels
et santé au travail :
Risques et
pathologies
Docteur Michel PITTACO
Médecin du Travail/Ergonome
Service de Santé au Travail Air France/Commercial France