3
Acoustique
&
Techniques n° 52
La parole est à …
n composant le «menu» de ce numéro spécial,
la première question était de savoir ce que ce terme
«électroacoustique» signifie aujourd’hui. Il suffit d’en discuter
rapidement avec quelques personnes pour constater qu’il
évoque des notions très diverses, souvent contradictoires.
Il est aussi caractéristique que peu de personnes le
revendiquent comme une spécialité, au point que le congrès
Acoustics’08, qui se tiendra à Paris au mois de juillet, n’a
pas prévu de session sur ce thème.
Faut-il pour autant considérer que l’électroacoustique a
disparu aujourd’hui ?
Ce n’est probablement pas aussi simple, mais force est
de constater que le terme est ambigu : il recouvre tant de
facettes que presque tout le monde est amené à utiliser
des notions liées à l’électroacoustique, sans forcément les
considérer comme telles. Comme le suggère son étymologie,
l’électroacoustique est avant tout l’étude d’assemblages de
connaissances : si chaque spécialité est une brique d’un
édifice scientifique, on peut considérer l’électroacoustique
comme un mortier qui permet de les unir. Plutôt que de
dresser un catalogue exhaustif, ce numéro spécial est
focalisé sur un domaine bien particulier : la reproduction
sonore audible. D’autres numéros ont traité de domaines
d’application où l’électroacoustique est présente en filigranne.
Il paraissait donc légitime de traiter ici du domaine qui est à
l’origine même de l’électroacoustique, et que toute personne
connaît a priori, au moins en tant qu’utilisateur.
Dans notre société hyper-médiatisée, l’importance des outils
de communication est une évidence. Ce qui l’est moins,
c’est que l’évolution technologique de ces outils a souvent
mis l’électroacoustique en première ligne, posant des défis
scientifiques fondamentaux, tout en lui réclamant de résoudre
efficacement des problèmes très concrets.
Électricité - Acoustique : un lien de longue date
Il est impossible de dater avec précision l’histoire de la
connaissance, mais il est intéressant de donner quelques
repères dans l’histoire parallèle de l’électricité et de
l’acoustique.
On peut ainsi évoquer la bouteille de Leyde, au milieu du XVIIIe
siècle : Franklin a fait osciller une balle entre deux électrodes
(vibreur électrostatique), qui ont été par la suite modifiées pour
en permettre la résonance, donnant naissance à un «clavecin
électrique» vers 1861, ou un «télégraphe électrostatique» vers
1774. La première de ces applications peut ainsi être vue
comme le lointain ancêtre de nos synthétiseurs, alors que la
deuxième est à l’origine des moyens de télécommunication
caractéristiques de ce début de siècle. C’est la création d’un
générateur électrochimique par Volta, vers 1800, qui a permis
l’essor de l’électricité. Il a ouvert la voie à de nombreuses
découvertes : la transduction électromagnétique (1802), le
magnétisme (Oersted, Arago, Davy, Ampère, et bien d’autres,
autour de 1820), la compréhension des pertes électriques
(Ohm, 1826), celle des bobinages (Henry, 1828), pour aboutir à
la renaissance d’un ancien concept : le télégraphe, sous forme
cette fois électromagnétique (1831). C’est donc après environ
60 années de gestation que cet outil de communication a pu
être concrétisé. Il est difficile de concevoir l’impact énorme sur
le XIXe siècle de cette idée qui semble désuète aujourd’hui ;
c’était pourtant une étape capitale dans l’accélération de
la transmission des informations par un codage (Morse)
qui permettait d’utiliser un support immatériel («virtuel», si
l’on préfère ...). Le rapport entre l’électricité et l’acoustique
s’est atténué dans le télégraphe, jusqu’à ce qu’un écrivain
suggère, dans une nouvelle de 1854, qu’une future version du
télégraphe pourrait reproduire la voix humaine. Effectivement,
un premier prototype de téléphone est apparu vers 1860, a
été amélioré par Gray puis Bell, dont le principal brevet date de
Electroacoustique(s)
Philippe Herzog, Laboratoire de Mécanique et
d’Acoustique du CNRS, Marseille
E