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L’acoustique passive pourrait-elle être une alternative aux observations visuelles pour l’estimation des densités de populations ?
Application : recensement des baleines bleues
antarctiques
La population des baleines bleues antarctiques,
Balaenoptera musculus intermedia (BMi), présentes dans
l’hémisphère sud, a été anéantie au siècle dernier par la
chasse commerciale ; plus de 99% des individus ont été
chassés en quelques décennies [11]. Actuellement, la
population est protégée de toute chasse commerciale
mais le nombre d’individus restant est mal évalué en raison
de la difficulté d’effectuer des relevés visuels efficaces à
ces latitudes. La méthode alternative pour leur observa-
tion est le recours à l’acoustique passive du fait que ces
animaux sont acoustiquement actifs la plupart du temps
et durant toute l’année. Les baleines bleues antarctiques
émettent des sons stéréotypés, précédemment caractéri-
sés dans les eaux indiennes et antarctiques [12,13], dans
les basses fréquences avec une très forte intensité assu-
rant une propagation sur de grandes distances [14].
Fig. 2 : Localisation des hydrophones du SSI de Crozet
– réseau d’hydrophones au nord et au sud
En collaboration avec le Commissariat à l’Energie Atomique
(CEA, www.cea.fr), nous avons analysé et traité une année
d’enregistrements provenant d’une des stations hydroa-
coustiques du Système de Surveillance Internationale
(SSI) mise en place du Traité d’Interdiction Complète
des Essais Nucléaires (TICE, http://www. ctbto.org)
[15]. Ces hydrophones sont disposés au nord et au sud
de l’archipel de Crozet (Terres Australes et Antarctiques
Françaises) (Fig.2).
Les sons émis par ces mammifères marins ont certai-
nes caractéristiques que nous avons modélisées afin de
proposer plusieurs templates pour effectuer une détection
automatique [16] (Fig. 3). Le fait qu’un individu soit passé
à proximité des hydrophones (< 1km) nous a permis de
préciser l’intensité acoustique : 179±5 dB re 1
μ
Pa à 1m
[17]. Dans toute la base de données, notre détecteur auto-
matique a permis d’extraire 172 947 cris répartis tout au
long de l’année, montrant ainsi que ces cétacés restent
dans la zone subantarctique (Fig. 4).
Fig. 3 : a) spectrogramme d’un cri de baleine bleue
antarctique ; b) signal temporel d’un template
A chaque cri, nous avons estimé la distance de l’individu à
l’hydrophone en utilisant le modèle de propagation acous-
tique Range dependent Acoustic Model (RAM) [18].
Le modèle RAM est particulièrement adapté à notre étude
pour au moins 2 raisons. D’une part, les sons émis par les
baleines bleues antarctiques présentent des parties prati-
quement mono fréquentielle et à très basses fréquences
(Fig. 3). D’autre part, il est possible de décrire les diffé-
rents paramètres liés à la propagation au niveau spatial
autour de Crozet (bathymétrie, température, salinité) et
au niveau temporel (mois/mois).
Fig. 4 : Nombre de cris détectés par mois
Le modèle RAM nous a alors permis d’évaluer les pertes de
propagation et d’en déduire une estimation de la distance
à laquelle se trouvait chaque individu lorsqu’il a émis sa
vocalise. Ce travail a permis de déterminer la zone de
détection des baleines bleues antarctiques couvertes par
les hydrophones dans nos conditions de détection [19].
Fig. 5 : Séquence de cris émis par un individu
Revenons à l’équation 4 pour voir comment il est possi-
ble de l’appliquer dans le cadre de cette étude. Plaçons-
nous avec les résultats issus d’un seul hydrophone (K=1).
Premièrement, nous avons utilisé un seuil de détection
particulièrement haut afin de s’assurer qu’une détection
correspond bien à un son de BMi [15] ;