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l’oreille comme certains solvants de la famille du toluène).
La question de ce qui confère à certains sujets une plus
grande fragilité au bruit reste ouverte sur le plan physiolo-
gique, on le verra plus loin, et celle d’identifier les person-
nes à risque vis-à-vis du bruit n’est pas résolue. Cependant
l’application de tests objectifs plus précis et médico-léga-
lement plus fiables que l’audiométrie de masse pourrait
connaître un développement futur, au moins dans le but
de prévenir les aggravations de surdité chez des sujets
déjà atteints. On peut aussi penser à des extensions aux
personnes non exposées professionnellement, sous forme
d’une sorte de dépistage de la presbyacousie ou vieillis-
sement auditif. Le bénéfice pourrait être préventif, lors-
qu’on saura identifier plus précisément les facteurs qui
prédisposent au vieillissement accéléré, mais aussi celui
de pouvoir proposer un appareillage plus précocement,
puisqu’on sait qu’il est alors plus vite performant : à présent
de nombreux sujets presbyacousiques ne se font appa-
reiller que lorsque leur gêne a déjà largement dépassé le
seuil où ils auraient dû être pris en charge, et donc où leur
surdité est déjà un handicap social et professionnel nota-
ble, ce qu’elle n’aurait pas dû devenir.
La prise en charge des surdités, les appareillages
et leurs développements
Une surdité neurosensorielle, actuellement, ne peut être
guérie, mais elle peut, et doit, être appareillée, si possi-
ble bilatéralement, ce qui conduit à examiner l’état des
lieux dans le domaine de l’audioprothèse. Ce domaine est
pluridisciplinaire par excellence, puisqu’il nécessite que
des acousticiens, physiologistes, médecins, psychophysi-
ciens, audioprothésistes et industriels travaillent ensemble,
parfois également avec des orthophonistes et des ensei-
gnants. Il a longtemps été limité dans sa capacité à appor-
ter des solutions concrètes, mais de nombreuses réponses
techniques existent désormais aux difficultés d’autrefois.
L’enjeu industriel est conséquent avec un marché poten-
tiel de près de 5 millions de Français, sourds au point de
pouvoir bénéficier d’un appareillage. Cependant, par igno-
rance, mauvaise information ou méfiance, seulement un
million est effectivement appareillé. La transposition de
ces chiffres à l’échelle mondiale montre l’intérêt potentiel
de ce domaine frontière, d’autant plus qu’un appareillage
amplificateur se doit d’être bilatéral pour être efficace,
et doit être renouvelé approximativement tous les 5 ans,
les appareils ayant une durée de vie limitée.
Le challenge que l’avènement des appareils numériques
permet de relever est celui d’utiliser les connaissances
en acoustique physiologique et perception pour concevoir
des appareils auditifs « intelligents », ou en tout cas de
plus en plus capables de reproduire une partie des prétrai-
tements que la cochlée sourde est devenue incapable de
faire. On peut citer deux cas extrêmes, celui des surdités
débutantes où on peut désormais adapter des appareils
amplificateurs dits « open fit » qui respectent le confort et
le souci de discrétion du patient en laissant ses conduits
auditifs ouverts, sans inconvénient acoustique grâce à un
dispositif anti-Larsen actif, et le cas des surdités quasi
totales, repris un peu plus loin, où un implant cochléaire
se substitue efficacement à la cochlée inopérante pour
aller stimuler directement le nerf auditif.
Une approche appliquée, avec des débouchés industriels
importants mais dans une niche pointue, consiste donc à
développer des méthodes permettant aux appareils audi-
tifs d’être de plus en plus efficaces dans des situations
acoustiques quotidiennes et plus seulement à domicile
dans le calme. La conquête du marché de l’audioprothèse
par le numérique ouvre à de nombreuses innovations. La
souplesse des réglages et le nombre de canaux sur lesquels
les réglages peuvent être modulés sont des avantages
évidents, qui permettent de surmonter les distorsions
propres à chaque oreille malade. L’apport des anti-Larsen
actifs a déjà été mentionné. La technologie des réseaux
de microphones « beamformers » a également permis de
développer des appareils qui par leur directionnalité, dimi-
nuent l’impact du bruit environnant sur l’intelligibilité. Les
recherches actuelles sont le plus souvent couvertes par
la confidentialité imposée par la compétition industrielle,
mais on sait qu’elles vont particulièrement dans le sens de
tentatives de débruitage du signal, le bruit restant l’ennemi
n°1 du sujet sourd dont la cochlée a perdu ses capacités
de sélectivité. Certains bruits possèdent des caractéris-
tiques relativement faciles à identifier par le calcul, sur le
plan spectral ou temporel, et des algorithmes appropriés,
capables de tenir dans un processeur miniature, peuvent
tenter d’adapter en temps réel les réglages de l’appareil
dans ses différents canaux fréquentiels pour éliminer ces
bruits. La montée en puissance de calcul des appareils ouvre
des perspectives à moyen terme, même si les premiers
essais sont encore un peu rudimentaires.
Implants (cochléaires, d’oreille moyenne, BAHA)
Parfois les appareils auditifs traditionnels ne sont pas une
bonne indication, soit que les patients les supportent mal
soit que la surdité pose des difficultés en raison de son
degré ou de son profil fréquentiel inhabituel. L’imagination
des fabricants a permis de proposer des appareils qui
permettent pratiquement de faire face à tous types de
surdité même difficiles, même si leur mise en place et leurs
réglages ne sont alors plus un geste de routine. Pour les
surdités très profondes ou accompagnées de telles distor-
sions dans les sensations que le patient ne peut exploiter
aucun appareil conventionnel, les implants cochléaires
sont désormais une solution bien maîtrisée qui permet une
stimulation directe des fibres du nerf auditif, par l’intermé-
diaire d’un porte-électrodes pourvu d’une vingtaine d’élec-
trodes. Bien que le codage ainsi restitué soit rustique, il
peut être « nettoyé » des distorsions et les patients attei-
gnent, tout au moins dans le silence, des performances
remarquables en termes de compréhension, en quelques
mois d’entraînement tout au plus. Dans le cas de surdités
affectant beaucoup plus certaines fréquences que d’autres,
des appareils très puissants peuvent être implantés, cette
fois au niveau de l’oreille moyenne, pour produire un gain
important en hautes fréquences sans risque d’effet Larsen
ni de distorsion. Enfin, en cas de surdité totale unilatérale,
qui rend souvent toute localisation des sources sonores
impossible, l’application de vibrateurs sur la paroi crânienne
(Bone-anchored hearing aids ou BAHA) a pu restituer aux
patients un certain degré de localisation d’origine physiolo-
gique encore mal comprise mais qui apporte aux patients
un confort reconnu. L’usage de ces trois types d’implants,
dans des contextes bien précis, est devenu depuis quel-
ques années une routine.
Progrès dans le domaine de l’acoustique physiologique, applications aux surdités