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Introduction
Utilisation des signaux acoustiques chez les
mammifères
Chez de nombreuses espèces animales, la réalisation
de fonctions vitales comme la nutrition, la reproduc-
tion, l’élevage du jeune implique la mise en place d’in-
teractions et de relations sociales entre individus. Tout
système de relation inter- individuelle, que ce soit dans
le contexte d’un groupe social stable ou lors de la repro-
duction, est obligatoirement régi par des systèmes de
communication, permettant aux individus de maintenir
et réguler leurs interactions [1]. Chacun des membres du
groupe est émetteur et récepteur de signaux et ces rôles
sont interchangeables. La communication est donc un
élément vital dans la vie de nombreuses espèces anima-
les. La communication acoustique joue un rôle particu-
lièrement important dans la communication intra-spéci-
fique. Comme chez les oiseaux, les signaux acoustiques
sont impliqués dans la plupart des comportements fonda-
mentaux des mammifères sociaux : choix du partenaire
sexuel, reconnaissance du jeune ou du parent, recher-
che de nourriture, localisation des individus et indica-
tion d’états émotionnels. Chez les mammifères, l’inven-
taire des signaux sonores de communication est souvent
difficile à établir, car les unités vocales constitutives de
la communication sont moins bien définies, plus floues
et plus variables que dans d’autres classes zoologiques
[2]. La signification d’une vocalisation dépend aussi du
contexte social et environnemental dans lequel elle s’ex-
prime. Il est donc intéressant à long terme de participer
à la construction d’une vision précise de la structure et
du fonctionnement des réseaux de communication chez
les mammifères, et en particulier des processus impli-
qués dans leur mise en place et leur évolution.
Communication acoustique dans la relation mère-
jeune
Chez de nombreux mammifères, les vocalisations font
partie intégrante de l’éthogramme de la relation mère-
jeune. Parmi les vocalisations du répertoire social de la
mère et/ou du jeune, il existe des vocalisations spécifi-
ques de cette relation [3]. La mère et le(s) jeune(s) ont
développé un système vocal permettant de maintenir
le contact entre eux et l’établissement d’une reconnais-
sance individuelle bien développée et donc d’un lien plus
ou moins exclusif.
L’existence d’une reconnaissance vocale mère-jeune a été
expérimentalement démontrée chez de nombreuses espè-
ces ayant de fortes relations sociales et vivant en groupes :
loups, primates, pinnipèdes, ongulés, et chiroptères.
La communication acoustique
dans les relations mère-jeune
chez les mammifères grégaires
Illustrations avec une espèce domestique (mouton)
et avec une espèce sauvage (otarie à fourrure)
Frédéric Sèbe, Isabelle Charrier
Equipe Communications Acoustiques
CNPS-CNRS UMR 8195
Université Paris Sud, Bat. 446
91405 Orsay, France
http://www.cb.u-psud.fr
Email: sebefrederic@gmail.com
isabelle.charrier@u-psud.fr
Résumé
Chez les mammifères, la relation mère-jeune se caractérise par le maintien d’un
contact étroit entre les deux partenaires grâce à une reconnaissance interindividuelle
multimodale, essentielle pour la survie du jeune. L’objet du présent travail a été
d’analyser la mise en place de la communication et de la reconnaissance acoustique
de la mère par le jeune chez une espèce domestique, le mouton et une espèce
sauvage, l’otarie à fourrure subantarctique. Nos tests expérimentaux réalisés après
la naissance nous ont permis de montrer que la reconnaissance vocale de la mère
par le jeune est évidente dès l’âge de 2 jours quelle que soit l’espèce. Ces résultats
montrent que la communication vocale est un élément très important pour le maintien
d’une reconnaissance de la mère à distance, lorsque la reconnaissance olfactive ne
peut opérer. Nos travaux montrent également que les mécanismes de codage de la
signature individuelle reposent sur un codage multiparamétrique ce qui permet ainsi
d’augmenter l’efficacité de la discrimination acoustique entre les individus. Cette
étude nous a également permis de déterminer les périodes durant lesquelles les
jeunes sont dans des états physiologiques et motivationnels optimaux pour réagir aux
vocalisations de leur mère. En conclusion, ces études sur la reconnaissance vocale
individuelle chez deux mammifères phylogénétiquement très éloignés (un herbivore
et un carnivore) montrent que les deux espèces ont un système de reconnaissance
vocale individuelle très similaire, particulièrement efficace répondant parfaitement
aux différentes contraintes écologiques et environnementales.