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Spécial “ Acoustics’08 ”
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Acoustique
&
Techniques n° 53
Musique et instruments
ar essence, l’acoustique et la musique sont en relation
étroite. De fait, les premières études «rationnelles» relevant
de l’acoustique en tant que discipline ont eu pour sujet
principal le son musical et les moyens de sa production, à
savoir les instruments de musique. Les fondements mêmes
de l’acoustique moderne sont ainsi d’ordre musical, dont il
est communément admis - à la limite du poncif - d’en situer
les origines aux premiers travaux sur la vibration des cordes
attribués à Pythagore.
Depuis, associé au déploiement de la démarche scientifique,
les instruments de musique ont régulièrement constitué
une source importante de motivations pour des physiciens
parmi les plus illustres comme le Père Marin Mersenne,
Félix Savart, Hermann Ludwig von Helmholtz, John William
Strutt – Lord Rayleigh, Chandrasekhara Venkata Raman ou
encore plus récemment, Henri Bouasse.
En parallèle, l’essor progressif de la pratique musicale, dans
tous les milieux socio-culturels, a nécessité la fabrication
d’un nombre croissant d’instruments de musique, générant
ainsi une activité économique spécifique du secteur musical
:
la facture instrumentale.
Facture instrumentale
L’appellation générique de «facture instrumentale» est
issue de la structuration progressive des communautés
professionnelles de «faiseurs d’instrumens», ainsi
constituées à partir du Moyen-Âge.
À cette époque, la profession de facteur d’instruments était,
dans bien des cas, exercée en même temps que celle
de ménétrier-musicien qui bénéficiait d’une organisation
fortement hiérarchisée depuis le XIVe siècle, réunie en
corporation des «joueurs d’instruments».
Il faut attendre assez tardivement (jusqu’en 1599) pour
qu’une corporation dédiée à la facture instrumentale
n’apparaisse en tant que telle. L’activité de fabricant
d’instruments de musique était jusqu’alors exercée par
divers corps de métiers en fonction des techniques
employées
: orfèvres, chaudronniers et fondeurs pour le
métal (corps de chasse, trompes, timbales, cloches...) ou
bien encore tabletiers, tourneurs et boisseliers pour le bois
(luths, flûtes, tambours...).
La conception et la fabrication d’instruments de musique
se fondent ainsi sur une tradition empirique séculaire de
collaboration intime entre musiciens et facteurs.
De nos jours, outre les industries culturelles et désormais
de loisirs - technique, ingénierie et diffusion des signaux
musicaux -, qui nécessitent par nature une analyse
approfondie du «son musical» et la maîtrise des technologies
de pointe qui lui sont associées, la facture instrumentale
constitue en propre un des secteurs économiques de renom
s’alimentant directement des recherches en acoustique.
Contexte économique
L’avènement des technologies électroniques et numériques
bouleverse de façon considérable l’industrie musicale et
par conséquent la facture instrumentale, allant jusqu’à
délibérément utiliser les accessoires électroniques voire
même l’ordinateur comme instruments de musique à part
entière. Cette évolution a historiquement pour origine la
question récurrente de l’amplification des instruments,
provenant depuis un siècle de pratiques culturelles nouvelles
liées d’une part, à l’essor phénoménal des musiques
afroaméricaines puis électroacoustiques et, d’autre part,
au changement des lieux de prestation et d’écoute, tout
genre musical confondu.
Avec cette révolution technologique et culturelle, le
paysage de la facture instrumentale s’est modifié en
conséquence. Ainsi, depuis la seconde moitié du XXe siècle,
la production en grande série d’instruments de musique
s’est successivement déplacée de l’Europe vers les États-
Unis, puis le Japon, l’Asie du Sud-Est et actuellement en
Chine. Cette répartition correspond également à un mode
Vincent Doutaut
ITEMM
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