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Spécial “ Acoustics’08 ”
Acoustique
&
Techniques n° 53
industriel de développement des instruments, entre autres
électroacoustiques et électroniques, initié aux États-Unis par
les exemples mythiques de Gibson et Fender pour la guitare
électrique. Cela concerne désormais toutes les familles
instrumentales et leurs accessoires d’effets, d’amplification
et de sonorisation associés, où dominent deux grandes
marques sur le marché de la facture électronique
: Yamaha
et Roland.
Ces mutations sont indubitablement issues des recherches
en acoustique et de leurs retombées technologiques
: prise
de son, moyens de restitution, techniques d’analyse et de
représentation, traitement du signal musical et perception,
modélisation physique des instruments, etc. Les techniques
de synthèse sonore sont exemplaires de ce point de vue.
Elles ont autorisé au début des années 1980 le succès
commercial sans précédent ni équivalent du synthétiseur
FM Yamaha DX7 et sont à la base du fonctionnement des
équipements actuels chez Roland avec la technologie
COSM (Composite Object Sound Modeling)
: pianos
numériques, batteries électroniques, boîtiers d’effets,
amplificateurs «vintage», etc. Depuis plus d’une décennie,
ces techniques de synthèse sonore -
qualifiées de «FM»,
«soustractive», «additive», «analogique», «granulaire» ou
encore de «modèles physiques»
- sont largement intégrées
aux séquenceurs logiciels et expandeurs matériels de MAO
— Musique Assistée par Ordinateur — disponibles sur le
marché grand public.
Associés à l’expansion fulgurante des musiques amplifiées,
la démocratisation de la pratique musicale et le métissage
culturel à l’échelle mondiale ont également provoqué cette
modification des lieux de fabrication des instruments
acoustiques traditionnels sur les marchés du «bas» et du
«milieu de gamme»
: instruments d’initiation et d’étude. Seule
la facture à forte valeur ajoutée est conservée en Europe
avec quelques «spécialités» comme l’industrie du piano en
Allemagne ou celle des instruments à vent en France.
Bien que les contours précis de la filière instrumentale
française soient assez difficiles à établir, le panorama
actuel de son activité économique conduit à évaluer
1
le
nombre d’entreprises entre 2
800 et 3
000 (fabrication,
restauration, réparation, maintenance, accord, entretien et
commercialisation des instruments de musique), offrant un
vivier de 10 000 à 12 000 emplois. Très peu de données
fiables sont disponibles au sujet du chiffre d’affaires
(enquêtes en cours au sein de la Chambre syndicale de
la facture instrumentale). Toutefois, il est estimé autour
de 800 millions d’euros. Ces chiffres s’avèrent riches
d’enseignement à bien des égards. En effet, pour cerner la
filière instrumentale dans sa globalité, il faut tenir compte de
l’ensemble des acteurs qui touchent au domaine technique
:
industriels, artisans, distributeurs, magasins de musique
généralistes ou spécialisés.
Malgré une concurrence internationale drastique —
notamment d’origine asiatique —, la facture instrumentale
française occupe aujourd’hui le quatrième rang mondial
de la production d’instruments de musique. Uniquement
positionnée sur le «haut de gamme», cette production
émane désormais de manière quasi exclusive de TPE
artisanales — Très Petites Entreprises de moins de vingt
salariés —, représentées au deux tiers par des entreprises
unipersonnelles. Le statut le plus répandu est ainsi celui
d’artisan ou d’artisan-commerçant. En réalisant un
résultat à l’export de 60% en moyenne de sa production
d’instruments de musique, la facture instrumentale
représente un des secteurs identifiés les plus importants
des «métiers d’art».
En termes de fabrication, bien que conservant une renommée
internationale d’excellence, le paysage national de la facture
instrumentale a considérablement évolué au cours des
dernières décennies. À titre d’illustration, on dénombrait
plusieurs dizaines de manufactures de pianos en 1920 -
regroupant pour certaines plusieurs centaines d’ouvriers -,
aujourd’hui, moins d’un siècle plus tard, il ne reste plus qu’un
seul atelier d’une vingtaine de salariés... Seule la famille
des instruments à vent conserve un mode industriel de
production représenté par les établissements H.
Selmer-
Paris et Buffet-Crampon, avec un effectif respectif d’à peu
près 600 et 250 personnes. La production d’instruments
de petites et moyennes séries est, quant à elle, assurée
par une vingtaine de manufactures réunissant quelques
dizaines d’employés (20 à 50 salariés)
: harpes Camac,
orgues Kern et Muhleisen, cuivres Courtois, hautbois Lorée
et Rigoutat, percussions Bergerault, accordéons Maugein,
pianos Pleyel…
La réalité du secteur ne réside plus seulement dans la
fabrication artisanale ou semi-industrielle, mais bien dans
l’existence de structures d’activité «mixte», technique et
commerciale, proposant des services de réparation et
d’entretien des instruments conjointement à du conseil
clientèle et de la vente directe, voire parfois en ligne. Les
parcs instrumentaux en location - nécessitant par conséquent
un entretien technique régulier - y sont notamment de plus
en plus importants (marchés des instruments d’étude, en
particulier des jeunes en formation musicale).
Le profil type d’un atelier artisanal, dans des proportions
variables, suivant l’implantation géographique et la spécialité
instrumentale, s’oriente ainsi sur une offre de services allant
de la fabrication et la réparation d’instruments «haut de
gamme» (concertistes solistes, musiciens professionnels
et amateurs de niveau élevé) à la commercialisation et
l’entretien, voire de plus en plus à la finition et au réglage
d’instruments «blancs» importés, sur le créneau de
l’instrument d’étude. Le nombre d’entreprises disposant
d’un atelier de maintenance et de réparation, parfois de
très haut niveau de technicité et de savoir-faire, est estimé
entre 1
600 et 1
800. Les entreprises ayant une activité
reconnue de fabrication en tant que telle sont estimées à
près de 700.
Avec une moyenne régionale d’à peu près une centaine de
structures, la distribution géographique des entreprises est
relativement éclatée sur l’ensemble du territoire national.
Assez logiquement, il est néanmoins à noter une plus
forte densité des entreprises sur les grands bassins de
population
: Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA, Midi-Pyrénées
et Pays-de-la-Loire.
Musique et instruments
1- Les chiffres présentés ici sont tirés des résultats actualisés d’une
enquête réalisée par l’Itemm, Institut technologique européen des
métiers de la musique (cf. « Vers une définition des contours de la
filière instrumentale en France », Monsimier J., revue musique &
technique, Éditions Itemm, Le Mans, 2004 – ISSN : 1771-3641).
2- CITES, Convention on International Trade in Endangered Species of Wild
Fauna and Flora (http://www.cites.org).