Spécial “ Electroacoustique ”
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Acoustique
&
Techniques n° 52
L’approche scientifique appliquée à la prise de son
Malgré cette situation peu encourageante, il existe tout de
même un certain nombre de réalisateurs et de preneurs de
son qui sont toujours prêts à prendre le temps de réaliser
des images sonores dignes de ce nom – on pourrait citer
comme exemple, un film récent – Les Choristes – pour
lequel nous sommes immergés dans une image sonore en
totale harmonie avec l’image à l’écran. De plus, l’ambiance
sonore y est souvent utilisée d’une façon remarquable pour
décrire l’environnement autour de l’image à l’écran.
Mais il faut dire que là encore aucune approche scientifique
n’est envisageable, étant donné que le jugement subjectif et
artistique est de règle, et la science, si science il y a, est
une science concernant la connaissance des techniques
et technologies des outils de prise de son, ou de ceux qui
sont utilisés en mixage ou post-production. On peut même
dire qu’une approche scientifique dans ce contexte n’a
justement pas de sens.
Les médias de l’audio
Les médias de l’audio «pure» ont plusieurs contextes et
plusieurs approches possibles. Entre les différents formats :
- La mono (oui elle existe encore !),
- La stéréo,
- Le multicanal (5.1), ou
- Les systèmes multicanaux ;
les différents media :
- La radio,
- Le CD,
- Le SACD-DVD-audio-Blue Ray,
- Le MP3, etc. ;
et les différentes approches de la prise de son, utilisant :
- un ensemble de micros à proximité des instruments de
musique (le multimicro),
- un seul système de microphones, dit array, ou
- la combinaison des deux approches ;
les possibilités sont vraiment multiples, sans parler de tous
les moyens électroniques et informatiques capables de
fabriquer des sources et images sonores. Le développement
de ces dernières nécessite une maîtrise scientifique parfaite
du domaine électronique et informatique, mais dépasse
sensiblement le cadre de cet article.
Depuis les années soixante, la tendance est à utiliser la
technique de prise de son de proximité, même en studio,
laissant la liberté au preneur de son d’ajouter lui-même une
réverbération dite «artificielle» (par traitement électronique),
et aussi de traiter le signal de chaque source sonore par
une multitude d’appareils périphériques telle qu’égaliseur,
limiteur/compresseur, «noise gate», etc. Le développement
de l’utilisation des processeurs de signaux numériques (DSP
pour Digital Signal Processing) permet aussi d’obtenir des
effets sonores originaux et souvent spectaculaires.
La prise de son de proximité (au plus près de la source
sonore) présente une difficulté majeure dans la mesure
où le rayonnement sonore d’un instrument de musique
est extrêmement complexe à proximité de l’instrument
- il est donc difficile de positionner le micro pour une
captation de timbre équilibrée. De plus, la captation de la
réverbération générée par l’environnement de l’instrument
est aussi un élément important dans la perception du «vrai»
timbre de l’instrument. Dans le domaine de la reproduction
stéréophonique, la prise de son de proximité supprime
malheureusement la dimension acoustique naturelle de
l’instrument. Néanmoins, la prise de son de proximité, qui
donne la liberté de manipuler librement le son d’origine,
permet au preneur de son de créer des sons tellement
alléchants que cette technique de prise de son est
maintenant largement dominante.
La prise de son de musique classique reste encore un
domaine où le preneur de son utilise souvent un micro ou un
dispositif central de micros («array» en anglais) pour capter
une image sonore dans son ensemble. Cette technique
de prise de son a le mérite de capter toute la complexité
de l’architecture acoustique formée par les nombreuses
sources de sons directs et le champ complexe des
réflexions. La captation du premier groupe de réflexions et
la réverbération générale jouent un rôle très important dans
l’impression d’espace qu’on peut avoir à la restitution.
L’objectif de ce type de prise de son est de donner à
l’auditeur l’impression d’entendre «le plus naturellement
possible» le son d’origine. Il faut toujours se rappeler qu’il
ne s’agit que d’une impression de naturel, étant donné que
la restitution de ce type de prise de son ne peut en aucune
mesure reproduire la complexité de la propagation du
champ sonore d’origine. Il est même tout à fait remarquable
de constater que la reproduction de seulement deux ou
cinq canaux (ou davantage), peut nous donner l’illusion de
percevoir des images virtuelles entre chacune des enceintes
acoustiques, et ainsi d’avoir l’impression de baigner d’un
champ sonore naturel. On doit une fière chandelle à
Blumlein [3] pour ses travaux (dans les années trente) qui
furent à l’origine de la découverte de la reproduction sonore
stéréophonique en utilisant, comme système de captation
du son, un système de microphones bidirectionnels qui
coïncident avec les axes des microphones à 90° l’un par
rapport à l’autre.
La prise de son utilisant uniquement un array est
malheureusement trop peu fréquente – il est rare que les
conditions nécessaires pour obtenir une bonne prise de
son avec un array unique soient réunies. La raison est
simple dans la mesure où aucun système de microphones
ne peut restituer la profondeur (la distance) correctement
- un microphone a tendance à augmenter notre perception
de la profondeur ou de la distance par rapport à la distance
réelle de la source sonore. Autrement dit, les microphones
doivent être placés toujours plus près de la source sonore
par rapport à notre perception naturelle à une position
donnée. Si l’on peut disposer les instruments de musique
individuellement en tenant compte de cette limitation, il est
alors possible d’obtenir des enregistrements d’une qualité
Nota : le mot anglais «array» m’a toujours paru difficile à traduire d’une façon
satisfaisante en français : «antenne de micros» me semble le sens le plus
proche, mais il n’est pas complètement satisfaisant, donc je retourne presque
inévitablement à l’utilisation du mot «array» pour sortir de ce dilemme ! Par la suite,
tout mot anglais (ou franglais) sera donc signalé par des italiques.