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Spécial “ Acoustics’08 ”
Acoustique
&
Techniques n° 53
permis une bien meilleure compréhension des phénomènes
relatifs d’une part, à la perception des sons musicaux et,
d’autre part, au fonctionnement physique des instruments
de musique et à leur comportement acoustique en situation
de jeu - ingénierie du son et diffusion en salle de concert.
Bien que quantitativement modestes vis-à-vis d’autres
domaines d’application, les études scientifiques strictement
dédiées aux instruments de musique se sont intensifiées
depuis le milieu du XXe siècle pour conduire à la structuration
progressive d’une spécialité à part entière, l’acoustique
musicale. Il est à noter au passage que depuis plus de
quarante ans la communauté française des «acousticiens
de la musique» est une des plus dynamiques au niveau
international.
Au partenariat naturel et «ancestral» du musicien et de son
facteur d’instruments, l’histoire nous fait écho de nombre de
collaborations étroites entre facteurs et scientifiques, comme
en France, celle de Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875)
avec Félix Savart (1791-1841). Ce mode de fonctionnement
«bipolaire» est encore de nos jours très largement répandu,
mais ne s’avère plus suffisant pour vraiment être efficace
au regard des évolutions technologiques autant que du
contexte économique des entreprises.
Il faut ici distinguer deux typologies d’entreprises bien
distinctes surtout concernant la lutherie électronique
: les
grandes structures industrielles souvent multinationales
et les PME–TPE. Les premières possèdent leurs propres
équipes de R&D et sont à même de valoriser les résultats
de la recherche publique - notamment en acoustique et en
informatique musicales -, voire de collaborer directement
avec certains laboratoires spécialisés. Les secondes n’en
ont tout simplement pas l’assise financière suffisante et
éprouvent des difficultés à anticiper sur les évolutions du
marché.
Ainsi, permettre l’accès des TPE artisanales aux «révolutions»
technologiques en cours nécessite une approche collective
et une mutualisation des moyens. À cette fin et dès 1990,
les pouvoirs publics en charge de l’Artisanat (DCASPL
5
)
ont favorisé la mise en place de structures de transfert de
technologies dédiées à cette typologie d’entreprises. Par le
label de «pôle national d’innovation de l’artisanat» et en leur
attribuant une mission générale d’interface entre le monde
de la TPE et celui de la recherche et des technologies,
les objectifs annoncés sont une meilleure identification des
ressources disponibles et la mise en œuvre de solutions
adaptées à la taille et aux capacités économiques des petites
entreprises
6
. Pour la facture instrumentale, l’Itemm, Institut
technologique européen des métiers de la musique, basé au
Mans, est dans ce cadre labellisé «pôle national d’innovation
des métiers de la musique
7
» depuis octobre 2001.
Au-delà des besoins évidents d’information et de formation
des professionnels de la facture instrumentale, les principaux
axes de développement des actions s’orientent sur :
- l’organisation de la veille technologique et réglementaire
(collecte, intégration, vulgarisation) ;
- la conduite d’études et de travaux d’intérêt collectif
(recherche appliquée « mutualisée », développement d’outils
dédiés) ;
- l’accompagnement individuel des entreprises (assistance-
conseil, prestation personnalisée, orientation).
Au niveau scientifique, les corrélations avec la facture
instrumentale - traditionnelle et numérique - permettant
d’envisager des retombées immédiates et à plus longs
termes, s’organisent essentiellement autour des grandes
thématiques
8
de :
- l’instrumentation expérimentale (sous forme de bancs
d’essai) et les méthodes d’analyse associées en vue
de la caractérisation objective des instruments - isolés
mais surtout en interaction avec le musicien - et de leur
dimensionnement en fonction de leurs matériaux constitutifs
et de leur design ;
- la modélisation physique toujours plus fine des instruments
de musique et le développement de moyens dédiés de
calcul et de simulation numérique dans la perspective de
proposer des outils logiciels de prototypage virtuel précis
et simples d’utilisation ;
- l’analyse sensorielle et la catégorisation des instruments
pour déterminer les paramètres pertinents qui contribuent à
la définition du cahier des charges technique d’un instrument
de musique de «qualité» ;
- la psychologie de la perception et la psychomécanique
(liens entre perception auditive et paramètres physiques)
afin de définir les attributs subjectifs de «l’esthétique sonore»
d’un instrument de musique en corrélation avec les éléments
qui le constituent.
Des retombées se sont déjà concrétisées en applications
significatives en termes de caractérisation et de
dimensionnement des instruments, d’outils de prédiction
et de prototypage. Dans leurs grands principes de
fonctionnement, les instruments de musique pris isolément
sont assez bien compris ; d’où par exemple, les résultats
satisfaisants obtenus en synthèse sonore par modèle
physique. Néanmoins, cela ne suffit pas car un instrument
ne fonctionne pas sans musicien (sic !). Un des champs
prometteurs de recherches actuellement menées concerne
les interfaces de contrôle des instruments - mécanique
des claviers, embouchure des instruments à vent,
etc. -, où par des études en haptique et des dispositifs
expérimentaux comme les bouches artificielles, il s’agit de
modéliser l’excitation et l’interaction avec l’instrumentiste.
De telles perspectives permettront certainement à l’avenir
de proposer de nouvelles solutions pour les instruments
à clavier ou d’améliorer les premières tentatives d’EWI -
Electronic Wind Instruments - déjà disponibles.
5- Direction du Commerce, de l’Artisanat, des Services et des Professions
Libérales du Ministère de l’Économie et des Finances (http://www.pme.gouv.fr).
6- Le réseau national des « pôles d’innovation de l’artisanat » est animé
par l’ISM, Institut Supérieur des Métiers (http://ism.infometiers.org). Il
existe actuellement une vingtaine de pôles d’innovation de l’artisanat
en France, essentiellement structurés par secteurs tels que les métiers
de bouche ou les métiers d’art (http://innovation.infometiers.org).
7- Pour une présentation plus détaillée, voir « Facture instrumentale et innovation :
enjeux, dispositifs, perspectives », Doutaut V., revue musique & technique,
Éditions Itemm, Le Mans, 2004 – ISSN : 1771-3641) http://www.itemm.fr.
8- Pour disposer d’un panorama précis des avancées récentes en acoustique
musicale et des thèmes scientifiques concernés, voir « Dix ans d’acoustique
musicale », Boutillon X., Gilbert J. et Vergez Ch., revue Acoustique & techniques,
Éditions CIDB, Paris, 2005 – ISSN : 1263-8072).
Musique et instruments