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Système de communication des perroquets gris du Gabon
Le perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus) est à ce
titre un modèle pertinent. Ces oiseaux vivent en société
complexe de fission/fusion : ils se retrouvent en grou-
pes de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’individus
pour aller par exemple fourrager au sol, boire ou encore
pour rejoindre leur dortoir, moments de la journée où ils
sont le plus vulnérables aux prédateurs et se dispersent
en groupes plus restreints (une dizaine d’individus) pour
fourrager dans les arbres, permettant ainsi de réduire la
compétition entre individus. Ils ont une espérance de vie
d’une quarantaine à une soixantaine d’années et attei-
gnent leur maturité sexuelle entre 4 et 5 ans. La maîtrise
de leur reproduction en captivité date du début du XIX
e
siècle, bien que les premiers individus à avoir été amenés
en Europe l’auraient été vers 1500. Contrairement aux
oiseaux chanteurs, les perroquets ne produisent pas de
chant mais uniquement des vocalisations. Ils ont la capa-
cité d’apprendre des sons tout au long de leur vie et
montrent une grande plasticité et sont capables d’imita-
tion vocale. Ils présentent aussi des phases de babillage
au cours desquelles sont produites de nombreuses voca-
lisations et des périodes critiques. Ainsi des perroquets
gris capturés à l’âge adulte présentent de grandes diffi-
cultés pour apprendre à imiter le langage humain.
Dans cette étude, nous nous sommes intéressés au
comportement vocal de perroquets gris du Gabon. Nous
disposions pour cela de trois oiseaux nés en captivité et
élevés par un humain. Nous avons premièrement décrit la
mise en place du répertoire vocal de nos oiseaux, ensuite
nous avons développé une méthode d’analyse de leurs
vocalisations et enfin nous avons cherché à établir si nos
oiseaux produisaient certaines vocalisations plus fréquem-
ment dans des situations particulières.
Mise en place du répertoire vocal
Nous avons enregistré
1
les vocalisations de nos oiseaux
dès leur arrivée au laboratoire et lorsqu’ils se mettaient
spontanément à vocaliser. Chaque cri a été classé dans
des types de cris spécifiques définis en fonction de carac-
téristiques acoustiques identifiées sur les spectrogram-
mes (fréquences fondamentale, minimales et maximales,
bande de fréquence, durée…).
1. Ces enregistrements ont été analysés à l’aide des spectrogrammes (Taux
d’échantillonnage : 22kHz à 16bits, dimension de la transformation rapide
de Fourier : 512, fonction de mesure: hamming) avec Avisoft SASLabPro,
version 4.40.
Nous avons classé 52 076 vocalisations dans 168 types
de cris différents (incluant 30 types de cri imitant des
mots français). Quantitativement, les répertoires des
deux oiseaux arrivés les premiers au laboratoire, Léo et
Zoé, se sont lentement diversifiés. Le répertoire du troi-
sième individu, Shango, s’est plus rapidement diversifié
que celui de Léo et Zoé au même âge. Sur un trimestre,
nous avons constaté que Léo produisait 77 types de cris
différents, Shango 98 et Zoé 107. Chaque oiseau a par
ailleurs commencé à imiter des mots humains durant sa
première année (à 5 mois pour Léo, 8 pour Shango et 4 pour
Zoé). Nos oiseaux ont aussi appris à imiter de nombreux
sons de leur environnement : des vocalisations de canaris
(aussi présents dans le laboratoire), le grincement d’une
porte ou le bip d’un chronomètre (figure 1).
Vocalisations dépendantes du contexte
de production
Suite à l’analyse complète du répertoire vocal de nos oiseaux,
nous avons cherché à savoir si leur système de communi-
cation répondait à la première condition des signaux fonc-
tionnellement référentiels, à savoir la spécificité du stimulus.
Nous avons placé nos oiseaux dans des situations particu-
lières (ex. : face à de la nourriture, un jouet, de faux préda-
teurs, à un congénère, un expérimentateur ou encore lors-
que nous leur prodiguions des soins ou que nous sortions
de leur volière) et enregistré leurs vocalisations produites.
Les vocalisations les plus fréquemment produites dans une
situation ont été considérées comme liées au contexte
considéré (figure 2, page suivante).
Fig. 1: Spectrogrammes et oscillogrammes d’un son et de son
imitation. Cri de canari (a) et son imitation par Zoé (b) ;
grincement de porte (c) et son imitation par Shango (d) ;
« bonjour » prononcé par DB (e) et son imitation par Zoé (f).
Fig. 1: Spectrogram and oscillogram of a sound and its imitation
Canary call (a) and its imitation by Zoé (b); door
squeeking (c) and its imitation by Shango (d);
“bonjour” said by DB (e) and its imitation by Zoé (f).