Spécial “ 5es Assises sonore ”
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Acoustique
&
Techniques n° 51
Calcul prévisionnel du bruit en milieu urbain : limites des approches actuelles et perspectives
acoustique à longue distance [29,30]
12
. C’est d’ailleurs
pour cette raison que la NMPB intègre par exemple
des conditions météorologiques «simplifiées» dans ses
calculs. En milieu urbain, les distances de propagation
sont nettement inférieures à celles des problèmes en
milieu ouvert. D’autre part, il est probable que l’effet des
gradients thermiques à l’échelle d’une rue soit faible. On
peut donc penser dans un premier temps que les effets
météorologiques sont négligeables en milieu urbain
13
.
Toutefois, la présence d’un bâti dense peut engendrer
des comportements aérodynamiques particuliers, comme
l’effet «canyon» d’une rue, amplifiant ou diminuant la célérité
du son en fonction de la direction du vent moyen dans la
rue, ou encore les effets de turbulences aérodynamiques
créés par les sommets des bâtiments, notamment en
présence d’un vent perpendiculaire à une rue, ainsi que
les effets de turbulences thermiques.
En l’absence
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d’une étude expérimentale sur l’effet des
conditions météorologiques sur la propagation acoustique
en milieu urbain, il est toutefois difficile d’évaluer leur
importance réelle. Des études numériques, basées sur
des approches ondulatoires, et notamment la méthode
des différences finies dans le domaine temporel (FDTD),
ont cependant déjà montré l’importance de la turbulence
atmosphérique. Ögren et Forssén [31] ont par exemple
mis en évidence des augmentations de 2 à 5 dB à 1 600
Hz des niveaux sonores en présence de turbulence, tout en
soulignant la difficulté de la détermination des paramètres
réels de la turbulence en milieu urbain. Ces résultats
ont d’ailleurs été confirmés par ceux de Renterghem et
al [32]. En basse fréquence, ces études ont montré les
effets de la turbulence semblent négligeables. De son
coté, Heimann [10] a montré
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l’influence de la forme et
de l’absorption acoustique des toits (plat ou oblique) sur
le niveau sonore entre deux bâtiments dans un ensemble
périurbain (bâtiments parallèles et détachés), en présence
d’un vent transversal par rapport à l’axe de la rue.
Ces études, bien que préliminaires, et à prendre avec
précaution en l’absence de validations expérimentales,
tendent quand même à montrer par des approches
différentes que l’absence de prise en compte des effets
météorologiques et de la morphologie architecturale
réelle
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peut être à l’origine d’une erreur importante sur
la prévision des niveaux sonores. Cela est sans-doute
le cas lorsque les sources sonores sont relativement
éloignées des points récepteurs (récepteurs dans des
zones «calmes» par exemple).
Les phénomènes interférentiels
La plupart des méthodes de prévision acoustique
couramment uti l isée en acoustique architecturale
et urbaine, comme la NMPB
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, sont des approches
énergétiques. L’intérêt de ces méthodes est de considérer
les ondes sonores comme des phénomènes incohérents
(donc sans relation de phase), de telle manière que
l’on puisse additionner leurs contributions respectives.
Cette hypothèse permet de diminuer considérablement
la complexité et la durée des calculs par rapport à une
approche ondulatoire.
En milieu urbain, il est tout à fait possible de considérer
que le champ diffus résultant des multiples réflexions
diffuses est de nature incohérente, notamment en
hautes fréquences (typiquement 500 Hz), pour lesquelles
la longueur d’onde est très inférieure aux distances
caractéristiques d’une rue (comme la largeur de la rue) ou
des façades (comme la taille des irrégularités de façade).
Par ailleurs, certains effets micro-météorologiques comme
la turbulence semblent participer à la diffusion de l’énergie
sonore à ces fréquences.
En basse fréquence, les longueurs d’onde peuvent être
de l’ordre de grandeur des dimensions caractéristiques
de la rue ou des façades, ce qui peut engendrer par
exemple des phénomènes d’ondes stationnaires entre les
façades d‘une rue, y compris lorsque les façades sont de
formes très irrégulières. Ce résultat a notamment été mis
en évidence dans l’étude présentée à la référence [21].
L’approche énergétique est donc limitée, puisqu’elle ne
peut pas modéliser ce type de phénomène.
Plus globalement, l’ensemble des phénomènes mis en jeu
durant la propagation, quelque soit la fréquence (réflexion
par les façades, réflexion par le sol, diffraction, effets
météorologiques) interagissent entre eux du fait des
relations de phase. Pour obtenir une description fine de la
propagation intégrant l’ensemble des phénomènes mis en
jeu, les méthodes énergétiques devront laisser place un
jour ou l’autre à des approches ondulatoires.
Conclusion
Dans ce document, nous avons essayé de mettre en
évidence les limites des outils actuels de prévision
acoustique en milieu urbain, concernant la modélisation
des phénomènes propagatifs.
L’origine commune de
ces limites est la complexité de la morphologie
architecturale urbaine
, aussi bien au niveau de la rue
(réseau de rues, rue de largeur variable…) que de la
façade (répartition et taille des irrégularités de façade).
Cette complexité architecturale engendre des effets sur la
propagation acoustique différents de ceux rencontrés en
milieu ouvert ou semi-ouvert. Parmi ces effets, nous avons
insisté notamment sur les multiples réflexions diffuses qui
engendrent un champ sonore «diffus» qui est souvent
prépondérant par rapport au rayonnement directe et aux
réflexions spéculaires. Nous avons également souligné
12- Voir également l’article de Benjamin Cotté et Philippe Blanc-Benon,
dans ce même numéro.
13- Le guide du CERTU sur l’application de la directive 2002/49/CE en
agglomération [3], considère effectivement que ces effets météorologiques sont
négligeables en milieu urbain.
14- Un projet de recherche sur «l’influence des effets micro-météorologiques sur
la propagation acoustique en milieu urbain», piloté par le LCPC, en collaboration
avec le laboratoire de mécanique des fluides (UMR CNRS 6598) de l’École
centrale de Nantes, et le laboratoire d’acoustique de l’Université du Maine (UMR
CNRS 6613) devrait toutefois débuter en 2008 (projet de 4 ans financé par la
région des Pays de la Loire).
15- Dans cette étude, Heimann a utilisé un modèle temporel de propagation
basé sur les équations linéarisées d’Euler (LE) en trois dimensions.
16- L’effet de la turbulence atmosphérique est directement lié à la forme de
chaque bâtiment et à l’organisation des bâtiments entre eux. La morphologie
architecturale va donc de pair avec les effets météorologiques : une mauvaise
connaissance de l’un des deux, engendrera vraisemblablement des écarts
importants sur les prévisions acoustiques.
17- Les phénomènes pris en compte dans la NMPB, comme la diffraction par les
écrans et la réflexion par le sol, prennent bien en compte la notion de fréquence
dans le calcul de leurs effets respectifs. Par contre, les contributions de chaque
effet sont additionnées au point récepteur, donc sans prendre en compte les
relations de phase.