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Spécial “ Electroacoustique ”
Acoustique
&
Techniques n° 52
L’approche scientifique appliquée à la prise de son
des «line arrays» [1] (décrit par Xavier Meynial dans ce
numéro) est une illustration intéressante d’amélioration dans
ce contexte.
Cependant, il est regrettable que le paramètre de localisation
de la source sonore d’origine ne soit pris en considération
que dans un petit nombre de situations, et là encore souvent
avec l’appui de technologies très sophistiquées. Dans la
plupart des cas, la tendance actuelle est malheureusement
de créer des images sonores sans réelle correspondance
avec la source acoustique naturelle. Le public l’accepte, ou
du moins ne se plaint pas de cette situation. On peut espérer
qu’une formation scientifique plus au fait des techniques de
sonorisation évoluées pourra améliorer progressivement
cette situation.
Les différentes options de prise de son dans ce contexte sont
réduites au minimum, c’est-à-dire au choix entre un micro
sur pied, un micro «cravate» (ou «Lavallière»), ou l’utilisation
d’une liaison radio sans-fil (dite «micro HF» ou «wireless»
en anglais). Le preneur du son peut aussi faire appel à des
appareils comme l’égaliseur (manuel ou automatique), pour
réduire l’effet Larsen – c’est-à-dire l’apparition d’un sifflement
provenant de la liaison acoustique entre le micro et l’enceinte
acoustique, associée à l’amplification électronique du signal.
L’utilisation d’un léger retard ou décalage fréquentiel peut
aussi faire reculer le seuil de «Larsen».
Le respect de la «loi du premier front d’onde», aussi
appelée «effet de précédence», peut aussi améliorer le
confort de l’écoute. En retardant le son venant de chaque
rangée d’enceintes de telle sorte que l’auditeur perçoive
le son direct en premier, on maintient l’impression de
localisation sur la source réelle. Le retard pour chaque
rangée d’enceintes doit évidemment augmenter au fur et
à mesure qu’on s’éloigne de la source.
Sonorisation de spectacle
Il n’est plus possible de considérer la sonorisation d’un
spectacle «live» comme le simple renforcement du son
d’origine, comme pourrait le laisser entendre le terme
anglais pour sonorisation : «sound reinforcement». La
sonorisation de spectacle est devenue un véritable «show»
en elle-même! Certes, la distribution homogène du timbre,
et évidemment une bonne intelligibilité pour l’ensemble de
l’auditoire, sont maintenant une nécessité. Mais la puissance
de diffusion, et de nombreux effets sonores additionnels, ont
associé à cette simple fonction de renforcement de niveau
un domaine de création artistique spécifique. L’arrivée de
l’écran vidéo dans le spectacle est devenu un autre élément
de création artistique, de telle sorte qu’on peut se demander
si l’artiste n’est pas en train de devenir un simple figurant !
Avec l’appui de technologies de plus en plus puissantes,
ce goût pour le gigantisme peut aussi profiter à un nombre
de spectateurs de plus en plus élevé, allant de plusieurs
centaines à quelques milliers.
La prise de son pour ce genre de spectacle fait appel à
toutes les techniques possibles à condition d’être à proximité
pour minimiser le risque de «Larsen». Le micro sans-fil joue
ici un rôle prépondérant pour tout ce qui est chant collectif
et souvent pour le chant individuel. Le développement
de la technologie des micros HF, permettant d’utiliser
simultanément des dizaines de micros sur une même
scène, a été une véritable révolution dans les techniques
et approches de la prise de son. Le contexte de diffusion
devient aussi très complexe et techniquement sophistiqué
pour satisfaire aux énormes puissances nécessaires, tout
en tenant compte d’un souci supplémentaire, celui de la
santé auditive du public – les puissances élevées pouvant
créer des traumatismes auditifs irréversibles.
Les techniques de localisation des artistes ont été portées
à un niveau de perfection ultime par les travaux de Gerhard
Steinke [2] dans le développement du système de «Delta
Stereophony» dans les années 70-80. Dans cette approche
de la sonorisation, chaque zone d’activité artistique est
traitée comme une source de son direct qui peut être soit
un son naturel direct, soit une source locale de sonorisation.
L’intensité sonore et le retard vers chaque groupe
d’enceintes, sonorisant chaque partie des spectateurs,
sont traités de telle sorte que l’effet de précédence est
respecté (à l’intérieur d’une fourchette de 6 dB et ~20 mS)
– le son est donc localisé vers la source directe du son.
Cette technique de sonorisation peut être appliquée à des
auditoires de plusieurs milliers de personnes.
Prises de son pour les médias audio-visuels
Les techniques de prise de son pour le cinéma et la télévision
ont aussi subi une évolution profonde depuis au moins
une quarantaine d’années. À l’époque où j’ai commencé
à apprendre ce métier à la BBC Television à Londres, au
début des années soixante, le «boom-man» (perchiste) devait
créer une perspective sonore directement identifiable avec
l’image. À cette époque, on pouvait affirmer que «on voit
avec ses oreilles et on écoute avec ses yeux» ! Ainsi, le son
devrait suggérer à l’auditeur une image qui corresponde
à l’image sur l’écran («on voit avec ses oreilles»), et le
perchiste devait savoir utiliser la directivité de son micro
de telle sorte que la position du microphone par rapport
aux comédiens reproduise la perspective sonore requise
(«on écoute avec ses yeux»).
Mais déjà à cette époque, une grande partie de l’industrie
du cinéma avait relégué le son direct au rang d’un simple
son témoin, au profit du doublage des pistes de dialogue
en studio. L’évolution remarquable de la fiabilité et la
miniaturisation des microphones sans-fil, plus l’inévitable
pression pour réduire le temps de tournage, ont conduit
de nombreux preneurs de son à équiper chaque artiste
avec un micro HF individuel. Toute tentative de créer une
perspective sonore semblable à l’image visuelle, était alors
générée par traitement du son via des appareils analogiques
ou numériques, soit au moment de la prise de son, soit
ultérieurement pendant les étapes de post-production.
Mais là encore, il semble que le public ne cherche plus
cette identité sonore réelle par rapport à l’image. La
grande quantité de films ou d’émissions de télévision qui
est doublée dans une langue différente de la langue d’origine
du tournage ne fait rien non plus pour développer dans le
public une sensibilité à l’identité entre l’image et le son.
Le son est devenu une fonction purement utilitaire, et le
domaine de création, s’il existe, a été transféré vers les
étapes de mixage ou tout simplement vers un processus
complexe de post-production.