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Le Sonar des dauphins
Fig. 3 a et b : Le dresseur installe la ventouse qui rend le dauphin
provisoirement aveugle, sachant que l’animal peut, avec
une simple action musculaire, se défaire de ce cache
en caoutchouc. Le dauphin approche sa cible et choisi
la forme circulaire par rapport à une forme différente
présentée simultanément dans un support adéquat.
Dans ces conditions, des trajectoires de nage et des
mouvements de la tête ont été rapprochés de différen-
tes descriptions publiées précédemment en relation avec
les caractéristiques du système sonar. Mais, l’observa-
tion éthologique réalisée simultanément aux acquisitions
acoustiques a permis de comprendre un fait somme toute
assez élémentaire. En effet, dans l’objectif de caractériser
les propriétés sonar, l’expérimentateur humain essaye de
décrire objectivement des conditions de détection et d’iden-
tification; cependant la tache proposée au dauphin n’est
pas «d’identifier un objet» mais de «rapporter un objet».
L’animal doit ainsi combiner une multitude de fonctions qui
convergent pour bien répondre à la sollicitation humaine.
Il doit nager dans un volume d’eau assez réduit, se rappro-
cher des modules mécaniques supportant les cibles et
les hydrophones (capteurs des signaux émis), ensuite il
doit identifier la cible, prendre l’objet, éviter les différents
obstacles (supports et parois du bassin) retourner vers
le dresseur et lui présenter le résultat de son travail. Les
attitudes, la forme de déplacement et les postures adop-
tées par l’animal son donc la résultante d’une opération
complexe et multidirectionnelle, ou l’organisation de son
système sonar pour la différenciation de l’objet n’est qu’un
aspect de SON problème. Remarquons donc par cet exem-
ple que les relations biologie/physique dans nos problè-
mes de bioacoustique sont toujours bien plus complexes
sur le plan de la compréhension des mécanismes vivants
que la «simple» approche bionique du problème.
Les signaux sonar
Les odontocètes, et en particulier le groupe des Delphinidés,
montrent, parmi les animaux aquatiques, les systèmes sonar
les plus développés. Les propriétés adaptatives qui caracté-
risent les systèmes et les structures biologiques confèrent
à cette méthode d’auto information des capacités pouvant
correspondre à une optimisation théorique des résultats en
fonction de la situation relationnelle entre l’individu et l’envi-
ronnement : situation de veille ou de poursuite, vitesse de
déplacement de la cible et du prédateur, caractéristiques
de rétrodiffusion de la cible ou des obstacles, intégration
perceptive avec d’autres sources d’information, notamment
vision et optimisation énergétique de la fonction.
Les dauphins émettent des signaux sonar de type impul-
sionnel (clics) présentant des caractéristiques temporelles
et fréquentielles réglables, tout autant que la cadence de
répétition de ces signaux. Un mécanisme de réception et
de traitement adapté des échos obtenus permet l’obtention
d’une image acoustique de l’environnement remplaçant ou
complémentaire de l’image visuelle qui reçoit le dauphin,
que nous pouvons rapprocher de notre propre perception
du milieu aquatique. Rappelant que les dauphins commu-
niquent entre eux par l’intermédiaire de signaux acousti-
ques apparentés à des sifflements, en parallèle à la fonction
sonar, le processus d’écholocation peut être schématisé
selon les éléments simplifiés de la figure 4.
Fig. 4 : Représentation schématique du processus d’écholocation.
Les signaux émis sont modifiés par les obstacles
et les cibles et rejoignent le système de réception
incorporant des transformations dérivées de la nature
du milieu de propagation et des perturbations dues à la
réverbération, et à la présence de sources diverses
Pour définir succinctement un signal sonar typique de
dauphin il suffit de rappeler les points clefs des compila-
tions réalisées par Evans et Au [1]. L’exemple de Tursiops
truncatus est assez représentatif. Les signaux, définis
morphologiquement par des clics, montrent l’aspect et
les distributions spectrales de la figure 5. Dans le premier
exemple le secteur fréquentiel d’énergie maximum est situé
autour de 52 kHz, bien au delà des capacités humaines
de perception. Dans le deuxième exemple les secteurs
d’énergie maximum se situent au delà de 100 kHz.
Fig. 5 : Exemples de signaux sonar en représentation
temporelle et spectrale, selon données de Evans et Au