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Historique
Le vol silencieux des chauves-souris dans l’obscurité
la plus totale est resté une question sans réponse
jusqu’au VXIII
e
siècle. Alors que Buf fon écrivait que
les chauves-souris sont des êtres monstrueux incapa-
bles de prétendre contrôler le vol, Lazzaro Spallanzani
s’intéresse à l’habileté du vol dans l’obscurité par ces
mêmes animaux. Expérimentateur habile et méticuleux,
il place un capuchon sur la tête d’une chauve-souris. Il
constate que l’animal est perturbé et en déduit que sa
vision dans l’obscurité n’est pas la même que la nôtre.
Pour s’en assurer, il colle des disques opaques sur les
yeux et la chauve-souris vole normalement. Il place un
capuchon en tissus transparents et le vol est à nouveau
perturbé. Afin de peaufiner son expérience, il sacrifie
une chauve-souris, lui enlève ses globes oculaires et la
libère. Bien qu’aveugle, elle vole normalement. Il pense
en observant les aveugles compenser la perte de la
vision par le toucher, que ce dernier sens est utilisé.
Mais en couvrant le corps de l’animal avec du vernis, le
comportement n’est pas affecté. En 1794, Spallanzani
envoie un compte rendu de ses expériences pour le
présenter devant la Société d’histoire naturelle de
Genève. Ce texte intéresse Louis Jurine qui étudie le
rôle de l’oreille. Avec une obstruction des conduits audi -
tifs, les animaux sont perturbés. Spallanzani reprend
ses expérimentations et arrive à la conclusion que le
museau et les oreilles sont nécessaires pour expliquer
l’habileté des chauves-souris dans l’obscurité absolue.
Mais il ne peut aller plus loin, le domaine ultrasonore
n’étant découvert qu’un siècle plus tard.
En 1805, dans sa XIV
e
leçon d’anatomie, G. Cuvier écrit :
«Spallanzani en conclut que les chauves-souris ont un
sixième sens dont nous n’avons aucune idée. Le citoyen
Jurine a fait des expériences, qui tendent à prouver que
c’est par l’ouïe qu’elles se dirigent ; mais il nous paraît
que les opérations qu’il a fait subir aux individus qu’il a
privés de la faculté de se diriger, ont été trop cruelles,
et qu’elles ont fait plus que de les empêcher d’enten-
dre. Il nous semble qu’il suffit de leur organe du toucher
pour expliquer tous les phénomènes que les chauves-
souris présentent.
[…] Il est probable que dans l’action du vol, l’air frappé par
l’aile ou par cette main si subtile, imprime à cet organe
une sensation de chaleur, de froid, de mobilité, de résis-
tance, qui indique à l’animal les obstacles et la facilité qu’il
rencontre sur sa route…»
Le monde acoustique des chauves-souris
Yves Tupinier
Résumé
Les émissions sonores constituent, pour beaucoup d’animaux, un moyen pour
communiquer entre individus d’une même espèce ou transmettre des informations qui
peuvent être comprises par d’autres espèces. Dans cette fonction de communication
un signal, c’est-à-dire un bruit portant une information, est émis par un animal et
reçu par un autre. Ce sont par exemple les cris de parades nuptiales, de marquage
de territoire ou de détresse des jeunes. Avec les chauves-souris, nous sommes en
présence d’un autre usage des sons, à savoir la localisation acoustique.
Dans cette situation, une chauve-souris émet un cri renvoyé par le milieu et les sons
qui reviennent sont comparés avec les émissions. De cette analyse, l’animal extrait
les informations qui lui sont utiles pour guider son comportement. Dans cette fonction,
l’animal agit pour lui seul. Nous ne sommes donc plus dans de la communication,
nous avons un véritable sonar biologique. L’univers sonore est vaste et très imbriqué.
Ainsi la localisation acoustique peut aussi être passive. Une chouette possède une
paire d’oreilles gauche et droite ce qui permet de localiser horizontalement une source
sonore. De plus celles-ci ne sont pas au même niveau. Cela améliore la directivité
verticale. Un tel prédateur peut donc localiser sa proie avec son aide. Dans ce cas, les
émissions sonores de la proie sont des indices.
Yves Tupinier,
Docteur de l’Université Claude Bernard
5B, rue Claude Baudrand
69300 Caluire
Tél.: 04 72 10 60 99
E-mail : yves.tupinier@wanadoo.fr
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