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La psychoacoustique dévoile le potentiel musical du timbre
Effets du changement de hauteur
sur les relations de timbre
Marozeau, de Cheveigné, McAdams & Winsberg [22] ont
montré que les espaces de timbres pour les sons d’instru-
ment de musique enregistrés sont semblables aux diffé-
rentes hauteurs (si2, do#3, si-bemol3). Les auditeurs sont
également capables d’ignorer les différences de hauteur
au sein d’une octave lorsqu’on leur demande de compa-
rer uniquement les timbres des sons. Si les différences
de hauteur sont plus grandes d’une octave, les interac-
tions entre les deux attributs se manifestent. Marozeau &
de Cheveigné [23] ont fait varier la brillance d’un ensem-
ble de sons de synthèse, tout en faisant varier la hauteur
sur une gamme de 18 demi-tons. Ils ont trouvé que les
différences de hauteur ont affecté les relations de timbre
de deux façons :
- la hauteur se trouve dans l’espace de timbres comme une
dimension orthogonale aux dimensions du timbre et
- les différences entre hauteurs affectent systématique-
ment la dimension du timbre lié au centroïde spectral.
Ces résultats suggèrent une relation étroite entre la
brillance du timbre et l’aspect grave-aigu de la hauteur.
Ce lien serait cohérent avec les représentations neura-
les sous-jacentes qui partagent des attributs communs,
telle qu’une organisation tonotopique.
Le timbre comme véhicule pour l’identité d’une
source sonore
La seconde approche du timbre concerne son rôle dans
la reconnaissance de l’identité d’un instrument de musi-
que ou plus généralement d’un événement qui produit du
son. Une hypothèse raisonnable est que les dimensions
sensorielles qui composent le timbre servent d’indicateurs
dans la catégorisation, la reconnaissance et l’identification
des événements et sources sonores [2, 24].
Les recherches sur l’identification des instruments de
musique sont pertinentes ici. Saldanha & Corso [25] ont
étudié l’identification des sons d’instruments de musique
isolés, en employant des instruments tirés de l’orchestre
occidental joués avec et sans vibrato. Ils s’intéressaient
à l’importance relative des transitoires d’attaque et d’ex-
tinction, de l’enveloppe spectrale de la partie entretenue
du son et du vibrato. De façon étonnante, l’identification
des sons isolés est très faible pour certains instruments.
Lorsque les attaques et les extinctions ont été coupées,
l’identification a baissé de façon marquée pour certains
instruments, surtout pour les attaques coupées sur des
sons joués sans vibrato. Cependant, lorsque le vibrato est
présent, l’effet de couper l’attaque était moindre et l’iden-
tification était meilleure. Ces résultats suggèrent que les
informations importantes pour l’identification sont présen-
tes dans l’attaque, mais qu’en l’absence de ces informa-
tions, d’autres demeurent disponibles dans la partie entre-
tenue (bien qu’elles soient plus importantes pour certains
instruments que d’autres), surtout quand le vibrato est
présent. Le vibrato pourrait augmenter notre capacité à
extraire des informations relatives à la structure de réso-
nance de l’instrument [26].
Giordano & McAdams [27] ont analysé des données de la
littérature sur l’identification et les jugements de dissem-
blance des sons musicaux. L’objectif de cette étude était de
déterminer si les sons produits avec de grandes différen-
ces dans les mécanismes de production sonore créeraient
des différences dans les données perceptives. Sur l’ensem-
ble des études d’identification, les auditeurs ont confondu
fréquemment les sons produits par les instruments avec
des structures physiques semblables (par exemple, clari-
nettes et saxophones, tous deux des instruments à anche
simple). Ils ont rarement confondu des sons produits par
des systèmes physiques très différents (par exemple, la
trompette, un instrument à anche lippale, et le basson, un
instrument à anche double). La vaste majorité des espa-
ces de timbres publiés auparavant révèlent que les sons
produits avec des structures de résonance semblables
(instruments à cordes comparés aux instruments à vent)
ou avec des mécanismes d’excitation semblables (excita-
tion impulsive, comme le piano, comparée à une excitation
entretenue, comme la flûte), occupaient la même région
de l’espace. Ces résultats suggèrent que les auditeurs
puissent identifier de façon fiable des grandes différences
au niveau des mécanismes de production sonore, en se
focalisant sur les attributs du timbre utilisés pour évaluer
la dissemblance entre les sons musicaux.
Plusieurs recherches sur la perception des sons de tous
les jours étendent le concept de timbre au-delà du contexte
musical (voir [2,24,28] pour des revues de questions).
Parmi celles-ci, les études sur les sons d’impact fournis-
sent des informations sur les attributs du timbre utiles
pour la perception des propriétés des instruments à
percussion : la géométrie des barres [29], le matériau des
barres [30], le matériau des plaques [31], et la dureté des
maillets [32]. Les facteurs de timbre pertinents pour les
évaluations perceptives varient avec la tâche à accom-
plir. Les facteurs spectraux priment pour la perception
de la géométrie [29]. Les facteurs spectrotemporels (par
exemple, le taux de changement du centroïde spectral et
du niveau sonore) domine la perception des matériaux
[30,31] et des maillets [32].
La perception de l’identité d’un instrument, en dépit des
variations de hauteur, est peut-être liée à l’invariance du
timbre, les aspects du timbre qui restent constants avec
un changement de hauteur et de sonie. Handel & Erickson
[33] ont trouvé que les auditeurs sans formation musicale
pouvaient reconnaître deux sons produits à des hauteurs
différentes comme provenant du même instrument ou
de la même voix seulement dans une gamme de hauteur
de l’ordre de l’octave. Steele & Williams [34] ont montré
que les auditeurs avec une formation musicale pouvaient
exécuter cette tâche avec un taux de réussite de 80 %
même avec une différence de hauteur de l’ordre de 2,5
octaves. Ces résultats suggèrent qu’il y ait des limites à
l’invariance du timbre à travers les hauteurs, mais que ces
limites dépendent de la formation musicale.
Son rôle dans l’identification et la catégorisation des
sources est peut-être l’aspect le plus négligé du timbre
et apporte avec lui des avantages et désavantages pour
l’emploi du timbre comme dimension porteuse de forme
en musique [4]. Un des avantages est que la catégori-
sation et l’identification d’une source sonore pourraient
mettre en jeu des connaissances perceptives (acquises
par l’auditeur implicitement par son expérience dans
le monde quotidien et dans des situations musicales).