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Le monde acoustique des chauves-souris
Mesure de la distance :
La mesure de la distance est
déterminée par le temps mis par le signal pour aller jusqu’à
la cible et en revenir. L’hypothèse du filtrage adapté est la
plus souvent admise pour estimer les performances du
système sonar des chauves-souris. La mesure est d’autant
meilleure que la bande fréquentielle du signal est large et
que le rapport signal sur bruit de fond de l’écho est élevé.
En se rapprochant de sa proie, ce rapport s’améliore et
facilite la localisation précise.
Résolution en distance :
Le problème consiste à distin-
guer deux cibles dans une même direction mais à des
distances légèrement différentes, pour repérer un point
d’accrochage sur une paroi. Dans une première approche,
on peut admettre que les deux échos seront séparés si la
différence entre leur retard est supérieure à leur durée.
Les cris très modulés en fréquence et brefs donnent les
meilleurs résultats.
Valeur radiale relative :
Sa connaissance permet à une
chauve-souris de savoir si la proie convoitée se rapproche
ou lui échappe. Les espèces européennes utilisent deux
pratiques. Les Vespertilionidés, qui émettent des cris modu-
lés en fréquences, comparent des distances et en dédui-
sent les vitesses relatives. Les Rhinolophidés utilisent de
longs cris en fréquence constante. Cette structure est
sensible à l’effet Doppler. Selon que la cible se rapproche
ou s’éloigne la fréquence augmente ou diminue. La neuro-
logie de ces espèces fait que l’animal est plus sensible à
des augmentations de fréquence qu’à des diminutions. Les
Rhinolophes sont donc plus aptes à maintenir le contact
sonar avec une proie qui se rapproche, plus facilement
capturable. Un insecte qui vole possède des ailes dont le
mouvement relatif par rapport au corps fait que les ailes
ne donnent pas le même effet Doppler que le corps. Cela
permet à l’animal de distinguer une feuille morte qui se
déplace dans le vent d’une proie car tous les points de la
feuille donnent sensiblement le même effet Doppler.
Relations entre les signaux sonars et l’activité
Les chauves-souris ont une activité aérienne intense et
variée. Chacun de leurs comportements influe sur les émis-
sions des cris sonar. Le système de détection est du type
adaptatif. Il faut entendre par là que l’animal, au moyen
d’un cri, pose une question à son environnement, attend
une information en réponse et selon ce qui est reçu modi-
fie ou non la question, le cri, suivant. Les émissions sonar
sont avant tout un reflet du comportement. La spécificité
n’intervient qu’ensuite à travers la morphologie, l’étholo-
gie… Ainsi deux espèces de même taille, avec des ailes
de formes voisines, peuvent dans des conditions identi-
ques émettre des cris de même structure.
Détection :
La trentaine d’espèces de nos régions occu-
pent des territoires de chasse divers : espaces libres
au-dessus des obstacles, sous-bois, lisières, rues et
lampadaires. Ainsi le Molosse de Cestoni chasse souvent
à plus de 50 m au-dessus du sol. Espèce au vol rapide
qui peut atteindre 30 m/s, il chasse très en avant devant
lui en émettant des cris de détection à un rythme de 3
à 5 cris par seconde, dans des fréquences entre 9 et
12 kHz, d’une durée dépassant 10 ms et peu modulés en
fréquence. Cette structure favorise la portée sachant que
l’atténuation par l’air est faible pour les fréquences utilisées
par cet animal. Dans une même situation, un Minioptère
chassant le long d’une lisière d’un vol rapide atteignant
20 m/s, émet une vingtaine de signaux de quelques milli-
secondes, modulés entre 70 et 50 kHz. Recherchant des
proies proches, il favorise la précision de la distance et
la directivité par rapport à la portée. Ces deux dernières
espèces, qui détectent par des variations de distance,
montrent comment le choix de la structure des cris dépend
de la stratégie de chasse. Les Rhinolophes ont besoin
pour favoriser la détection par effet Doppler de fréquence
supérieure à 80 kHz. Ces animaux, chassant des proies
proches d’eux, ne sont pas trop gênés par l’atténuation
par l’air des fréquences utilisées.
Identification :
Une cible étant détectée, il importe de
savoir s’il s’agit d’une proie consommable ou d’un obsta-
cle à éviter. Les espèces qui utilisent des fréquences
très modulées, plus d’une octave, sont sensibles à l’état
de surface, lisse ou velu, à la forme. Les utilisatrices de
fréquences constantes privilégient les mouvements de
leurs cibles. Dans leur comportement les chauves-souris
utilisent aussi leurs oreilles. Les Mégadermes en Inde, qui
se nourrissent de rongeurs, cessent leurs émissions sonar
en approche de leurs cibles et se laissent guider par les
sons produits par leurs proies.
Localisation :
A ce stade, les chauves-souris ont détecté
et identifié une proie. Pour la localiser avec précision l’ani-
mal améliore la précision dans l’estimation de la distance
en élargissant la largeur de sa bande fréquentielle et en
augmentant les fréquences pour améliorer la directivité.
Dans le même temps, le rythme des émissions s’élève.
Yves Tupinier
7 avril 2010
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window. - Right.
540
560
580
600
620
640
660
680
700
720 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Cri social de Pipistrelle commune entre deux signaux sonar
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window.
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Yves Tupinier
7 avril 2010
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window. - Right.
540
560
580
600
620
640
660
680
700
720 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Cri social de Pipistrelle commune entre deux signaux sonar
Spectrogram, FFT size 512 , Hanning window.
1200
1300
1400
1500
1600 ms
50 kHz
100 kHz
-10 dB
-30 dB
-50 dB
-70 dB
-90 dB
Capture d’une proie par une Pipistrelle commune.
Fig. 3 : Cri social de Pipistrelle commune entre deux signaux sonar
Fig. 4 : Capture d’une proie par une Pipistrelle commune