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L’acoustique passive pourrait-elle être une
alternative aux observations visuelles pour
l’estimation des densités de populations ?
Principes et limites sur une espèce de mysticètes:
la baleine bleue antarctique.
e recensement (occurrence et abondance) des espè-
ces de mammifères marins est toujours d’actualité pour
plusieurs raisons. Tout d’abord, la communauté interna-
tionale, via la Commission Baleinière Internationale (www.
iwcoffice.org), incite les chercheurs à faire remonter l’en-
semble de leurs informations pour caractériser au plus
juste la distribution et le suivi (évolution positive, nulle
ou négative) des populations afin d’établir leur statut
de conservation. Les politiques et gestionnaires sollici -
tent également les scientifiques à ce sujet (comme par
exemple, lors de la création du prochain sanctuaire fran-
çais aux Antilles). Il faut noter que, à ce jour, sur les 82
espèces de cétacés, certaines n’ont pas ce statut par
manque de données les concernant (voire la liste rouge
des espèces menacées établie par l’Union Internationale
pour la Conservation de la Nature (IUCN, http://www.
iucnredlist.org). Deuxièmement, le suivi des popula-
tions des cétacés permet d’évaluer les interactions de
ces mammifères avec les activités anthropiques, que
ce soit au niveau du trafic maritime (collisions, nuisance
sonore), des activités de pêches (captures accidentel-
les, problème de déprédation, impact du bruit, pingers,
sonars), des énergies renouvelables (installation en mer
de parc éoliens ou hydroliens), de la prospection et de
l’exploitation pétrolières (levées sysmiques, airguns, mise
en place et utilisation des plateformes) et des activités
militaires (nuisances sonores, sonars, explosions). Dans
tous les cas, il s’agit d’estimer les impacts directs (létal
ou non) et indirects (perturbations ou modifications de
l’habitat ou des ressources alimentaires) sur les indivi-
dus et les populations. Troisièmement, une thématique
plus récente mobilise les chercheurs : les changements
globaux liés au réchauffement climatique de la planète.
Il s’agit de caractériser le plus précisément possible ce
phénomène qui est maintenant clairement établi. L’objectif
est d’affiner les modèles de prédiction pour les 10-20
ans à venir. Rappelons que à une augmentation de 1,5
à 2,5°C (resp. de l’ordre de 3,5°C) correspondrait un
risque d’extinction de 20 à 30% (resp. de 40 à 70%) de
la faune et de la flore de la planète [1]. Les scientifiques
pensent que l’observation des cétacés peut contribuer
à la définition d’indicateurs pertinents plus particulière-
ment en raison de leur position en début ou en fin de la
chaîne alimentaire [2]. L’objectif est d’évaluer 1) les effets
directs : si la température est un facteur important, cela
va se traduire par la modification des distributions et la
vulnérabilité des espèces (notamment celles résiden-
tes) ; et 2) les effets indirects : changements dans l’ha-
bitat, variation de l’abondance et de la distribution des
ressources, altération de l’état de santé (augmentation
des risques de maladie/pathologie) et diminution de la
capacité de reproduction.
Flore Samaran, Christophe Guinet
Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC)
UPR CNRS 1934
Villiers en Bois
79360 Beauvoir sur Niort
Tél.: 0549096111
E-mail : cnps@u-psud.fr
Rocio Prieto Gonzalez, Nadège Gandilhon,
Olivier Adam
Centre de neurosciences Paris Sud (CNPS)
UMR CNRS 8195
Université Paris Sud
91405 Orsay Cedex
E-mail : cnps@u-psud.fr
Nadège Gandilhon, Max Louis
Laboratoire de biologie marine EA926
Université des Antilles et de la Guyane
Campus de Fouillole
Maria-Cruz Valsero,
Dpt. Estadística e Investigación Operativa
Facultad de Ciencias
Universidad de Valladolid
Valladolid, Espagne
Résumé
Mieux connaître les densités de population des cétacés est un des objectifs clés
pour évaluer leur tendance et établir le statut de leur conservation des espèces et
leur habitat. Il s’agit de renseigner le suivi des populations (croissance-stabilisation-
décroissance) à court et moyen terme pour l’ensemble des mammifères marins, qu’ils
soient résidents dans un lieu particulier ou non. Cette cartographie de la répartition
mondiale des cétacés est dynamique (temporel et spatial) et nécessite, pour être
efficace, l’analyse d’un nombre conséquent de données. La collecte de données sur
les mammifères marins peut se faire à l’heure actuelle suivant 3 méthodes :
les observations visuelles, le suivi télémétrique et les observations acoustiques.
Actuellement, les estimations de densité de population sont basées uniquement
sur les observations visuelles. Cet article vise à montrer comment les informations
provenant de l’acoustique passive pourraient contribuer grandement au suivi des
populations.
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