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Acoustique
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Techniques n° 52
La parole est à …
Philippe Herzog, Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique du CNRS, Marseille
celles qui sont présentées dans les articles «Conception
d’actuateurs dipôlaires pour dispositif de contrôle actif de
bruit» et «Réseaux de haut-parleurs pour la sonorisation
de grands volumes», dans ce numéro de la revue. Enfin,
l’identification expérimentale des paramètres des modèles
électroacoustiques est en général aisée ; elle ne doit pas
être considérée comme la mesure de grandeurs physiques,
mais conduit néanmoins à une excellente correspondance
entre simulations et mesures.
Transducteurs : de la physique à l’audio
L’étude des transducteurs est à l’origine de l’essor de
l’électroacoustique, et reste un des rares thèmes qui y est
assez systématiquement associé, mais il ne faut pas pour
autant y voir une spécialité réservée à un petit nombre : les
transducteurs sont présents dans beaucoup de laboratoires,
mais aussi dans les nombreuses applications multimédia
actuelles. Selon les cas, leur comportement est vécu comme
un centre d’intérêt, une donnée technique, ou une limitation
frustrante, selon le degré d’attention que l’on veut leur porter.
Mais rares sont les personnes qui peuvent approfondir un
problème concret sans devoir tenir compte de la différence
entre les transducteurs dont ils disposent et leur concept
idéalisé (source/capteur ponctuel, linéaire, invariant,
etc). Depuis la découverte des différents principes de
transduction, un dialogue constant (bien que pas forcément
formalisé) a permis aux scientifiques et aux industriels de
faire progresser les concepts théoriques nécessaires à la
compréhension du fonctionnement des transducteurs, mais
aussi et surtout leur technologie, et leur réalisation. La bonne
qualité de certains produits à très bas coût commercialisés
aujourd’hui est surprenante, et ne pouvait probablement pas
être envisagée, il y a seulement vingt ans. Pourtant, même
les produits haut de gamme souffrent encore de nombreuses
limitations ; les travaux de recherche continuent donc dans
les laboratoires, et de nouveaux brevets concernant les
transducteurs sont déposés chaque mois.
En restant dans le cadre de sources sonores audibles, des
exemples d’actualité sont, par exemple, le transducteur
ionique (déjà ancien), mais aussi le principe de la source
«paramétrique», dans laquelle deux champs ultrasonores de
grande amplitude interagissent pour créer une source audible
au sein d’un volume d’air distant, du fait de la non-linéarité
des phénomènes acoustiques. Le caractère «immatériel»
d’une telle source permet de réaliser des géométries
de volume source très particulières, conduisant à des
directivités inhabituelles (sources très directives aux basses
fréquences, etc). Son autre originalité est que le mécanisme
de transduction «audible» est purement acoustique (même si
des transducteurs ultrasonores sont néanmoins nécessaires).
De tels principes sont encore expérimentaux, et assez limités
en dynamique, ce qui les cantonne encore essentiellement
dans les laboratoires. Les haut-parleurs électrodynamiques
classiques restent largement plus répandus, mais réservent
pourtant encore maintes surprises, et sont donc toujours
l’objet de recherches, comme cela est exposé dans l’article
«Haut-parleurs électrodynamiques : défauts des moteurs
classiques, performances des moteurs sans fer» dans ce
numéro. Un des principaux points faibles de ce transducteur
s’avère être son comportement magnétique, longtemps
occulté par une description principalement électrique.
Le marché de la reproduction sonore a aussi largement
évolué vers d’autres modes d’écoute. Ainsi, les dispositifs
d’écoute individuelle se répandent largement, apportant leurs
problèmes spécifiques, en ce qui concerne les transducteurs
eux-mêmes, mais aussi en ce qui concerne leur métrologie :
ils ne rayonnent pas dans un espace extérieur, mais dans
une partie de l’oreille, qui constitue une charge confinée très
variable d’un individu à l’autre. L’article intitulé «La mesure
des dispositifs d’écoute individuelle» présente un travail
important qui est en cours, et constitue une fois encore un
problème d’acoustique physique fondamentale. Une meilleure
compréhension des phénomènes permet ainsi d’affiner les
modèles et les méthodes de mesure, réduisant a priori
l’écart qui les sépare. Cependant, estimer cet écart pose
aussi un problème fondamental quand il s’agit d’analyser un
système de reproduction sonore : il n’y a pas de corrélation
directe entre la plupart des critères de mesure usuels, et la
dissimilarité perçue par un auditeur. Comme l’expose l’article
intitulé «Enceintes acoustiques : perception et mesures», les
mécanismes de l’audition ont une sélectivité très particulière,
ce qui modifie l’importance relative des composantes des
dissimilarités à estimer. Ce problème prend encore plus
d’importance de nos jours, avec le développement de la
dimension spatiale de la reproduction sonore. En effet, il est
inenvisageable de synthétiser exactement un champ sonore
arbitraire dans un local quelconque, car cela nécessiterait
une énorme quantité d’informations pour couvrir l’intégralité
des fréquences audibles. La reproduction spatiale reste donc
approximative, même si les développements récents sont
impressionnants. Deux écoles coexistent depuis longtemps
en ce domaine : soit une synthèse rigoureuse basée sur
une représentation limitée du champ, qui fait l’objet de
l’article intitulé «Le son 3D dans toutes ses dimensions»,
soit une approche créant plutôt une illusion sonore, basée
elle aussi sur des méthodes rigoureuses, mais qui relève
autant d’une dimension artistique que scientifique. L’article
«L’approche scientifique appliquée à la prise de son» donne
donc la plume à un ingénieur du son, illustrant le lien entre
l’électroacoustique et la communauté «audio». Un dernier
article aurait dû figurer dans ce numéro, sans un problème
de santé de l’auteur. En effet, la reproduction sonore ne met
pas uniquement en jeu les transducteurs : l’environnement
d’écoute joue un rôle essentiel, à la fois en modifiant
physiquement le fonctionnement des transducteurs, et
en filtrant les signaux qu’ils délivrent. L’électroacoustique
est donc aussi liée à l’acoustique des salles, que ce soit
en concert, à domicile, ou dans un véhicule. Et ce dernier
marché représente aujourd’hui une part de marché très
importante, tout en constituant un argument de vente
important pour les constructeurs automobiles. Il est donc à
souhaiter que l’influence de l’environnement d’écoute puisse
être traitée dans un prochain numéro de la revue.
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