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Acoustique
&
Techniques n° 52
La parole est à …
Philippe Herzog, Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique du CNRS, Marseille
1876. C’est sans doute à cette époque que l’électroacoustique
est devenue un domaine d’étude spécifique, du fait des
bouleversements de la société auxquels elle a été associée.
Cette émergence d’une approche technique rigoureuse des
transducteurs utilisés par le téléphone, s’est doublée d’une
avancée considérable sur le plan théorique : c’est vers 1873
que Maxwell a publié la théorie de l’électromagnétisme, et vers
1877 que Lord Rayleigh a publié les bases de l’acoustique.
Cette quasi-simultanéité illustre à nouveau à quel point ces
deux domaines sont proches, et se sont ainsi développés en
harmonie. Entre-temps, un autre mécanisme de transduction
avait été étudié : le couplage magnétostrictif, abordé par Page
en 1837. Il a été en partie à l’origine des travaux de Joule,
en ce qui concerne les aspects énergétiques (1845), mais a
également conduit à mettre en évidence un «effet inverse»
(Villari, 1864). Cette découverte est capitale : la compréhension
des échanges d’énergie au sein du transducteur, et le
couplage bidirectionnel («réciproque») entre les grandeurs
électriques d’une part, et mécaniques d’autre part, sont à
mon avis les notions les plus importantes dans l’étude des
transducteurs. De nouveaux principes de transduction ont été
découverts par la suite : piézoélectrique et thermoacoustique
(1880), puis électrodynamique (1914). Leur étude mélange
électromagnétisme, mécanique et acoustique.
Ainsi, la deuxième moitié du XIX
e
siècle a vu naître les
bases théoriques communes aux deux domaines que sont
l’électromagnétisme et l’acoustique : la plus universellement
utilisée est la théorie de la propagation, dans laquelle la
nature physique des phénomènes est un peu occultée au
profit de l’étude spatio-temporelle de «signaux» porteurs
d’information. Elle est donc utilement complétée par une
description des échanges d’énergie associés, et des
couplages entre différentes formes d’énergie, nécessaires
pour l’étude théorique mais aussi pour la mise au point de
nombreuses inventions. L’électroacoustique a donc continué
à se développer en filigranne de l’avancement de l’acoustique
et de l’électromagnétisme, sous le couvert d’une notion qui y
est centrale depuis son origine : l’impédance, qui caractérise
la réaction d’un milieu face à une sollicitation qui peut être
aussi bien mécanique qu’électrique. En France, toutes les
spécialités de l’acoustique sont classées dans le «giron
scientifique» de la mécanique (ce n’est pas le cas dans tous
les pays). Cela ne signifie pas pour autant que les notions
communes à l’électromagnétisme et à l’acoustique aient
perdu de leur intérêt - au contraire. Comme tout «découpage»,
forcément un peu arbitraire, cette classification masque des
liens pourtant très forts. L’électroacoustique en reste, dans
le domaine (français) de la mécanique, une trace indélébile -
du moins espérons-le !
Modèles électroacoustiques :
simples ou complets
La similitude des opérateurs électromagnétique et acoustique
a conduit à vouloir utiliser en acoustique des méthodes de
résolution usuelles en électricité, en segmentant un problème
sous forme du couplage de sous-problèmes élémentaires
simplifiés à l’extrême : dans un volume très confiné, seule
l’élasticité du fluide est considérée ; dans un volume à grande
divergence géométrique, seule son inertie est retenue, etc.
Cette approximation est voisine de celle qui consiste à ne
considérer que l’induction dans un bobinage électrique, ou la
capacité dans un condensateur : elle est d’autant meilleure
que des particularités locales tendent à faire dominer un
unique phénomène physique. En électromagnétisme
comme en acoustique, ces approximations sont a priori
limitées aux «basses fréquences», c’est-à-dire celles dont
la longueur d’onde est grande par rapport aux dimensions
mises en jeu. Dans de tels cas, il a semblé pratique de
représenter les modèles acoustiques sous forme de
schémas équivalents utilisant des symboles de composants
électriques, traduisant les analogies entre des phénomènes
décrits par des équations de formes identiques dans les deux
domaines. Cette représentation par «schémas électriques
équivalents» résulte de ce que l’étude des transducteurs a été
initialement menée par des personnes spécialisées en génie
électrique, pour qui ces schémas sont facilement lisibles ;
les mécaniciens pourraient tout aussi bien représenter des
filtres électriques sous forme d’assemblages de masses,
ressorts et amortisseurs ! Cependant, la validité de cette
approximation «localisée» n’est pas la même en acoustique
qu’en électromagnétisme : pour réaliser une inductance ou
un condensateur, il est possible de jouer sur la géométrie
des conducteurs et isolants, mais aussi sur les propriétés
des matériaux. Les composants électriques peuvent ainsi
être considérés comme quasi-parfaits dans une large plage
de fréquences et de niveaux, justifiant l’approche par schéma
à constantes localisées. Inversement, les éléments d’un
système acoustique partagent un seul fluide, leur forme n’est
pas libre, et le domaine des longueurs d’onde audible couvre
les dimensions de nombreux objets usuels : l’approximation
par constantes localisées est donc en général moins
pertinente qu’en électricité, car bien plus rarement utilisable.
Cette approximation par constantes localisées a donc été
complétée par des modèles plus réalistes, en général
analytiques. Cependant, l’analogie avec l’électromagnétisme
s’arrête inévitablement lorsque les lois de comportement des
matériaux ne sont pas similaires - notamment pour décrire
les pertes. Cela n’empêche pas d’établir des modèles
acoustiques simplifiés, de les coupler, et de représenter
ces assemblages sous forme de «schémas-blocs» : même
sans équivalent électromagnétique, un tel modèle rend
compte des phénomènes physiques réels, pour autant qu’il
soit possible de segmenter le problème global en sous-
parties où dominent des comportements particuliers : on
peut alors parler «d’éléments physiques». Il est alors possible
d’étendre cette approche à l’assemblage de sous-modèles
analytiques et numériques, utilisable sur des gammes
de fréquences étendues, et éventuellement en régime
non-linéaire : l’électroacoustique est alors essentiellement
une représentation synthétique d’un problème d’acoustique
physique complexe.
Inversement, un modèle très simple peut être très utile dans
des situations où la rapidité de calcul prime sur la rigueur.
C’est le cas notamment lors de la conception d’un dispositif,
où le dimensionnement de différentes options permet de
prendre rapidement des décisions, avant d’entreprendre
une étude plus approfondie. Malgré les limitations évoquées
ci-dessus, des modèles électroacoustiques simples utilisés
à bon escient permettent en particulier de concevoir des
sources acoustiques aux basses fréquences, c’est-à-dire
aux fréquences où leur dimensionnement est souvent le
plus critique. C’est aussi l’efficacité de ces modèles qui
permet de les utiliser pour optimiser des combinaisons
complexes de sources, dans des applications telles que