Spécial “ Acoustics’08 ”
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Acoustique
&
Techniques n° 53
Pour ce qui concerne la répartition par familles
instrumentales, un équilibre tout relatif est constaté
:
1
810 entreprises en instruments à cordes (730 cordes
frappées, 660 cordes pincées, 420 cordes frottées), 650
en instruments à vent (dont une centaine pour l’accordéon
et près de 150 pour l’orgue) et quelque 700 pour les autres
familles (percussions, instruments électroniques, etc.).
Plusieurs familles instrumentales étant traitées au sein d’une
même entreprise, ces données sont à considérer comme
indicateurs de la diversité de l’offre et non à prendre en
valeur absolue. À ce titre, près d’un quart (23%) des TPE
artisanales proposent des services sur plus d’une famille
instrumentale alors que les deux tiers (64%) d’entre elles
sont spécialisées sur une seule.
Enjeux technologiques et environnementaux
Au-delà des orientations économiques et d’un point de
vue technique, la caractéristique essentielle de la facture
instrumentale est marquée par la pluridisciplinarité - non
exhaustive - des compétences, bien souvent portées par la
même personne physique au sein de l’entreprise
:
- utilisation de multiples matériaux (bois, métaux, peaux,
textiles, composites)
;
- maîtrise des savoir-faire associés (conception,
assemblages, finitions)
;
- connaissances technoscientifiques variées (mécanique,
acoustique, électronique, productique)
;
- acquis culturels divers (musique, organologie, pratiques
instrumentales)
;
- et, bien entendu, gestion d’entreprise (approvisionnements,
stocks, commerce, communication).
Sans compter l’apparition des instruments électroniques et
de l’informatique musicale, il va sans dire que le contexte
économique international impose désormais à la facture
instrumentale traditionnelle une intégration toujours plus
forte de l’innovation technologique, dont les entreprises
artisanales sont loin d’être exemptes. Bien au contraire,
conserver leur avance en termes d’exigence de qualité,
autant des produits que des services qu’elles proposent
- autrement dit, à la fois du «haut de gamme» et du «sur
mesure» -, implique le développement intense de solutions
techniques appropriées aux TPE artisanales et leur mise
en œuvre rapide au sein des entreprises
; à l’instar des
évolutions constatées depuis vingt ans dans les unités
de production de masse, tous secteurs confondus. Les
bénéfices en sont également identiques
:
- réduction des coûts et des délais de conception et de
réalisation (prototypage virtuel, sélection des matériaux,
reproductibilité, suivi et contrôle de production…)
;
- capitalisation des connaissances et des pratiques
(traçabilité des produits, optimisation et évolution des
modèles…)
;
- et, atout fondamental des petites entreprises, adaptation
aux besoins de la clientèle (réponse aux demandes
spécifiques, réactivité, qualité de service…).
Par ailleurs, comme dans nombre d’autres domaines
d’activité, la facture instrumentale est également confrontée
aux évolutions des normes et des nouvelles réglementations
concernant la santé et la sécurité au travail ou bien
encore, relatives à des thématiques d’approvisionnement
et de développement durable. À titre d’illustration, une
des problématiques majeures est actuellement liée aux
matériaux naturels utilisés habituellement dans la fabrication
des instruments de musique. Dépassant le seul cadre de la
restauration d’instruments de collection (par exemple l’ivoire
des touches de pianos anciens), les accords internationaux
de protection de la faune et de la flore sur certaines
espèces menacées (convention de Washington connue
sous l’acronyme CITES) affectent désormais la production
d’instruments nouveaux (bois de pernambouc des archets
modernes ou palissandres des guitares et des percussions).
Pour maintenir une production compétitive d’instruments
de musique de haute qualité, cela suppose à moyens
termes, non seulement la recherche de matériaux alternatifs
performants
3
(essences de bois et/ou composites), mais
encore la détermination des dimensionnements idoines à
leur usage en facture instrumentale
4
.
Hormis ces problématiques particulières d’approvisionnement
en matières premières éprouvées, il est à remarquer qu’une
constante historique de l’évolution des instruments de
musique est justement associée à l’adoption de matériaux
nouveaux à des fins soit, d’améliorations mécaniques ou
acoustiques de leur comportement (par exemple, passage
d’un cadre en bois à un cadre en fonte pour le piano au
début du XIXe siècle) soit, de création pure de prototypes
originaux (cas des steel-pans de Trinidad au XXe siècle,
«tambours» métalliques accordés par martèlement et
recuites de fûts d’essence abandonnés sur les plages par
les troupes américaines après la seconde guerre mondiale).
Ce simple constat n’est qu’une illustration des sources
possibles d’innovation contribuant au développement de
la facture instrumentale.
Ainsi, allier le maintien des savoir-faire traditionnels à
l’utilisation de méthodes et de moyens innovants est
actuellement au cœur des défis à relever rapidement par
la facture instrumentale, non seulement à l’échelle nationale,
mais plus largement au niveau européen.
Recherche scientifique et diffusion
technologique
Quelles que soient leur nature, leur justification culturelle,
leur positionnement sur le marché, leur mode de fabrication
ou leurs matériaux constitutifs, les instruments de musique
ont pour vocation finale la production de sons musicaux
; par
conséquent, leur étude relève des champs de recherches
de l’acoustique.
Depuis le milieu du XIX
e
siècle, les avancées remarquables
des connaissances scientifiques puis les progrès
technologiques considérables qui s’en sont suivis, ont
Musique et instruments
3- Fort heureusement, la relative pénurie de bois de lutherie ne se situe pas
au même niveau pour toutes les essences. Cependant, elle est accentuée
par le fait que certains pays comme la Chine achètent à eux seuls la
majeure partie de la production mondiale (comme par exemple l’ébène).
Au-delà d’un manque de disponibilité, cela accroît considérablement les
prix de revient, se cumulant aux différences de coût de main d’œuvre…
4- Des initiatives récentes visant à protéger des espaces de production de
certaines espèces et les réserver pour des utilisations exclusives en facture
instrumentale ont vu le jour (cf. IPCI, International Pernambuco Conservation
Initiative – http://www.ipci-comurnat.org). Bien qu’indispensables, ces solutions
ne portent réellement leurs fruits qu’à long terme et ne peuvent résoudre le déficit
imminent d’approvisionnement en matières premières de qualité.