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Le monde acoustique des chauves-souris
Cuvier donne son point de vue sur les expériences de
Spallanzani et de Jurine par les mots «il nous paraît», «il
nous semble», «il est probable». L’explication de l’habileté
des chauves-souris dans l’obscurité est donnée avec auto-
rité. Pendant tout le XIX
e
siècle, il n’y aura aucune recherche
dans ce domaine biologique. En 1900, Rollinat et Trouessart
publient leurs travaux destinés à reprendre les expériences
de Spallanzani «afin de préciser le siège du tact si particu-
lier qui permet à ces animaux de se diriger dans l’obscu-
rité». Ils concluent que l’ouïe joue un rôle important devant
le toucher. Les chauves-souris utiliseraient leurs oreilles
pour palper les parois des cavernes. Le sifflet à ultrasons
fut inventé par Francis Galton en 1883 et permet d’émettre
des sons audibles pour un chien et inaudibles pour l’homme.
Les frères Pierre et Jacques Curie découvrent l’effet piézoé-
lectrique permettant la production de sons de fréquences
élevées. L’hypothèse de l’utilisation de ces sons par les
chauves-souris n’est pas envisagée.
Après la catastrophe du Titanic, Maxim, un ingénieur
américain, reprend une hypothèse d’un correspondant de
Spallanzani. A savoir : le battement des ailes, environ 20
par seconde, envoie des ondes qui se réfléchissent sur
les obstacles et qui sont ensuite perçues par l’animal. La
réalisation pratique se révéla peu efficace, les très basses
fréquences étant peu directives. Après le développement
de la détection des sous-marins pendant la Première
Guerre mondiale, ce n’est qu’en 1920 qu’un physiologiste
anglais, Hardridge, propose l’hypothèse que les chauves-
souris émettent des sons inaudibles pour l’homme pour
palper leur environnement.
En 1938, nous entrons dans la période moderne. Aux Etats
Unis d’Amérique, un étudiant en biologie du Harvard College,
Donald R. Griffin, s’intéresse aux déplacements des chau-
ves-souris dans l’obscurité en reprenant les expériences
de Spallanzani. Il entre en relation avec G.W. Pierce, un
physicien qui s’intéresse aux émissions «supersoniques»
des insectes. Ils visualisent et mesurent les fréquences
des cris des chauves-souris lors de leur vol dans l’obscu-
rité en présence d’obstacles. Notons que dans ces mêmes
années le mot «supersonique» est attribué à des vitesses
supérieures à la célérité du son tandis que les fréquen-
ces inaudibles à nos oreilles d’humains sont qualifiées de
«ultrasoniques».
Avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, les systèmes
radar se sont développés de façon empirique. Ensuite des
études théoriques sont venues. De ces travaux des corré-
lations sont établies entre la structure des cris sonar des
chauves-souris et leurs propriétés physiques en matière de
détection, à savoir : précision des évaluations des distan-
ces, directivité, résolution angulaire, vitesse relative..
Si le vol des chauves-souris a inspiré la technique, ce fut
l’inverse pour le sonar. La technique a permis de compren-
dre le comportement sonore de l’animal.
Principe général de la localisation acoustique
Une chauve-souris vole dans un espace aérien où se trou-
vent des obstacles fixes ou mobiles. Pour «palper» ce qui
l’entoure, elle émet des cris brefs. Ils sont produits par
les organes de phonations. Au cours de la propagation,
ils sont atténués par la distance parcourue et les proprié-
tés acoustiques de l’air. Le signal sonore atteint la cible.
Ce terme regroupe les objets ou proies présentant de
l’intérêt. Au contact de la cible, le signal est renvoyé.
Le Grand Murin (Breté) © Christian Maliverney. Galerie : http://album.oiseau-libre.net/albums/photographes/christian-maliverney.html