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La communication acoustique dans les relations mère-jeune chez les mammifères grégaires
mais elles sont adaptées au contexte environnemental et
comportemental des ovins et permettent à l’agneau de
reconnaître sa mère au sein d’un troupeau.
Cas des pinnipèdes :
Les cris produits par les mères ont
une structure très similaire à celle des brebis (figure 2) :
ils sont composés d’une fréquence fondamentale et d’une
série d’harmoniques (multiples de la fréquence fondamen-
tale), modulés en fréquence et en amplitude. Une analyse
précise de différents paramètres des cris de mères a démon-
tré qu’un certain nombre d’entre eux étaient individualisés et
donc pouvaient potentiellement être utilisés dans la recon-
naissance individuelle telle que la valeur de la fréquence
fondamentale, la répartition de l’énergie entre harmoniques
(i.e., le spectre d’énergie), la modulation de fréquence.
Afin de déterminer la signature acoustique individuelle utili-
sée par les jeunes pour reconnaître leur mère, nous avons
testé ceux-ci avec des cris de leur mère dans lesquels
un paramètre en particulier a été modifié ou supprimé.
En diffusant ces signaux modifiés ou de synthèse, et, en
comparant la réponse comportementale à ces signaux
expérimentaux à celle obtenue avec le signal naturel non
modifié, nous avons alors déterminé que deux paramètres
sont essentiels à la reconnaissance individuelle.
En effet, les tests de play-back démontrent que : la modu-
lation d’amplitude n’est pas nécessaire puisque les jeunes
répondent aux signaux dans lesquels nous l’avons supprimé.
Par contre, si l’on modifie les modulations de fréquence, la
reconnaissance n’est plus effective. De plus, c’est la modu-
lation de fréquence ascendante en début de cri («l’attaque»)
qui est importante dans la reconnaissance individuelle. Une
modification de la distribution de l’énergie entre harmoni-
ques perturbe fortement la reconnaissance. Par contre,
une modification des fréquences de +50 à +200 Hz n’altère
pas la reconnaissance, indiquant que le jeune n’analyse pas
la fréquence exacte des cris de leur mère pour l’identifier.
La signature acoustique utilisée par le jeune est donc multi-
paramètrique. Cette redondance du code est essentielle en
milieu colonial car elle permet de sécuriser le code de l’iden-
tité individuelle. En effet, dans certains conditions de propa-
gation (distance, bruit, vent, vagues, …), un paramètre de la
signature est moins fiable, alors le second paramètre prend le
relais et limite toute confusion possible. Des tests de propa-
gation montrent que d’une façon générale, les modulations
de fréquence se propagent de façon fiable à plus grande
distance que le spectre d’énergie qui subit très rapidement
de fortes modifications. Enfin, comme pour le mouton, une
ultime et dernière vérification se fait lorsque la mère et son
petit sont en contact via les signaux olfactifs.
Reconnaissance & Motivation du jeune
Cas des ovins :
Il ressort de nos études précédentes
que l’émission des bêlements représente un système de
communication interindividuel privilégié entre la mère et son
jeune. Par contre, nous connaissons peu de choses sur les
modalités et le contexte comportemental dans lequel cette
communication vocale est utilisée. Il est donc important de
comprendre comment s’organisent les communications voca-
les par rapport à un comportement clef dans le répertoire
comportemental de la relation mère-jeune : l’allaitement.
Deux questions se sont ainsi posées : 1) Y a-t-il un lien entre
la tétée et la reconnaissance vocale, et à partir de quand
se met-il en place ? 2) L’état de satiété du jeune influence-
t-il l’expression de la reconnaissance vocale ?
Pour répondre à la première question, nous avons mesuré
l’activité vocale des animaux en bergerie par observations
directes du comportement spontané aux alentours de la
tétée. La comparaison de la distribution des émissions
vocales de la mère et du jeune autour de l’allaitement
montre l’apparition une structuration très marquée qui se
caractérise par une concentration des vocalisations dans
les 2,5 min avant la tétée (figure 3a).
Concernant l’importance de la tétée dans l’état de motiva-
tion de l’agneau à manifester une reconnaissance acousti-
que, la capacité de discrimination acoustique a été éprou-
vée par des tests de play-back. La diffusion des bêlements
était réalisée en fonction du délai de la dernière tétée du
jeune. Des groupes indépendants (n= 15 sujets) ont été
étudiés 5 min ou 30 min après la tétée. Dans ces tests
de play-back, on observe que la diffusion de bêlements
de la mère vers son jeune 30 min après la tétée induit une
réponse significativement plus grande que la diffusion de
bêlements 5 min après la tétée (figure 3b).
Nous en concluons que les vocalisations sont impliquées dans
le nourrissage du jeune (tétée) et la synchronisation entre la
tétée et les vocalisations pourraient permettre de réduire les
dépenses énergétiques et les risques de prédation.
Fig. 3 : Effet de la tétée sur la communication et la reconnaissance vocale chez l’agneau
(a) Quantification des émissions vocale par rapport à l’allaitement. On observe une forte structuration
et synchronisation de l émission des vocalisations et de l’allaitement.
(b) Réponse comportementale des agneaux à la diffusion des vocalisations de leur mère ou d’une étrangère en fonction du délai
de la dernière tétée. La réponse aux vocalisations dépend du délai de la dernière tétée et donc de l’état de motivation de l’agneau