Spécial “ Acoustics’08 ”
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Acoustique
&
Techniques n° 53
L’industrie du spectacle et de la reproduction sonore
point de départ théorique est bien la physique fondamentale,
les domaines de connaissances connexes sont diversifiés :
architecture, réglementation, scénographie mais aussi
configurations scéniques des orchestres voire culture
musicale, instruments de musique, électroacoustique, prise
de son, psychoacoustique, physioacoustique…
Des bureaux d’étude réputés comme Artec (USA), ont
compris depuis longtemps ces enjeux en présentant en
interne des compétences complémentaires en architecture,
scénographie, acoustique et électroacoustique ainsi
qu’en entretenant un relationnel privilégié avec les chefs
d’orchestre. La qualité des salles d’écoute va dépendre des
moyens que l’acousticien aura préconisés et du soin des
mises en œuvre. Le public aimera entendre les détails des
œuvres jouées en toute place, il appréciera et respectera
la profondeur du silence lorsque la musique s’arrête et
enfin, il ne faudra pas gêner le voisinage constitué la
plupart du temps par des logements mitoyens. Autant de
domaines différents de l’acoustique qui vont s’appliquer à
l’ensemble des corps d’état du bâtiment à construire. Les
choix de matériels ou de matériaux, leur mise en œuvre,
seront présentés dans des documents descriptifs et des
plans. La réalité économique conduit à évaluer le coût de
l’intervention en maîtrise d’œuvre acoustique complète entre
3 et 6 % des missions globales de maîtrise d’œuvre à la
base. Certaines «divas» peuvent obtenir un maximum de
7 à 10 % sur des projets prestigieux. Ces montants ne
permettent pas toujours la présence continue d’un ingénieur,
notamment lors des phases d’exécution des ouvrages ce
qui est souvent préjudiciable au résultat final.
Si «Industrie du spectacle» signifie aussi une certaine
démocratisation par le spectacle de masse, on ne saurait
éviter le débat que suscite le volume sonore souvent
excessif des grands concerts, qu’ils se déroulent en salle
ou à l’extérieur. Ses conséquences sont multiples sur le
public, les artistes et techniciens du spectacle. Ils ont aussi
un impact sur l’interprétation de l’œuvre elle-même. J’ai
assisté dernièrement à un concert de Deep Purple, groupe
de rock britannique, créé en 1968. Fini l’utilisation de la
réverbération électronique ou des pédales wha wha qui
sont remplacées par un renforcement des basses voire
très basses fréquences et une compression générale de
la dynamique.
Pour certains concerts de musique amplifiée, les niveaux
sonores sont si dangereux que des bouchons d’oreille sont
distribués au public. Les techniciens et les artistes sont
souvent mal protégés et les cas de pertes auditives sont
quasi systématiques pour les professionnels.
La réglementation française, à travers le décret 98-1143
de décembre 1998, a fixé une limite de 105 dB (A) et de
120 dB crête. Si ces valeurs sont parfois dépassées dans
les musiques actuelles cela peut aussi arriver dans les
grandes formations symphoniques. Mais les effets sont
très différents ! Les fortissimo de la musique classique
sont toujours suivis de périodes plus calmes où l’oreille
peut récupérer. À l’inverse, pour le Trash Métal par
exemple, la dynamique tient dans moins de 5 décibels. La
polémique n’est pas prête de s’éteindre sur ce sujet. La
Suisse
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en avance sur les autres pays, a encore renforcé
la limitation des niveaux sonores. Ils sont divisés à présent
en trois catégories : jusqu’à 93 dB (A), de 93 à 96 dB (A)
et jusqu’à 100 dB (A). À chaque catégorie correspond
une durée d’exposition maximale, et dans tous les cas,
les manifestations doivent être annoncées aux autorités
compétentes avec force détails sur leur durée, moyens de
contrôle… En France, le décret du 21 mars 2006 est venu
modifier le précédent décret de 2002 sur les obligations
de déclaration des rassemblements festifs à caractères
musical et amplifié.
À ce débat sur les volumes sonores s’ajoute celui sur le
bruit de voisinage. Le spectateur redevient le voisin qui veut
faire valoir ses droits à la tranquillité. Le décret 98-1143
présente donc un volet spécifique sur ce sujet qui se
cumule aux contraintes du décret d’août 2006 relatif aux
bruits de voisinage. Mais ces textes s’appliquent mal au
spectacle vivant. Le premier paru en 1998 a été écrit en
pensant plutôt aux discothèques même si son application
a été étendue à l’ensemble des musiques amplifiées. Le
second plus récent, est une nouvelle rédaction du décret
95-408 plus axé sur les bruits de voisinage, mais peu
approprié à la diffusion musicale : pas de prise en compte
des basses fréquences inférieures à la bande d’octave
125 Hz, contraintes inappropriées interdisant la plupart
des manifestations en extérieur. Au ministère en charge
de l’Ecologie, un groupe de travail, actuellement en stand
by, est chargé de réfléchir sur les problématiques des
spectacles en extérieur. Les pistes envisagées découlent
de l’impossibilité de nuisances acoustiques nulles pour des
manifestations musicales en tissu urbain. Il faut donc agir
à la fois sur trois facteurs complémentaires :
Fig. 3 : Système V-DOSC à Dugny
1 - Edition provisoire de l’Ordonnance fédérale Sons et Laser du 1er mars 2007.