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Spécial “ 5es Assises sonore ”
Acoustique
&
Techniques n° 51
Calcul prévisionnel du bruit en milieu urbain : limites des approches actuelles et perspectives
l’influence de certains effets météorologiques (vent
longitudinal et transversal moyen dans une rue, turbulence
atmosphérique), fortement liée à la forme et à l’organisation
du bâti. Nous avons également soumis l’hypothèse d’une
influence de l’encombrement présent dans une rue, sur les
niveaux sonores notamment à proximité du sol. Il semble
donc indispensable d’intégrer ces effets dans les calculs
prévisionnels.
La plupart des méthodes utilisées en acoustique urbaine sont
des approches basées sur les hypothèses de l’acoustique
géométrique, donc essentiellement énergétiques. Par
conséquent, les effets de chacun des phénomènes
propagatifs (réflexion, diffraction, diffusion, absorption,
effets météorologiques…) peuvent «s’additionner». Dans
ces conditions, la difficulté réside dans le fait de proposer
un modèle qui puisse intégrer l’ensemble des phénomènes.
Parmi les approches que nous avons citées, celle basée
sur le concept des particules sonores et des équations de
transport/diffusion semble à même de répondre à cette
difficulté. L’intérêt de ce modèle réside dans la rapidité des
calculs quelle que soit la complexité du domaine étudié, et
sa capacité à intégrer de nombreux phénomènes, tels que
la diffusion de façade [28], la transmission acoustique par
des cloisons et des ouvertures [33], les fortes absorptions,
l’atténuation atmosphérique, la présence d’encombrements
[34] et potentiellement les effets météorologiques. Par
ailleurs, ce même modèle étant appliqué simultanément en
acoustique des salles et en acoustique urbaine, il autorise
une modélisation globale du bruit en milieu urbain, en
permettant de considérer les échanges entre l’intérieur et
l’extérieur des bâtiments. Enfin, à la différence des méthodes
classiques, cette méthode est temporelle, et permet
donc de calculer l’évolution du niveau sonore au cours du
temps. Cet aspect «temporel» peut être fondamental en
milieu urbain dans la mesure où les nuisances sonores
semblent plus liées aux fluctuations de niveau sonore
18
et
aux émergences par rapport au niveau moyen, qu’à des
valeurs «globales» sur des périodes données.
Toutefois, comme pour la propagation acoustique à longue
distance, la réalité des phénomènes physiques fait que les
effets propagatifs interagissent entres-eux en raison des
relations de phase entre les ondes sonores. En augmentant
le nombre de phénomènes pris en compte dans les outils
de calcul «classiques» - ce qui est toutefois nécessaire pour
améliorer les prévisions acoustiques en milieu urbain - ,
on risque également d’augmenter les incertitudes sur les
résultats des calculs, du fait de cette absence de prise
en compte des interactions entre les phénomènes. Nous
sommes donc en présence d’un paradoxe qu’il faudra
garder à l’esprit, tant que des approches énergétiques
seront utilisées.
Pour sortir de ce paradoxe, une solution possible consiste
à utiliser des approches ondulatoires numériques, seules
méthodes permettant de prendre en compte la morphologie
réelle du milieu urbain. Le
développement de nouvelles
méthodes de résolution numérique dans le domaine
temporel
(FDTD et TLM par exemple) constitue le
premier axe de cette évolution attendue des modèles.
Pour se convaincre de l’intérêt de ces approches, il suffit
de considérer le nombre croissant d’études utilisant des
méthodes temporelles en acoustique des salles, comme
en milieu extérieur, y compris en acoustique urbaine
19
.
Le second axe de cette évolution, se situe au niveau de
la
disponibilité de maquettes numériques du milieu
urbain
, dont la précision s’est extrêmement accrue ces
derniers temps, que ce soit au niveau des façades, du
quartier ou de la ville. Là encore, des applications récentes
dans d’autres domaines (Google Earth, Géoportail IGN,
bases de données BD TOPO
®
et BATI 3D
®
, Villes en 3D des
Pages Jaunes) montrent que les données existent. Enfin, le
troisième axe de cette évolution vient de
l’augmentation
constante de la puissance de calcul des ordinateurs
personnels
et la simplification des techniques de calcul
numériques. On peut citer par exemple les techniques de
calculs distribués
20
, permettant d’utiliser un réseau local
d’ordinateurs de bureau pour des calculs scientifiques, ou
encore le calcul parallèle
21
sur des ordinateurs de bureau
équipés de la nouvelle génération microprocesseurs multi-
cœurs (2 à 4 cœurs), et enfin le «détournement» de la
puissance des cartes graphiques, avec des capacités
22
de calcul extrêmement poussées, pour faire du calcul
scientifique (solution
23
Tesla de NVidia).
Enfin et pour conclure, le développement de nouvelles
techniques de calcul permet également d’envisager
la simulation audio (auralisation) d’un environnement
complexe, comme le milieu urbain (à une échelle de
propagation toutefois réduite). On peut par exemple citer
les travaux de N. Tsingos à l’INRIA
24
[17,22] sur l’extension
des approches classiques issues de l ’acoustique
géométrique, afin d’intégrer l’ensemble des phénomènes
de diffraction, à la fois sur les arêtes et sur les surfaces
des bâtiments.
Références bibliographiques
(1] Van Maercke D. & Defrance J. (2007), Development of an analytical model for
outdoor sound propagation within the Harmonoise project, Acta Acustica united
with Acustica, 201-212.
[2] NMPB – Routes – 96 (1997) Bruit des infrastructures routières. Méthode de
calcul incluant les effets météorologiques. Version expérimentale, CERTU, CSTB,
LCPC, SETRA.
[3] CERTU (2006) Comment réaliser les cartes de bruit stratégiques en
agglomération. Mettre en œuvre la directive 2002/49/CE.
[4]Picaut J. (2006) Modélisation des champs « diffus » en acoustique
architecturale et urbaine par un processus de diffusion de l’énergie sonore,
Habilitation à diriger des Recherches, Editions du LCPC.
[5] Kang J. (2007), Urban Sound Environment, Taylor & Francis.
[6] Bruneau M. (1998) Manuel d’acoustique fondamentale, Editions Hermès.
18- La notion de réverbération dans les rues peut être importante pour qualifier
les nuisances sonores.
19- Cf. numéro spécial de la revue Applied Acoustics, Vol. 68(2), 2007.
20- Informations sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_distribué. Le projet
SETI@home, pour la recherche des signes d’une intelligence extra-terrestre, est
une des applications les plus connues du calcul distribué.
21- Informations sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Calcul_
22- A l’origine, les capacités de calcul des cartes graphiques sont dédiées à
l’affichage pour des applications incluant la 3D, le montage vidéo, la synthèse
d’image. Ces derniers temps, les cartes graphiques sont devenues plus
performantes que le microprocesseur lui-même. Toutefois, les processeurs de
carte graphique n’étant pas conformes strictement à la norme IEEE 754 sur
la représentation des nombres en virgule flottante, les calculs sont réalisés en
simple précision.
23- Informations sur : http://www.nvidia.com/object/tesla_computing_solutions.
html
24- Informations sur : http://www-sop.inria.fr/reves/Nicolas.Tsingos/