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a majorité des études qui se sont intéressées aux
origines du langage se sont focalisées sur les primates
non humains et principalement sur les singes anthropoï-
des. Pourtant, à la lumière des découvertes effectuées
non seulement chez des primates non anthropoïdes, mais
aussi chez d’autres mammifères, certains aspects du
langage peuvent être identifiés chez de nombreuses espè-
ces animales, et en particulier chez les oiseaux.
Chez ces derniers, un modèle de prédilection retenu
depuis longtemps est celui des oiseaux chanteurs. Les
oiseaux chanteurs (oscines) sont des passereaux capa-
bles d’apprentissage vocal. Les apodiformes (colibris) et
les psittaciformes (perroquets et perruches) sont aussi
capables d’apprentissage vocal. L’apprentissage du chant
des oiseaux chanteurs a fait l’objet de nombreux parallè-
les avec l’acquisition du langage chez l’homme : période
critique en début de vie, prédispositions innées pour les
signaux spécifiques de l’espèce, phase de mémorisation
suivie d’une phase sensorimotrice au cours de laquelle un
individu compare ses propres vocalisations avec celles
qu’il entend.
Un pré-requis essentiel au langage humain est la commu-
nication référentielle, c’est-à-dire la capacité à véhiculer
du sens via des sons ou, plus simplement, d’utiliser des
mots à bon escient. De plus en plus d’études suggèrent
que la communication référentielle n’est pas limitée à l’es-
pèce humaine. Ainsi, certaines vocalisations ne véhicu-
lent pas seulement des informations sur des caractéris-
tiques d’un individu (son espèce, son sexe ou encore sa
taille) ou sur son état interne, mais elles peuvent aussi
informer un congénère sur des éléments ou évènements
extérieurs. Ces signaux sont généralement qualifiés de
«fonctionnellement référentiels», par analogie avec la
communication référentielle humaine, lorsqu’ils répon-
dent à deux ensembles de critères. Ils doivent être spéci-
fiques du stimulus, c’est-à-dire qu’un stimulus particulier
doit induire une vocalisation spécifique et également
indépendants du contexte ; en l’absence du stimulus
physique qui induit un signal donné, ce signal est en lui-
même suffisant pour induire les réponses appropriées de
la part du récepteur. De tels signaux fonctionnellement
référentiels ont été identifiés chez différentes espèces
de mammifères et d’oiseaux.
Les psittacidés n’ont longtemps été réduits qu’à leur
capacité d’imitation de la parole humaine. Il s’avère pour-
tant que ces oiseaux montrent des capacités cognitives
complexes, notamment en termes de communication
vocale. Etudier la communication chez les perroquets n’est
pourtant pas aisé, notamment dans leur milieu naturel.
La majorité des espèces de perroquets vivent en milieu
tropical et le plus souvent sur la canopée, rendant ainsi
difficile leur observation, d’où un intérêt non négligeable
de mener des études en laboratoire. Pour cela, il s’avère
essentiel d’étudier une espèce qui supporte la captivité
et qui peut se laisser facilement manipuler par l’homme.
Système de communication des perroquets gris
du Gabon (Psittacus erithacus)
Nicolas Giret, Aurélie Albert, Dalila Bovet
Laboratoire d’Ethologie et Cognition Comparées
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
200, avenue de la République
92001 Nanterre CEDEX
E-mail : ngiret@u-paris10.fr
Résumé
Les perroquets n’ont longtemps été réduits qu’à leur capacité d’imitateurs de la parole
humaine. Depuis quelques années, des travaux mettent en avant des capacités
cognitives complexes chez certaines espèces de perroquet, en particulier chez les
perroquets gris du Gabon. A ce jour, très peu d’études se sont attachées à décrire les
capacités vocales de ces animaux. Nous avons ainsi conduit différentes expériences
afin d’évaluer la spécificité de leur système de communication. Après avoir décrit
leur répertoire vocal, nous avons cherché à évaluer dans quelle mesure certaines
vocalisations sont préférentiellement émises dans certaines situations. Finalement,
nous présentons une méthode d’analyse bioacoustique visant à extraire de façon
automatisée des paramètres acoustiques spécifiques répondant à un problème de
classification.
Abstract
Parrots are well known for their imitative abilities of human speech. Since a few
years, some research studies have highlighted complex cognitive skills of some parrot
species, especially of African grey parrots. However, to date, complete studies on the
vocal abilities of these birds are missing. We thus carried out different experiments to
evaluate the specificity of their communication system. After a description of their vocal
repertoire, we investigated whether some vocalizations are mainly produced in some
situations. We also described a bioacoustic analysis method aiming to automatically
extract acoustic features specific to a classification issue.
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