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Le Sonar des dauphins
- Les odontocètes
, (figure 1) définis par la présence de
dents (de 2 à 260 selon l’espèce) sont tous carnivores
et ils sont représentés par plusieurs «familles» selon une
classification biologique présentant des structures diffé-
rentes en fonction des appréciations des spécialistes de
la systématique. Nous adopterons une approche tradition-
nelle pour rappeler que les Delphinidés (
Delphinidae)
sont
le groupe emblématique avec des représentants «vedet-
tes» comme le Tursiops truncatus (star de la télévision
et des films), le Delphinus delphis (ou dauphin commun),
l’Orque ou le Marsouin. Les
Platanistidae
sont des dauphins
d’eau douce, présents dans le Rio de la Plata, l’Amazone,
le Gange et dans les fleuves de la Chine, ce dernier étant
maintenant probablement disparu. Les
Monodontidae
sont représentés par le Beluga et le Narval, identifiable par
la longue dent des mâles. Les
Ziphiidae
, moins connus
reçoivent les énormes Bernardius, les Mesoplodon ou les
Hyperoodon. Enfin, les
Physeteridae
intègrent les gigan-
tesques cachalots, identifiables en mer par leur souffle
unique et oblique. Observons que ces énormes créatu-
res, pouvant atteindre une longueur de 20 mètres, dont
un tiers pour la tête, et un poids de 50 tonnes, forment
le même groupe que le sympathique Tursiops ou le petit
marsouin d’un mètre de longueur.
Fig. 1 : Ce dauphin montre une carte d’identité assez
complète de son groupe zoologique
- Les mysticètes
, (figure 2) ont des fanons fixés à la mâchoire
supérieure, caractéristique de base les différentiant des céta-
cés à dents. Sont les « vrais » baleines. Le sonar, chez ces
mammifères marins n’est aujourd’hui qu’une probabilité néces-
sitant des confirmations expérimentales difficiles à obtenir.
Fig. 2 : Cette baleine montre la caractéristique fondamentale dans
la définition de son groupe : Absence de dents et présence
de fanons fixés sur la mâchoire supérieure utilisés pour
la filtration de grandes masses d’eau contenant des petits
organismes planctoniques qui constituent sa nourriture
Il est opportun d’avertir le lecteur à propos de certaines
dénominations courantes dans les communications de
divulgation ou journalistiques qui correspondent en général
à des traductions directes de termes anglais. C’est ainsi
que des fiers représentants des odontocètes sont appe-
lés «baleines» par adoption trop rapide de termes anglais,
comme «killer whale» (baleine tueuse) correspondant à l’or-
que, pensionnaire de nombreux aquariums, «pilot whale»
nommant le globicéphale, victime d’échouages très média-
tisés, et membres les deux, de la famille des delphinidés.
Sans parler du cachalot («Moby Dick»), de dimensions et
silhouette de baleine (Sperm whale), pouvant nous montrer
des dents de 25 cm comme carte d’identité de son groupe
zoologique, les odontocètes.
L’expérimentation acoustique
Les études réalisées par les bioacousticiens ont une base
de physique expérimentale robuste, mais elles sont appli-
quées à des sujets vivants qui présentent toutes les carac-
téristiques propres au matériel biologique en termes de
variabilité individuelle, incidence de multiples agents exter-
nes, complexité des phénomènes éthologiques (compor-
tementaux) étroitement liés à des facteurs physiologiques
et environnementaux. Des études qui seront citées dans
ce résumé ont été accomplies en bassin fermé sur des
sujets en captivité. La facilité du travail expérimental est
dans ce cas associée à des situations non naturelles, les
conclusions des études doivent donc tenir compte de cette
condition évidemment porteuse d’une incidence difficile à
évaluer. En revanche, le travail en milieu naturel présente
toutes les difficultés inhérentes à la maîtrise des acquisi-
tions acoustiques sur le plan de la fidélité de l’information
recueillie après sa propagation dans un milieu complexe,
sans parler de l’établissement des relations de dépendance
entre les signaux obtenus et les sources mobiles corres-
pondantes. La modification du milieu et du comportement
des sujets provoquée par la présence de l’observateur est
un autre facteur d’importance dans l’établissement des
déductions fonctionnelles et comportementales. Les expé-
rimentateurs choisissent donc des moyens de travail les
plus discrets possibles, par exemple des petits bateaux,
avec toutes les conséquences et contraintes imaginables
du point de vue des caractéristiques techniques et de l’en-
combrement des dispositifs d’observation et d’acquisition
de l’information pertinente. Aussi, il est important de signa-
ler que l’approche physique des problèmes bioacoustiques
peut parfois «faire oublier» que l’acteur principal des expé-
riences et le sujet du travail scientifique est un être vivant
particulièrement intelligent qui possède ses propres centres
d’intérêt et ces propres contraintes biologiques. Lors des
expérimentations concernant la détermination des perfor-
mances des systèmes sonar dans des dauphins en capti-
vité, des objets de taille et forme différentes sont présen-
tés à des animaux préalablement «aveuglés» à l’aide de
ventouses en caoutchouc (figure 3).
Dans cette orientation d’étude, nous avons entraîné un
dauphin, avec Albin Dziedzic (chercheur au Laboratoire
de Physiologie Acoustique), à rapporter des objets préa-
lablement signalés à l’animal. Lui devait différencier cet
objet par rapport à un deuxième de forme progressive-
ment convergente avec la cible choisie.