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Le monde acoustique des chauves-souris
Le phénomène est complexe. A côté d’une simple réflexion,
qui peut être modifiée par la structure de la cible, lisse ou
velue, s’ajoutent des ondes rampantes qui contournent les
objets avant d’être réémises. Lorsque la cible est un insecte
en vol, les échos dus au corps de l’insecte diffèrent de ceux
des ailes par effet Doppler, les ailes ayant un mouvement
relatif par rapport au corps. Tout cela fait que l’écho prin-
cipal est accompagné d’un nuage d’échos. La comparai-
son de l’écho avec le signal émis apporte de l’information
à l’animal. Chacun de ces éléments considérés individuel-
lement ne peut porter une information à l’animal.
Yves Tupinier
7 avril 2010
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Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window.
800
820
840
860
880 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Cri de Grand rhinolophe : émission essentiellement en fréquence constante adaptée à la
détection avec l’effet Doppler.
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window.
2272 2274 2276 2278 2280 2282 2284 2286 2288 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
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-70 dB
-90 dB
Cri de Pipistrelle commune : bref, quelques millisecondes, une structure en arc d’hyperbole,
des adaptations à la détection des variations de distances.
Dans une logique de communication, un signal est émis par
un animal et perçu par un autre. Cela implique qu’émetteur
et récepteur utilise un même code, un même langage pour
qu’une information puisse être comprise. Cette situation
se rencontre dans les cris marquant un territoire ou assu-
rant la cohésion d’un groupe nomade. Il en est de même
pour les cris de recherche d’un partenaire. Dans tous ces
cas, la spécificité du cri est essentielle. Dans un système
sonar, le récepteur n’est autre que l’émetteur. L’animal
n’agit que pour lui-même et pour lui seul. Le caractère
spécifique s’estompe devant les nécessités du système
sonar qui s’adapte aux problèmes que se pose l’animal
émetteur. La structure des cris est adaptée aux problè-
mes qui préoccupent l’animal. Cependant des contraintes
existent. Les possibilités des chauves-souris ne sont pas
toutes identiques. La taille fait que certaines espèces sont
plus aptes à produire des hautes fréquences. Les petites
espèces comme les petits Vespertilions ou les Pipistrelles
émettent des cris plus aigus que les grandes comme les
Grands murins ou les Noctules. La morphologie des ailes
influe sur la vitesse ou la manœuvrabilité du vol. La physio-
logie joue également un rôle. Les Vespertilionidés émet-
tent par la gueule tandis que les Rhinolophidés le font par
le nez. Les premiers sont plus aptes pour des signaux en
fréquences modulées et les seconds pour les fréquen-
ces constantes. La nature des signaux est le reflet d’une
physiologie et d’une morphologie. De plus le comporte-
ment intervient. Selon que la chauve-souris vole en tran-
sit sur un itinéraire connu, dans un milieu encombré, en
action de chasse ou en capturant des proies, les signaux
sont différents. Ainsi ce qui précède montre qu’à travers
les cris qui dépendent de la morphologie, de la physiolo-
gie, du comportement, on peut remonter à l’espèce dans
la plupart des cas.
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820
840
860
880 ms
Cri de Grand rhinolophe : émission essentiellement en fréquence constante adaptée à la
détection avec l’effet Doppler.
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window.
2272 2274 2276 2278 2280 2282 2284 2286 2288 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Cri de Pipistrelle commune : bref, quelques millisecondes, une structure en arc d’hyperbole,
des adaptations à la détection des variations de distances.
Les émissions utilisées par les chauves-souris pour leurs
signaux de localisation acoustique se situent entre 10 et
150 kHz. 20 kHz est la limite que l’on donne pour entrer
dans le domaine de l’ultrason. Il s’agit d’une notion anthro-
pocentrique dont n’a que faire le monde animal. Par exem-
ple, un chien entend au-delà de 40 kHz. Le sonar n’im-
plique pas l’usage d’ultrasons. Dans nos régions des
espèces comme la Noctule commune ou le Molosse de
Cestoni émettent en dessous de 20 kHz. Des oiseaux,
la Salangane d’Asie ou le Guacharo brésilien, possèdent
un sonar plus rudimentaire qui utilise des fréquences qui
nous sont audibles. Il en est de même pour un genre du
sous-ordre des Mégachiroptères qui regroupe les grandes
chauves-souris frugivores d’Afrique et d’Asie. Ces animaux
possèdent une vision crépusculaire très développée.
Le genre Rousettus dispose, dans l’obscurité des grottes,
d’un sonar rudimentaire.
Propriété des signaux
Les systèmes les plus sophistiqués se rencontrent dans
le sous-ordre des Microchiroptères auquel appartiennent
les chauves-souris de nos régions. Ces émissions, bien
que donnant des résultats de grande précision, sont de
structure relativement simple.
Portée :
La portée dépend essentiellement de l’animal émet-
teur. Chaque espèce utilise une bande de fréquence où ses
performances sont optimales. On ne doit pas confondre avec
la distance à laquelle on peut entendre une chauve-souris
car, dans ce cas, la sensibilité de l’oreille et du système
d’écoute sont primordiaux. La portée intervient surtout
quand une chauve-souris se situe dans un espace libre
d’obstacle et qu’elle se déplace à vitesse élevée (jusqu’à
30 m/s). Dans ces circonstances, l’animal privilégie les
fréquences basses de sa tessiture, diminue la modulation
de fréquence, d’où une économie d’énergie, et augmente
la durée du cri. Cette dernière action a pour effet d’aug-
menter l’énergie emportée par le signal. Certaines espè-
ces comme La Noctule commune chasse des proies à
plusieurs dizaines de mètres devant elle alors que d’autres
plus murmurantes, comme les Oreillards, ne recherchent
des proies guère plus loin que le bout de leur nez. Ce qui
précède implique que lors d’une étude de biodiversité par
acoustique les «grandes gueules» sont surestimées.
Fig.2 : Cri de pipistrelle commune : bref, quelques millisecondes
en arc d’hyperbole, des adaptations à la détection
des variations de distances
Fig 1 : Cri d Grand rhinolophe : émission essentiellement en
fréquence constante adaptée à la détection avec l’effet Doppler.