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Le Sonar des dauphins
L’exemple de ce dauphin économe en signaux trouve
son opposé dans une espèce de l’Amazone (Sotalia), la
disponibilité d’innombrables signaux d’écholocation et de
communication intraspécifique nous a conduit à établir
une hypothèse sur le fonctionnement des sources inter-
nes (l’exemple sera développé plus bas), mais aussi nous
pensons que leur abondance serait en rapport avec un
milieu encombré et à forte turbidité entourant un dauphin
disposant de très peu d’information visuelle.
L’aspect anatomophysiologique
Le mécanisme de phonation des dauphins a donné lieu
à diverses recherches et hypothèses sur le rôle des
bouchons nasaux (que nous regarderons plus en détail),
et celui du larynx, dans la production de clics sonar et (ou)
des sifflements ; l’observation des deux types d’émission
de manière concomitante, pourrait impliquer des sour-
ces organiques différentes. La première hypothèse situe
l’origine des émissions au niveau des voies respiratoires
supracraniennes, par contre, Purves ainsi que Morris ont
postulé que ces signaux sont émis au niveau de l’épiglotte,
par le claquement du muscle palatopharyngéal de chaque
conduit nasal, et transmis sous la forme d’un choc aux
structures osseuses du rostre qui constituent le palatin.
Ce serait donc (dans le cadre de cette hypothèse pharyn-
géale) cet os qui assure en premier la propagation des
signaux acoustiques dans la région frontal du crâne. Ce
raisonnement conduit à envisager que les os du rostre
(prémaxillaire et maxillaire) focalisent les ondes longitu-
dinales dans l’axe antéropostérieur de celui-ci.
Les voies respiratoires supérieures des dauphins présen-
tent une structure complexe de cavités, bouchons, conduits
et muscles associés qui suggèrent des capacités fonc-
tionnelles spéciales. Il est possible d’observer par l’ana-
lyse anatomique et grâce à des moyens avancés d’image-
rie, que les bouchons nasaux actionnant sur ommande de
muscles présents dans la zone rostrale, commandent des
flux aériens provenant des poumons et circulant selon un
système de régulation assez sophistiqué dans un ensem-
ble de sacs et passages contrôlés.
La plupart des auteurs situent donc l’origine des signaux
sonar dans ce système aéraulique commandé par une
forte intervention musculaire obéissant aux ordres d’un
mécanisme nerveux avancé. Mais, ce système de phona-
tion est chargé de produire des signaux destinés à une
propagation et à «un travail» en milieu liquide, des struc-
tures spécialisées doivent donc participer à la nécessaire
adaptation entre les origines aériennes des signaux et
le milieu externe. C’est ainsi que différentes hypothèses
ont été établies au sujet de la participation notamment
de la mâchoire supérieure (focalisation par réflexion) et
du melon, structure adipeuse pouvant travailler comme
un mécanisme de focalisation et d’adaptation au milieu
liquide. En résumé, un système régulé composé de sour-
ces associées à des relaxations et contractions muscu-
laires, suivies d’un réseau de résonateurs, de filtres et de
projecteurs acoustiques configure un modèle conceptuel
apte à expliquer les caractéristiques des signaux qui sont
observés lors de leur propagation en milieu aquatique.
Un schéma simplifié des structures anatomiques d’un
delphinidé type, réalisé sur la base d’expériences et des
observations rigoureuses, nous servira à mieux compren-
dre les idées les plus pertinentes pour discuter le fonc-
tionnement du sonar biologique bien adapté à l’environ-
nement aquatique (figure 6).
Dans la figure 6, nous avons représenté les deux zones
étudiées comme source des émissions ainsi que la voie
de réception, mandibulaire, des signaux aboutissant aux
organes auditifs internes et à un traitement pointu de l’in-
formation acoustique.
Bien que la source située dans une position supracranienne
soit sûrement la seule impliquée dans le processus de phona-
tion, l’idée de l’origine pharyngéale entraîne la conception
d’un rôle de focalisation – guide d’onde par l’ensemble maxil-
laire/prémaxillaire et même une possibilité de compression
du signal, élargissant la bande spectrale utile.
Le contenu physique et bionique de cette idée nous a conduit
(avec Guy Cherbit) [3] à étudier les conditions de transmis-
sion des signaux à travers les structures osseuses.
Fig. 6 : Représentation schématique des sources d’émission sonar (hypothèse 1 : supracranéale ; hypothèse 2 : pharingéale),
des structures associées avec la fonction de phonation et les voies de réception (maxillaire) des signaux acoustiques