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L’acoustique passive pourrait-elle être une alternative aux observations visuelles pour l’estimation des densités de populations ?
Estimation de la densité de population
L’estimation des densités de population peut se faire
soit en identifiant les individus soit en ayant recours à
des méthodes statistiques basées sur des observations
partielles de groupes.
Les signatures individuelles
Il s’agit d’identifier des signes particuliers qui permettent de
reconnaître formellement un individu. Lors d’observations
visuelles, les chercheurs utilisent des marques spécifiques
présentes de façon permanente sur le corps de l’animal (par
exemple, comparaison des nageoires caudales des baleines
à bosse) ; il s’agit de la photo-identification. Cette appro-
che, coûteuse en temps et en énergie, est robuste et se
fait principalement manuellement (il existe peu de logiciels
de traitement d’images dédiés à l’archivage automatique
des photos de baleines ; on peut toutefois citer : Finscan
(http://www.tamug.edu/mmrp/Software/Finscan/index.
html) ou le logiciel Darwin (http://darwin.eckerd.edu)).
Pour les observations acoustiques, il s’agit alors de recher-
cher les informations pertinentes dans les signaux sonores
correspondant à une signature acoustique individuelle. Sur
les cétacés, ce travail reste particulièrement délicat en 2010
pour plusieurs raisons : premièrement, la plupart des céta-
cés vivent en groupe et émettent des sons simultanément.
Deuxièmement, il est difficile d’enregistrer à proximité un indi-
vidu dans son milieu naturel. Troisièmement, il est nécessaire
d’acquérir les sons le plus près possible des individus pour
s’affranchir des déformations liées à la propagation acousti-
que. Quatrièmement, ce travail doit être fait dans un endroit
le moins bruyant possible. Cinquièmement, il est nécessaire
de coupler ces acquisitions sonores par des observations
visuelles décrivant la scène (présence des cétacés, mouve-
ments de l’individu ou du groupe, informations sur le compor-
tement, caractérisation de l’environnement).
Ensuite, une fois les observations acquises, la méthode
utilisée s’appelle Capture-Marquage-Recapture [5]). Il s’agit
de dénombrer le nombre d’individus préalablement iden-
tifiés et non-identifiés au cours du temps. On a recours à
l’estimateur de maximum de vraisemblance pour estimer
la densité de population.
Cette méthode a été largement appliquée à partir des
observations visuelles [6,7]. Il est intéressant de noter
que cette technique est robuste autant pour des obser-
vations instantanées (c’est-à-dire pour estimer la taille
d’un groupe de dauphins qui évoluent autour d’un bateau
pendant un temps limité) ou permanentes (à partir d’ob-
servations faites sur le long terme). Pour les observa-
tions acoustiques, l’application de cette méthode néces-
siterait la reconnaissance d’une signature individuelle,
ce qui, à ce jour, reste un sujet ouvert, comme énoncé
précédemment.
Les méthodes statistiques
Il est possible de recourir à une méthode statistique lorsque
les observations sont partielles, du fait qu’elles sont effec-
tuées sur un espace limité de la zone que l’on veut couvrir
et pendant une durée limitée. Appelée Distance Sampling
[8,9], cette méthode vise à estimer un nombre d’individus
sans avoir à les identifier ; il est donc possible de compta-
biliser le même individu à différentes reprises.
On a :
où C est le nombre d’individus observés sur l’aire visitée
a. On donnera une estimation de densité sur l’aire totale
A que l’on souhaite caractérisée par :
A partir de n observations visuelles, on écrit :
Il n’y a plus la contrainte de détecter de façon exhaustive
tous les individus présents ; pour cela, on rajoute l’es-
timation de la probabilité de détecter un individu sachant
sa distance. Les distances d’observation sont les indices
de détectabilité, avec les 2 hypothèses suivantes. D’une
part, les cétacés qui sont devant l’observateur sont détec-
tés à coup sûr et d’autre part, les cétacés qui sont à une
distance infinie de l’observateur ne sont pas détectés. On
voit bien que l’histogramme des observations (mammifè-
res détectés) va donc être décroissant en fonction de la
distance, jusqu’à s’annuler à une distance maximale qui
dépend de l’espèce (certaines sont plus furtives en surface
que d’autre), de la visibilité, de la hauteur de la plateforme
d’observation et de la performance de l’observateur (aidé
éventuellement avec des jumelles).
Peut-on décliner la méthode Distance Sampling à des
observations acoustiques ? Récemment, Marques et al.
[10] proposent une adaptation de l’équation :
où n
c
est le nombre de sons détectés, l’estimation des faux
négatifs (un son a été comptabilisé alors qu’il n’a pas été
émis par l’espèce de cétacés observée), K le nombre d’hy-
drophone,
πw
2
l’aire autour de l’hydrophone dans laquelle
un son émis par un cétacé peut être détecté, T la durée de
l’enregistrement et l’estimation du nombre d’émissions
sonores qu’un cétacé peut émettre par seconde.
Les remarques sont les suivantes. Premièrement, le nombre
de détections dépend de la nature des sons émis par les
cétacés observés, des caractéristiques de la propaga-
tion acoustique, des performances de la chaîne d’acqui-
sition (sensibilité de l’hydrophone, bruit), de la méthode
de détection utilisée (méthode et seuil ; il y aura ainsi
des différences notables entre le recours à un détecteur
sur énergie ou un filtre adapté ou tout autre méthode).
Deuxièmement, K correspond aux hydrophones qui enregis-
trent en continu pendant la même durée T. Troisièmement,
le taux d’émissions sonores dépend de l’espèce voire de
l’individu. Quatrièmement, on fait l’hypothèse que la légiti-
mité de recourir à des méthodes statistiques est compa-
rable entre le nombre d’individus détectés visuellement
ou acoustiquement par rapport au nombre d’individus
présents. Pour cela, on devra considérer un nombre de
détections suffisamment grand.